Les faux avis de TripAdvisor : le géant du voyage en ligne, pris au piège de son modèle économique <!-- --> | Atlantico.fr
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TripAdvisor est victime de son système de détection de faux avis, qui serait défaillant.
TripAdvisor est victime de son système de détection de faux avis, qui serait défaillant.
©Reuters

Ouï-dire

TripAdvisor serait gangéné par les entreprises qui font leur auto-promotion en déposant de faux avis. Pourtant, le site de voyage insiste sur le fait que tous les avis passent au travers de "filtres anti-fraude". 100 modérateurs sont chargés d’enquêter sur tout avis suspect. Malgré tous ces efforts, qu’est-ce qui cloche encore ?

Jean-Pierre Nadir

Jean-Pierre Nadir

Jean-Pierre Nadir est un homme d'affaire. Il est le président fondateur du comparateur de vol et de voyages Easyvoyage.

 

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Atlantico : Selon un article du Daily Mail (ici), TripAdvisor est victime de son système de détection de faux avis qui serait défaillant. Pourtant, le site de voyage insiste sur le fait que tous les avis passent au travers de "filtres anti fraude" et que les adresses IP et email sont vérifiées par un algorithme sophistiqué. 100 modérateurs sont chargés d’enquêter sur tout avis suspect. Malgré tous ces efforts, qu’est-ce qui cloche encore dans le système de TripAdvisor ?

Jean-Pierre Nadir : On ne prête qu’aux riches… Le problème de TripAdvisor est que ce site joue tout sur la quantité. Étant donné qu’il est leader, il réunit une quantité astronomique d'avis de consommateurs, forcément difficiles à modérer.

Le système de TripAdvisor est un modèle de rentabilité, et le rêve de tout entrepreneur : les contenus sont entièrement produits par les internautes, ce qui minimise les coûts tout en maximisant les bénéfices. Au départ, ce modèle c’est : zéro coût, et un maximum de bénéfices amenés par l’extérieur. C’est brillant.

Depuis 2 ans, sous la pression médiatique et celle des consommateurs, TripAdvisor a progressivement pris conscience du problème. Bien qu’ils communiquent toujours assez peu et assez mal, ils ont commencé à investir, à embaucher des modérateurs. Ce faisant, ils s’éloignent de leur modèle de départ : leurs coûts augmentent. Mais c’est le prix à payer pour se pérenniser, et rester leader.

Mais à mes yeux leur communication reste assez médiocre : à chaque attaque, à chaque « affaire » de faux avis révélée, ils se justifient péniblement du bout des lèvres, alors qu’ils devraient commencer par assumer, et dire que oui, il y a un problème, et qu’ils y travaillent.

Autre problème : les 100 modérateurs embauchés ne sont pas des spécialistes du voyage. Leurs choix ne sont donc pas toujours pertinents. Chez EasyVoyage, nos modérateurs sont au contraire des experts, des spécialistes du voyage.

Quelles méthodes pourraient permettre d’améliorer le système de protection contre les faux avis ?

Il faut être sévère avec les fraudeurs. Certes, il n’est pas possible de bannir un établissement suite à une fraude, car il serait absurde d’éliminer du site un établissement qui continue pourtant d’exister et d’intéresser les internautes. De plus, il est généralement difficile de désigner l’auteur exact de la fraude.

Mais lorsqu’une enseigne est prise la main dans le sac, il faut rendre sa faute publique sur sa fiche. Qu’il s’agisse de faux avis positifs ou de faux avis négatifs déposés chez un concurrent, l’historique d’un établissement doit garder la trace de ces faits et gestes. Les internautes pourraient ainsi se faire une idée des établissements fiables ou non. Cela permettrait de créer une sorte d’indice de fiabilité. Ce serait ensuite aux internautes de faire la part des choses : un mauvais comportement datant de plusieurs années ne doit pas obliger à proscrire définitivement un établissement, car il y a prescription, et il faut oublier de la même façon qu’on pardonne les crashs aux compagnies aériennes.

Cette méthode permettrait aussi de responsabiliser les marques ou les établissements, en les incitant à un meilleur contrôle de leurs pratiques en interne. Car si les établissements sont aujourd’hui les premiers à pleurnicher et à pointer du doigt les effets néfastes des sites d’avis d’internautes, il ne faut pas oublier qu’ils sont les premiers responsables des mauvaises pratiques, qu’ils ont développées et incitées.

Sur EasyVoyage, un avis coute 10 euros de coûts de production, si l’on additionne les coûts de « collecte » et les coûts de modération. C’est excessivement cher, mais cela paie du point de vue de la fiabilité des avis. Ce système est aussi rendu possible par le fait que notre modèle ne repose pas entièrement sur les avis : nous produisons également nous-mêmes des contenus, contrairement à TripAdvisor. Nous sommes encore en phase développement, mais notre modèle prouve que le pari de la qualité est faisable. Nous sommes en ce moment en fin d’accélération, mais notre système, bien que plus compliqué à défendre, semble stable.

Interdire l’anonymat n’est pas simple, car il est toujours possible de créer une fausse identité. Certains, à l’image du consultant en e-réputation Alexandre Villeneuve (ici), recommandent d’obliger les personnes qui publient des avis à associer leurs commentaires et leur profil à leur page Facebook, leur compte Twitter ou leur blog. Qu’en pensez-vous ?

Cette solution est certes efficace du point de vue de la fiabilité, mais susceptible de repousser nombre d’utilisateurs, qui ne posséderaient pas de compte Facebook ou ne souhaiteraient pas le partager. Elle est donc risquée, surtout si l’on privilégie la quantité comme TripAdvisor. Mais c’est ce que nous allons essayer de mettre en place chez EasyVoyage, car nous pouvons nous le permettre.

Propos recueillis par Julie Mangematin

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