Les galaxies nées juste après le big bang créent la discorde chez les astrophysiciens<!-- --> | Atlantico.fr
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Une galaxie formée à la suite d'une collision à grande vitesse qui s'est produite il y a environ 400 millions d'années (illustration)
Une galaxie formée à la suite d'une collision à grande vitesse qui s'est produite il y a environ 400 millions d'années (illustration)
©Space Telescope Science Institut / NASA / AFP

Origine de l’Univers

Certaines des galaxies les plus anciennes ont pu être observées à l’aide du télescope spatial James Webb, remettant en cause certains faits que les scientifiques pensaient établis

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Certaines des galaxies les plus anciennes ont pu être observées à l’aide du télescope spatial James Webb. L’analyse de celles-ci révèle d’ailleurs qu’elles pourraient être considérablement plus vieilles que nous ne le pensions initialement. Dans quelle mesure cette potentielle découverte pourrait-elle bouleverser notre rapport à l’astronomie ?

Olivier Sanguy : Le modèle standard de la cosmologie, communément appelé Big Bang, déroule un scénario désormais assez établi et notamment en ce qui concerne la formation des galaxies. Lorsque les premières données des observations du James Webb Space Telescope ont été assez rapidement diffusées (une volonté de la NASA en accord avec l’Agence Spatiale Européenne et l’Agence Spatiale Canadienne qui sont partenaires de leur homologue américaine pour cet observatoire), on a en effet vu des publications qui ont très vite pointé une apparente contradiction du modèle. En gros, le Webb détectait des galaxies trop «vieilles» (ou trop grosses, car on pense qu’elles grandissent par fusion avec d’autres, ce qui prend du temps), pour exister seulement 400 millions d’années après le Big Bang. Au regard de ce qu’on connaît de la formation des galaxies, elles n’auraient tout simplement pas eu le temps pour atteindre cette maturité ou taille ! L’idée que le Big Bang pourrait du coup remonter à plus de 13,8 milliards d’années a été évoquée. Certains titres spectaculaires annonçaient même une crise de la cosmologie. La réalité est toutefois beaucoup plus nuancée.

Ces récentes découvertes, rapporte la presse anglo-saxonne, ont toutefois fait l’objet de plusieurs controverses. Comment l’expliquer ? Faut-il se méfier des résultats précédemment évoqués ?

Ses annonces se basent sur une méthode d’estimation de l’époque à laquelle on voit ses galaxies qui n’est pas, et de loin, la plus précise. Pour comprendre, n’oublions pas que la vitesse de la lumière se déplace (en arrondissant) à 300 000 km/s. Il en résulte que nous voyons l’univers en différé. Quand vous regardez la Lune, vous ne la voyez pas telle qu’elle est, mais telle qu’elle était il y a à peine plus d’une seconde, le temps que la lumière met à accomplir le trajet Lune-Terre. Pour le Soleil, le décalage atteint 8 minutes, pour les étoiles proches, il se mesure en années-lumière et ainsi de suite. C’est un paramètre essentiel qui permet à l’astronomie de regarder d’autant plus loin dans le temps qu’on observe loin. Lorsqu’on dit qu’une galaxie est 4 milliards d’années-lumière, cela signifie en fait que sa lumière a mis 4 milliards d’années à nous parvenir. Du fait de l’expansion de l’univers, la lumière des objets très lointains se décale dans le rouge et même l’infrarouge. Le Webb observe d’ailleurs dans l’infrarouge. En jaugeant ce décalage, le redshift en anglais, on sait quelle époque on scrute. Le problème est que les premiers papiers sur les galaxies «trop vieilles» reposaient sur une mesure plutôt approximative, par photométrie. La mesure plus précise repose sur la spectroscopie, donc l’analyse du spectre lumineux de l’objet observé. La fourchette d’erreur possible avec la photométrie est telle que si ça se trouve, les galaxies «trop vieilles» ne le sont pas.

Si les résultats pourraient être approximatifs, faut-il tout de même penser que la tendance observée par ces chercheurs est erronée ? Quel est l’âge réel des galaxies ?

On verra bien sûr ce que donne l’analyse précise de la spectroscopie et donc l’époque réelle de ces galaxies trop grosses ou «trop vieilles». Mais ces annonces ne sont pas non plus si spectaculaires que ça. Le modèle du Big Bang n’est pas figé et est ajusté en fonction des observations. La formation des galaxies est un domaine qui a énormément évolué grâce à la montée en puissance des observatoires et notamment grâce à l’astronomie spatiale et bien sûr Hubble. Le Webb apportera certainement sa contribution. La tendance générale est que les observations de plus en plus performantes ont conduit à établir que les galaxies se forment plus vite qu’on le pensait. Et on n’a pas eu besoin de bousculer l’âge de l’univers pour cela : on a mieux compris comment les galaxies évoluaient et grandissaient (en absorbant d’autres galaxies par exemple). 

Comment le télescope spatial James Webb permet-il d’observer ces phénomènes ?

Le Webb dispose du plus grand miroir envoyé dans l’espace avec ses 6,5 m de diamètre. Ce pouvoir collecteur énorme est allié à des instruments de pointe dans le domaine de l’infrarouge. C’est un choix majeur, car les scientifiques ont identifié que pour avancer dans de nombreux domaines de l’astronomie, il fallait observer depuis l’espace dans ces longueurs d’onde (l’atmosphère terrestre bloque une grande partie de l’infrarouge). En effet, la lumière issue des premières galaxies est décalée du visible à l’infrarouge. Le Webb révèle donc des galaxies qu’on ne voyait que très peu auparavant, voire pas du tout, et celles-ci témoignent des conditions qui régnaient seulement 300 millions d’années après le Big Bang (c’est la performance théorique du Webb), alors que Hubble plafonne typiquement à 1 milliard d’années après le Big Bang. Le Webb est donc idéal pour mieux comprendre la formation des premières galaxies. Toutefois cet observatoire spatial peut, grâce à ses performances infrarouges, apporter des avancées décisives dans d’autres domaines d’études comme la formation des étoiles (l’infrarouge permet de voir à travers les nuages de gaz où naissent les soleils), celle des systèmes planétaires ou encore la composition de l’atmosphère des exoplanètes (par spectroscopie).

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