Les étapes qui ont conduit le conflit israélo-palestinien à l’impasse politique totale<!-- --> | Atlantico.fr
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Benyamin Netanyahou, Primier ministre israelien.
Benyamin Netanyahou, Primier ministre israelien.
©Reuters

Analyse

Il y a 64 ans, l’État d'Israël était créé suivant une résolution de l'Onu. Immédiatement après sa création et jusqu'à aujourd'hui, le pays et ses voisins ont connu le conflit. Pourtant, les occasions d'espérer une stabilisation, voire la paix se sont déjà présentées. Mais dans les années 2000, une radicalisation des belligérants, et le défaut d'interlocuteur crédible à Gaza n'ont pas favorisé la moindre négociation.

Atlantico : Les opérations menées actuellement par Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza laissent l'impression de n'être qu'un épisode de plus dans une longue histoire d'opposition qui ne connaîtra jamais d'issue. A partir de quand la situation s'est-elle définitivement enlisée entre les deux parties ? Distingue-t-on un événement déterminant ?

Khattar Abou Diab : En mai 2007, la guerre civile au sein de la bande de Gaza, où le mouvement Hamas a battu en brèche le Fatah, a marqué un changement radical. C'est à la suite de cela que fin 2008, début 2009, les affrontements israélo-palestiniens ont commencé à la frontière de Gaza. Ce sont véritablement les dates butoirs qui permettent de comprendre les événements actuels.

Les guerres israélo-arabes de 1948, 1956, 1973, et même 1982 étaient des conflits plutôt classiques. Il y a aussi eu les affrontements avec le Hezbollah en 1993 et en 1996. Ensuite la guerre avec le Hezbollah en juillet 2006 a correspondu de peu avec la prise de Gaza par le Hamas. C'est dans cette période que la guerre asymétrique s'est imposée. Lors des guerres classiques la suprématie des Israéliens était assurée, tandis que dans les affrontements asymétriques avec le Hezbollah et le Hamas, la victoire est beaucoup plus difficilement atteignable. Dans ce type de conflit, la compassion internationale joue énormément, et accentue l'ampleur du défi pour Israël. De plus, Barack Obama ne joue pas son rôle d'allié indéfectible, à la différence de ses prédécesseurs, ce qui donne au Hamas l'impression d'avoir les mains un peu plus libres pour poursuivre le combat.

Tant que l'on se situait dans une logique de guerre  dite "classique", il existait donc encore des possibilités de conciliation ? Pourquoi n'ont-elles pas été saisies ?

En 1977, le président égyptien Anouar el-Sadate a signé un accord de paix séparé avec Israël. Il a encouragé les Palestiniens à en faire de même, mais ces derniers n'ont pas accepté. Puis en 1993 furent signés les accords d'Oslo, entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin. Trois années d'état de grâce ont suivi, et à partir de 1996 les forces radicales sont entrées en jeu et ont empêché de concrétiser ces accords. En 2005 les Israélien ont fait le calcul de se retirer de la bande de Gaza pour opérer une séparation définitive entre Gaza et la Cisjordanie, et aussi mettre à l'épreuve la crédibilité des autorités palestiniennes. Mais ce calcul s'est révélé mauvais, car la prise de pouvoir du Hamas en 2007, combinée avec le soutien massif de l'Iran, a transformé la bande de Gaza en "tête de pont" d'un conflit durci avec Israël.

Notons que la montée des radicalismes s'est faite de part et d'autre : la montée en puissance du Hamas après les accords d'Oslo, et l'assassinat par un juif israélien en 1995 du Premier ministre Rabin, fervent défenseur de la paix. C'est ainsi que la paix a été tuée dans l'œuf. Aujourd'hui le conflit menace d'embraser la Cisjordanie, Israël doit donc faire très attention. Le Hamas, en poussant des compagnies étrangères à éviter l'aéroport Ben Gourion, réussit à exister en tant que mouvement. Mais de fait, c'est sa seule motivation. La solution militaire n'étant pas certaine, il faut aller vers une solution politique. Ce qui a manqué à Israël à plusieurs reprises, c'est de ne pas permettre à l'autorité palestinienne de se renforcer en tant qu'interlocuteur valable. Il faudrait tout simplement continuer d'appliquer les accords d'Oslo.

Qu'est ce qui a fait défaut à Israël et aux défenseurs de la cause palestinienne pour éviter d'en arriver à une telle impasse ? Les grands hommes ont-ils manqué ?

Le camp palestinien a péché par ses divisions, la non-crédibilité de ses autorités, et l'absence de figure depuis la disparition de Yasser Arafat. Les accords d'Oslo ont été handicapés par beaucoup de non-dits, ce qui a compliqué la tâche de pacification : on a pensé que le provisoire pourrait devenir définitif, mais le problème de Jérusalem se pose toujours, tout comme celui des colonies, des frontières définitives et des réfugiés. Il eût été plus intelligent de penser en termes de faisabilité : les problèmes religieux, d'hommes et de territoires sont imbriqués certes, mais il est possible de parvenir à une situation de paix. Mais comment le Fatah pourrait-il dialoguer avec le Hamas, qui refuse l'existence d'Israël et reste lié à un agenda islamiste à portée internationale ? Il faut que le Hamas devienne un acteur raisonnable, et que le Fatah tranche certaines questions. Sans cela, la réunification des Palestiniens ne sera pas possible, et ceux-ci ne pourront pas procéder à une prise de décision convenable.

Côté israélien, on remarque que la gauche s'efface, et qu'il est difficile d'encourager l'opinion publique à se prononcer en faveur de la paix. Même si Netanyahou a été la victime des surenchères de personnes plus radicales que lui, comme le ministre des affaires étrangères Avigdor Lieberman, Israël devrait réfléchir sur le plan global à son avenir avec les Palestiniens. Ces derniers représentent une question de politique intérieure pour Israël : même si celle-ci gagne dans la course stratégique contre l'Iran, voire le Pakistan, et s'impose comme une superpuissance régionale, mais sans régler ses problèmes avec la Palestine, alors l'avenir restera compromis. Les dirigeants israéliens doivent donc exposer leur vision, l'expliquer. Etant en position de force, leur responsabilité est d'aider les Palestiniens à retrouver le chemin de la paix. Malgré la haine et les litiges, ces deux peuples sont condamnés à vivre ensemble.

Les Etats-Unis ont tenté à de multiples reprises d'apporter des solutions aux différents conflits israélo-palestiniens. Finalement, leur rôle a-t-il été positif, ou au contraire, n'ont-ils fait qu'envenimer la situation ?

Les Etats-Unis, au lieu de s'investir dans des projets hasardeux en Irak dont on voit le résultat aujourd'hui avec les chrétiens de Mossoul, auraient pu orienter leurs efforts dans une œuvre toute autre, en essayant de donner des garanties à Israël pour que celle-ci accepte une paix des braves avec les Palestiniens. Nous nous trouvons dans une course contre la montre dont l'enjeu est de ne pas perdre définitivement tous les partisans de la paix. D'autant plus que ce qui se passe actuellement en Irak est extrêmement dangereux : la présence des Chrétiens garantissait la pluralité et l'ouverture du pays, mais maintenant la formation d'un Orient unilatérale et obscurantiste fait craindre le pire. Face à ce danger réel, la réponse d'Israël réside dans la résolution du conflit avec les Palestiniens.

Le rôle des Etats-Unis a le plus souvent été contre-productif ; les seuls accords valables ont été passés entre Arabes et Israéliens. Un homme exceptionnel, que l'histoire reconnaîtra un jour comme tel, et qui s'appelle Anouar el-Sadate, ainsi que Yitzhak Rabin, ont tous deux payé de leur vie le pari de la paix (Anouar el-Sadate a été assassiné le 6 octobre 1981 par des membres de l'armée appartenant à l'organisation du Jihad islamique égyptien, ndlr). Les Etats-Unis avaient donné des garanties à Sadate, mais c'était surtout son initiative à lui que de trouver une issue pacifique. Et en 1993, ce sont les Norvégiens qui ont précédé les Etats-Unis dans la résolution du conflit. Lorsque la France a eu le courage de reconnaître l'OLP et de recevoir Arafat, ce n'était pas pour faire plaisir aux Palestiniens, mais pour donner aux Israéliens un interlocuteur valable. Jusqu'à maintenant les Etats-Unis ont empêché les Européens, les Russes et les autres d'être de véritables arbitres des négociations. Israël commet certainement une faute en ne s'en remettant qu'au "parrain" américain, et devrait certainement reconnaître qu'elle a des intérêts communs avec l'Europe. Car sans cette paix, les radicalismes montent et alimentent l'instabilité.

Au vu de cette incapacité historique de la Palestine et d'Israël à trouver une porte de sortie, cette situation de quasi-guerre permanente est-elle appelée à durer éternellement ? On a le sentiment que certains pays voisins pourraient progresser malgré leurs difficultés internes actuelles, mais qu'entre Israël et la Palestine, jamais rien ne changera…

Beaucoup d'arabes ont voulu jeter les juifs à la mer, et dans les années 60-70 beaucoup d'Israéliens ne voulaient même pas entendre parler de "Palestiniens".  Mais ni le projet d'une grande Israël, ni celui d'une Palestine historique ne sont viables. La guerre permanente n'est pas une possibilité. Un pari doit être fait, sur la base d'une bonne volonté. Mais sur le plan international, on ne sent pas Barack Obama très investi. Le monde ressemble à un navire sans pilote, et le Moyen-Orient n'échappe pas à cette règle. Il est de l'intérêt des Arabes de prendre leur destin en main, et de ne pas perpétuer ce cycle infernal de la violence. Il fut une époque où la vie entre juifs et musulmans se faisait d'une manière intelligente. L'exemple de l'Apartheid, ou des conflits irlandais,  permet de dire que la fatalité n'existe pas. Il est temps que ce conflit régional trouve une solution au travers d'une reprise des négociations et, pourquoi pas, d'une volonté internationale d'imposer une solution valable aux deux parties.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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