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Les GAFA détournent les revenus des media ? L’étude américaine qui ridiculise la théorie
©JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Grand méchant loup

Une étude de la News Media Alliance, qui représente l’industrie des médias aux États-Unis, estime que Google réaliserait, via son service Google News, 4,7 milliards de chiffres d’affaires, sans que rien ne soit reversé à la presse.

Pierre  Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata, Fondateur de Rinzen, cabinet de conseil en économie, il enseigne également à l'ESC Troyes et intervient régulièrement dans la presse économique.

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C’est un article du New York Times qui a mis le feu aux poudres. Depuis quelques jours, une étude de la News Media Alliance, qui représente l’industrie des médias aux États-Unis, est reprise par la presse américaine, puis européenne. L’étude en question estime que Google réaliserait, via son service Google News, 4,7 milliards de chiffre d’affaires, sans que rien ne soit reversé à la presse. Alors que les entreprises du numérique sont régulièrement accusées de « détourner », « piller », capter la valeur créée par les media, et que ces accusations fondent les revendications de création d’un droit voisin, cette affirmation mérite quelques remarques.

Plusieurs experts ont dénoncé le caractère fantasque du chiffre avancé et une étude écrite « sur un coin de table ». Jeff Jarvis, professeur américain de journalisme, est allé jusqu’à qualifier l’étude de « consternante ». L’auteur de l’étude se fonde en effet sur la déclaration d’un Vice-Président de Google qui estimait dans une interview de 2008 que Google News était valorisé à hauteur de 100 millions de dollars, tout en précisant que le service n’était pas monétisé et ne générait donc per se aucun revenu. De ce chiffre, qui n’est qu’une estimation faite à la volée, l’étude estime que le revenu généré en 2018 par Google News s’élèverait à 4,7 milliards de dollars, sans détailler la méthode de calcul appliquée.

Si les critiques ont légitimement fusé, ce cas illustre parfaitement le débat tel qu’il est posé aujourd’hui en France et en Europe, où corrélation et causalité sont volontairement confondues. En l’absence de causalité précisément démontrée, il est impossible de chiffrer précisément les droits dus et c’est pourquoi nous nous dirigeons vers une forfaitisation de droits administrés par des sociétés de gestion collective. Le montant de cette redistribution, qui vient au secours d’une presse qui peine à se réinventer, sera négocié sous menace de contentieux.

Du simple fait que la presse connait une perte de revenus et que les grandes entreprises du numérique en génèrent des milliards, ces revenus seraient détournés ? En France, les revenus de la presse chutent depuis 2000, alors que Facebook en français n’est apparu qu’en 2008 et Google News en 2009, sans que cela n’accélère leur perte de revenus publicitaires. Comme dit précédemment, Google News n’est pas monétisé. La firme ne génère aucun revenu grâce à ce service. Évidemment, cet outil gratuit contribue à la visibilité de la marque, mais il contribue bien plus à la visibilité de la presse comme plusieurs expériences l’ont démontré. Google News en Espagne a été fermé suite à l’introduction par le gouvernement espagnol d’un droit voisin, il s’en est suivi une chute de 10% des visites de sites de presse. De même, lors d’une panne de Facebook en Europe le 21 octobre 2013, les visites ont diminué en moyenne pour chaque site de presse de 38% et les contenus lus de 44%, correspondant à une perte quotidienne de 21 000 dollars en revenus publicitaires pour chaque site.

Pour autant, l’apparition d’Internet n’est pas complètement étrangère à cette perte de revenus publicitaires. Les grands titres de presse ont bien subi une double perte de monopole sur ces revenus. La position dominante de la presse écrite dans l’affichage de publicité, déjà mis à mal par l’apparition de la télévision, a été sérieusement entamée par l’apparition d’autres canaux mieux à même de fournir des services de publicité personnalisés grâce à une collecte de données plus exhaustive. Ensuite, la multiplication vertigineuse des titres, une diversité advenue grâce au web, a éclaté ces revenus publicitaires. C’est pour la presse un cercle vicieux, l’impératif de générer des clics pousse la presse à s’uniformiser et à favoriser le sensationnalisme au détriment de l’investigation. Les lecteurs s’en détournent de plus en plus pour des media, pure player notamment, qui ont su développer des lignes éditoriales fortes et des logiques massives d’abonnement.

Les plateformes offrent une visibilité sans précédent aux éditeurs de presse. Que ce soit à travers la publicité ou l’abonnement, leur survie dépend des lecteurs, et dans un marché ultra-concurrentielle, les éditeurs doivent s’interroger sur ce que ceux-ci attendent.

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