Dominique Reynié : "Sur le terrain, les gens attendent que je leur parle de sécurité, pas de la primaire Sarkozy-Juppé"<!-- --> | Atlantico.fr
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Dominique Reynié : "Sur le terrain, les gens attendent que je leur parle de sécurité".
Dominique Reynié : "Sur le terrain, les gens attendent que je leur parle de sécurité".
©Reuters

Loin du parisianisme

Candidat aux régionales, le politologue Dominique Reynié représente la droite et le centre en Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées. Sécurité, emploi, krach territorial et crise des migrants : le candidat, actuellement 2ème dans les sondages pour le premier tour, s'exprime sur les sujets brûlants qui font sa campagne.

Dominique Reynié

Dominique Reynié

Dominique Reynié est professeur des Universités en science politique à l’Institut d’études politiques de Paris et directeur général de la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol).

Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Populismes : la pente fatale (Plon, 2011).

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Atlantico : Sur quelles thématiques avez-vous travaillé pour convaincre que cette région Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées est la "vôtre" ?

Dominique Reynié : J'ai été élu lors d'une sorte de primaire, avec un collège électoral composé de quarante élus des deux régions, vingt de Languedoc-Roussilon, et vingt de Midi-Pyrénées. J'ai fait campagne devant ces quarante électeurs, et le 25 avril il y a eu un vote à Sète où j'ai été désigné candidat pour la droite et le centre. La caractéristique de ma candidature, c'est que je suis le seul à n'avoir aucun mandat et à n'en avoir exercé aucun. Ce qui m'a clairement permis d'être le candidat de la droite et du centre pour la présidence de la grande région, c'est cette origine régionale et ce mécanisme unique d'élection, car c'est la seule région et la seule famille politiques qui a utilisé ce type de procédure compétitive régionale.

Ce qui conduit ma démarche aujourd'hui dans cette grande région, et à aller vers mes concitoyens pour les convaincre, part d'une analyse fondatrice qui est que l'Etat français est dans une crise budgétaire dont il ne se sortira pas avant longtemps, qui l'amène à réduire les dotations aux collectivités locales. Sur les 50 milliards d'euros que l'Etat a prévu d'économiser entre 2014 et 2017, 28 milliards sont une réduction des dotations aux collectivités locales, qui pourtant ne représentent que 10% de la dette. La conséquence, c'est que les communes, les départements et les régions sont en grande difficulté pour faire face aux obligations qui existent, et encore plus pour faire face aux obligations nouvelles. Par exemple, la réforme des rythmes scolaires a été imposée par le gouvernement aux mairies, qui ont dû financer cette réforme au même moment où les dotations étaient réduites. Elle va coûter 1 milliard d'euros à l'échelle nationale.

Ce phénomène-là m'amène à proposer de considérer que le Conseil régional qui va sortir de ces élections aura deux caractéristiques ; d'une part il sera issu de la fusion de deux régions, donc il y a un changement de nature, ce n'est pas seulement un Conseil régional plus grand mais un Conseil régional d'une autre dimension, et c'est aussi d'autre part un Conseil régional qui devra s'adapter à cette crise des finances publiques nationales et locales. Donc je mets en avant l'idée d'un Conseil régional qui servira de point d'appui et de support pour les collectivités locales de la grande région, afin de construire une puissance publique régionale. A partir de là, je me suis engagé pour que le territoire de la sécurité des personnes et des biens devienne compétence régionale, avec mise en place d'une direction régionale de la sécurité des personnes et des biens, en coopération avec les chefs d'établissement et les rectorats comme avec les familles. Ce sera par exemple la mise en place de vidéo-protection comme solution aux problèmes de trafics, de harcèlement, de racket, de dégradations, autour ou à l'intérieur des établissements d'enseignement. 

Vous voulez que la région soit davantage acteur de la société ?

Oui, qu'elle réponde aux attente formulées. Les petites communes qui n'ont pas les moyens de traiter de certains problèmes de délinquance ou de dégradations, je les appuierai techniquement, par de l'expertise offerte, et sur un plan budgétaire, en co-finançant, par exemple, un programme de vidéo-protection. Pour une commune de 5000 habitants, une quarantaine de caméras représente 140 000 euros, c'est un investissement que l'on peut porter et qui est efficace. Ou encore la sécurité des personnes et des biens dans les TER : les trains et les gares sont des espaces où l'on est exposé à des problèmes d'insécurité et d'incivilités. La convention avec la SNCF doit être renégociée fin 2016 ; j'ai annoncé que j'introduirai dans la discussion de cette convention la question de la sécurité et demanderai à la SNCF d'accroître l'importance de la police ferroviaire (qui n'est pas de la compétence de la région) et de prendre en partie en charge les coûts. Car les citoyens qui me parlent me disent qu'il y a un grand problème de sécurité. Je ne peux pas leur répondre que ce n'est pas dans les compétences du Conseil régional. Il faut chercher les moyens par lesquels on peut répondre à cette question. Je demanderai plus de compétences dans ce domaine-là aussi.

Dès maintenant, il faut tenir compte de l'effondrement des capacités de l'Etat dans toute une série de secteurs. Ou bien on constate le déclin des services publics fondamentaux dont la sécurité et on dit qu'on va laisser ça à l'abandon, ou bien l'on considère que d'autres institutions doivent prendre le relais, et pour ma part je le ferai avec le Conseil régional. La Région doit prendre sa part dans ce secteur essentiel quand l'Etat n'est plus en mesure d'assurer les services que l'on attend de lui. L'Etat est en train de se désengager, sans par ailleurs réussir à réduire la dette.Tout en produisant un krach territorial, car au fond les collectivités territoriales ont des obligations supplémentaires, des moyens fortement réduits, et n'ont pas les outils pour gérer la réduction des moyens. Une collectivité locale ne peut pas réduire sa masse salariale, car elle est statutaire, elle ne peut pas augmenter les impôts, donc il n'y a pas d'autres solutions que de réduire l'investissement c'est-à-dire de peser sur l'emploi. Malheureusement c'est ce qui se passe de manière massive.

A peu près 12% de communes françaises sont au bord du défaut de paiement, en 2017 elles seront 25%. Les départements seront touchés. C'est ce que j'appelle le krach territorial.Quand ça va arriver, les Français vont mesurer plus violemment que jamais l'affaissement de la puissance publique. Dans ma situation de candidat, je ne peux que surinvestir cette nécessité de répondre à ce déclin dramatique de notre puissance publique étatique. Il faut essayer de répondre aux attentes légitimes de la sécurité, de l'emploi, de la croissance, de l'innovation, de la formation, ou des transports. Ce sont des secteurs sur lesquels il faudra agir beaucoup.

A trois mois des élections régionales, un sondage OpinionWay indique qu'au premier tour Louis Aliot aurait 27% des voix, vous êtes crédité de 24%, Carole Delga 22% et Gérard Onesta de 16%. Qu'est-ce que ces chiffres vous inspirent, sachant qu'au second tour vous seriez battu, que ce soit par Carole Delga si elle est tête de liste ou par Gérard Onesta, avec une dizaine de points d'écart ?

Dans ce sondage, je ne suis battu que par des hypothèses. Il y a un sondage qui m'a donné vainqueur dans deux cas sur trois au second tour. Ce sont toujours des hypothèses. Quand on fait un sondage d'intentions de vote, on peut poser la question sur le second tour, mais ça n'a pas de sens en terme d'information, car le permier tour n'a pas eu lieu. Les électeurs ont un comportement qui se modifiera fortement selon le déroulement du premier tour et de l'entre-deux tour. Dans la manière dont la question est formulée pour le second tour, la gauche est réunie, ce qui est pour le moment très incertain. Aujourd'hui je ne suis pas 3ème mais 2ème, autour de 25%, je talonne Louis Aliot.

Votre positionnement libéral ne va-t-il pas représenter un handicap ?

Je ne suis pas dans l'expression d'une doctrine particulière, je réponds par mes propositions et ma ligne à des problèmes régionaux. La grande région a un taux de chômage de 12,5%. C'est le record de la France métropolitaine. C'est une question à laquelle je veux répondre.

Pourquoi Louis Aliot est-il si fort ?

C'est la marque FN, et la sous-marque Le Pen, qui fonctionnent. C'est l'expression d'une protestation. Mais le phénomène majoritaire aux départementales dans cette région a été, non pas les 13% des inscrits ayant voté pour le FN, mais l'abstention, quasiment à 50% des inscrits. La vraie protestation en France est dans le désengagement. Le FN aux départementales a représenté 13%, et avec 50% d'abstention, il réussit donc à faire 26%. Par ailleurs, d'après les résultats précédents, je suis convaincu que le FN qui progresse en Midi-Pyrénées progresse au détriment de la gauche. 

Les grands leaders du mouvement Les Républicains ont du mal à éclaircir leur ligne politique sur la crise des migrants. Est-ce que, sur le terrain, on vous en parle, les gens sont-ils inquiets ? La droite manque-t-elle d'une matrice intellectuelle sur le sujet ?

On ne m'en parle presque pas, mais je ressens qu'on y pense beaucoup. Je pense qu'il y a une difficulté de la part de nos concitoyens à parler de cela dans un cadre politique, peut-être parce qu'il y a une tension entre l'image terrible que l'on perçoit et les réflexions que l'on peut avoir sur le sujet, et aussi que ce que l'on peut dire sur le sujet se heurte à un discours public très puissant. On peut comprendre une forme de désarroi initial. Sommes-nous face à un problème contingent dont on voit le terme proche, ou bien face à un problème durable qui va se répéter, voire s'amplifier? On n'a pas la même position selon que l'on retient la première hypothèse ou la seconde. La droite n'a pas répondu à cette distinction. Je ne vois pas comment on peut résoudre le problème sans traiter la cause, dissocier le secours porté à des personnes en grande difficulté sans mettre fin aux persécutions, à cette entité qui fait la guerre. C'est quelque chose qui est reçu comme une cohérence nécessaire de la part de nos concitoyens. La vraie réponse politique, c'est de dire, nous sommes capables de répondre à partir de principes à une situation urgente et circonscrite, et nous sommes capables de répondre sur le fond et de manière durable aux causes qui provoquent cette situation. Sinon nous allons la répéter.

Entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, le coeur des sondages balance. Ont-ils été proches de vous pendant votre campagne, vont-ils venir vous soutenir ? Comment jugez-vous cette relation qu'ils ont avant la primaire, assiste-t-on à une unité de façade ?

Sur le terrain, personne ne me parle de ça, c'est impressionnant. Cela relève en fait d'un monde journalistique. Il y a une telle demande sur les problèmes qui font l'existence de mes concitoyens dans la région, que ce qui est national et très politique paraît comme inapproprié. Je sens bien que si je me mets à parler de cela, je pense que je vais les décevoir. Dans la région, sur treize départements, quatre font partie des dix plus pauvres de la métropole, l'Héraut, le Gard, l'Aude et l'Ariège. Parler des primaires est illégitime. J'espère cependant avoir le soutien de l'un et de l'autre. 

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