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Les efforts d’abord, la juste redistribution ensuite : du CICE aux cadeaux électoraux en série, qui aura le plus profité du quinquennat Hollande ?
©Flickr/http://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-2251683/Tr

Podium

Les annonces de largesses distribuées par le gouvernement à la fonction publique se succèdent depuis le début de l'année. Mardi 31 mai, c'était au tour des enseignants d'être récompensés d'un milliard d'euros d'ici à 2020 sous forme de primes.

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier

Maître Thomas Carbonnier est Avocat et coordinateur pédagogique du DU Créer et Développer son activité ou sa start-up en santé au sein de l’Université Paris Cité (issue de la fusion Paris 5 et Paris 7). Il est titulaire du Master 2 droit fiscal, du Master 2 droit financier et du D.E.S. immobilier d’entreprise de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

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Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : La ministre de l'Education nationale a annoncé mardi 31 mai la revalorisation des salaires de l'enseignement public et privé pour un coût de 1 milliard d'euros d'ici à 2020. A ce jour, quels sont les acteurs économiques qui ont le plus bénéficié des politiques mises en place par François Hollande ?

Philippe Crevel : En ce qui concerne les entreprises, on peut dire qu'il y a eu deux périodes : la première a duré un peu moins de deux ans, de 2012 à fin 2013, et a donné lieu à  une sorte de matraquage fiscal, avec une forte augmentation des charges et des impôts. Il en a résulté une baisse du taux de marge, la révolte des pigeons et des bonnets rouges. La deuxième a été beaucoup plus bénéfique aux entreprises avec le CICE qui portera à son terme en 2017 jusqu'à 40 milliards d'euros pour les entreprises. Aujourd'hui, la moitié de cette somme a été versée. Si l'on fait la synthèse de ces deux période, on peut dire que l'Etat a donné d'une main ce qu'elle a repris de l'autre. Au total pourtant, le quinquennat Hollande aura été défavorable aux entreprises. En outre, la redistribution a pris la forme d'usines à gaz complexes. 

Concernant les populations qui ont pu profiter des largesses du gouvernement, on pourra mentionner la fonction publique en premier lieu avec la promesse de l'augmentation de 60 000 postes dans l'Education nationale, partiellement respectée à aujourd'hui. Dans un premier temps du quinquennat, le gouvernement avait maintenu le gel du point d'indice, ce qui ne veut pas dire pour autant que leur salaire a stagné contrairement à ce qu'on peut croire : dans la fonction publique, les salaires sont réévalués chaque année via le mécanisme du Glissement. Vieillesse, technicité (GVT). 

Mais avec les élections qui se profilent, on note plusieurs mesures qui vont dans le sens du poil de l'électorat socialiste comme l'augmentation du point d'indice en début d'année pour les fonctionnaires, mais aussi cette prime donnée aux enseignants que vous citez, à destination d'un réservoir de voix important du Parti socialiste. Et cette augmentation coïncide avec l'observation d'un phénomène de radicalisation du corps enseignant, qui ne craint pas de voter pour des formations très à gauche, voire parfois aussi très à droite surtout dans les banlieues défavorisées. 

A la manoeuvre sur tous les fronts, le gouvernement souhaite aussi accélérer la validation de nouveaux accords prévoyant le régime de chômage des intermittents du spectacle, largement favorable aux derniers. 

Le message est clair : il faut régler tous les conflits possibles et imaginables, si possible avec ceux qui sont influents et qui comptent pour le Parti socialiste. Le gouvernement essaye donc de déminer en lâchant du lest après avoir été incapable d'éteindre les incendies.

D'ici la fin de l'année, il est fort probable que l'on assiste à une série de revendications dans la fonction publique de la part de la Police, mais aussi des cheminots dont les régimes spéciaux sont en balance.  

Les agriculteurs, ont à la fois bénéficié de quelques exonérations, mais ont supporté l'embargo contre la Russie, et un contexte de marché très pénalisant. Ils n'ont donc pas été avantagés par le quinquennat de François Hollande même s'ils ont pu bénéficier de quelques mesures, surtout pendant la crise de l'agriculture.

Quant aux salariés du secteur privé, on ne peut pas dire qu'ils aient bénéficié du quinquennat : les cotisations ont augmentées sur la période et ils ont été victimes de l'augmentation du chômage. 

Et si deux à trois millions de Français à revenus modestes ont été exonérés d'impôts sur le revenu, cela est intervenu après des hausses de prélèvements. Par ailleurs, les classes moyennes et en premier lieu les familles ont été pressurées. Les retraités, les professions libérales ont été également pénalisés. Il est à noter que le gouvernement entend revaloriser la consultation des médecins. Il est bien connu que les médecins ont un pouvoir de nuisance pour les élections. A charge au prochain gouvernement de régler les impayés que le pouvoir en place multiplie car côté économies, la Cour des Comptes l'a souligné récemment, la concrétisation des promesses se font attendre.

En parallèle, la France a fait depuis la fin des années 1970 le pari du déficit public, pari qui reposait sur l'idée qu'une telle pratique motiverait la croissance. Quelle catégorie de citoyens a le plus bénéficié de ce choix stratégique en matière budgétaire sous le quinquennat Hollande ?

Thomas Carbonnier : La baisse de l’IR annoncée par le gouvernement masque le choc subi par les classes moyennes depuis 2012. Le gouvernement s’est bien plus intéressé aux élus en délicatesse avec le fisc qu’à l’enfer fiscal subi par les français. En réalité, le gouvernement a fini par sacrifier les classes moyennes qu’il voulait protéger ! D’ailleurs, si l'on regarde dans le détail la liste des catégories auxquelles il est demandé le plus d'efforts pour l'année à venir, la promesse du Premier ministre est largement contredite.

Rappelons qu’il y a eu le gel du barème des tranches de l’IR, la diminution des réductions d’impôts pour enfants scolarisé au collège et au lycée, le plafonnement du quotient familial, la suppression de la tranche à 5,5% et tant d’autres mesures totalement défavorables aux classes moyennes qu’il serait impossible de lister de manière exhaustive...

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le grand prestidigitateur aux lunettes noires épaisses a fait preuve de beaucoup d’imagination au cours de ce quinquennat. Il a notamment inventé la taxe à 75% ne visant que les salaires et non l’ensemble des revenus ou d’autres catégories de revenus (dividendes, revenus fonciers, droits d’auteur…). Il a encouragé les riches à s’exiler à l’étranger et la fuite des capitaux notamment grâce à son projet de taxation de l'excédent brut d’exploitation des entreprises !

C’est aussi au gouvernement actuel que l’on doit le projet de taxation des CDD. Qui peut réellement croire qu’une telle mesure favorisera l’embauche dans les entreprises… ?

En matière de TVA, là encore, le Président a frappé fort. Il a bel et bien contribué à l’envol des prix en augmentant la TVA. Par la même occasion, en augmentant le total des impôts, il a permis au PIB français (qui intègre dans son calcul l’évolution du montant total des impôts) de décoller et d’afficher une croissance totalement artificielle ! 

Bref, il ne faudrait pas être injuste avec un gouvernement qui a fait œuvre d’innovation en matière fiscale. C’est d’ailleurs son innovation appelée taxe sur la cabane de jardin qui lui a valu le prix du Lépine fiscal !

A la veille des élections politiques, le gouvernement tente de faire machine arrière toute. Ne sachant plus comment convaincre les Français d’une véritable baisse des impôts, il va jusqu’à promettre une année fiscale blanche.

Selon des sources proches du gouvernement, le Président devrait annoncer en direct, le 24 décembre 2016 au soir, dans une interview prévue avec les présentateurs vedettes de France 2 et TF1, la fin totale des impôts en France ! 

L’objectif ? Gagner les élections à tout prix ? Pas du tout ! Il s’agit bien entendu de transformer la France en paradis fiscal pour attirer des capitaux étrangers en franchise totale de fiscalité et faire fondre le nombre de chômeurs comme neige au soleil.

Refiscalisation des heures supplémentaires, augmentation de la TVA... Si les classes les plus défavorisées semblent avoir été épargnées par l'administration fiscale, est-ce vraiment le cas ? 

Thomas Carbonnier : Une fois de plus, les classes moyennes et supérieures ont été mises à contribution. Non seulement elles ont subi la crise économique (gel de salaire, perte d’emploi voire d’indemnisation chômage) mais, en plus, elles doivent payer plus d’impôt sur leur revenu !

Le système éducatif français peine à tirer vers le haut bon nombre d’enfants et adolescents au point que les parents doivent très souvent dépenser des fortunes dans des cours à domicile…

Une fois diplômés, ceux-ci doivent souvent affronter un marché du travail fort difficile à pénétrer. A l’âge de 20 ans, les actifs sont vus comme trop jeunes et n’ont pas de diplôme. A 30 ans, ils manquent d’expérience. A 45 ans, ils sont trop vieux… et à 65 ans, ils n’ont pas assez travaillé pour prendre leur retraite. En définitive, les classes les plus modestes et moyennes subissent donc une véritable double peine. 

Les rapports entre les Français et les élus politiques sont comparables à ceux du potier et l’argile. Beaucoup d’élus estiment que leur imaginaire doit servir de modèles aux Français et fondent la politique fiscale des utopies sociales qui ne servent pas les intérêts de l'économie. 

François Hollande a régulièrement déclaré qu'une fois la croissance revenue, la deuxième étape consisterait en une meilleure redistribution. A un an de la présidentielle de 2017, le Président pourrait-il être tenté de faire des "gestes" pour reconquérir ses électorats traditionnels ?

Philippe Crevel : Avant même que l’annonce des résultats positifs -sans être exceptionnels- de la croissance du 1er trimestre soit effective, le gouvernement avait engagé le cycle de la distribution préélectorale.

La première question est de savoir si la croissance est réellement de retour, la seconde est de savoir si la France a les moyens de financer la prodigalité gouvernementale.

Sur la croissance, il faut rester mesurer.

Comme en 2015, la croissance démarre l’année sur les chapeaux de roue. En effet, au premier trimestre 2015, le PIB en volume a augmenté de 0,5 %, après +0,3 % au quatrième trimestre 2015. Mais, en 2015, la croissance avait été nulle au deuxième trimestre pour repartir doucement au cours du second semestre.

La croissance du 1er trimestre a été tirée par les dépenses de consommation des ménages qui ont augmenté de 1,2 % contre un recul de 0,1 % au dernier trimestre 2015. L’effet attentat s’est estompé et les Français ont repris le chemin des magasins. Plusieurs secteurs ont été dynamiques comme l’automobile et l’électroménager (achat de télévision en raison du passage à la haute-définition, de l’Euro 2016 et des JO de Rio).

L’investissement des entreprises est en progrès profitant des faibles taux d’intérêt. Il augmente de 0,9 % après 0,7 % au dernier trimestre 2015. L’investissement des ménages est, en revanche, toujours en baisse malgré quelques signes positifs sur le marché de la construction. Il a reculé de 0,2 % au premier trimestre 2016. Certes, la baisse est en régression par rapport aux trimestres précédents. Elle avait atteint 0,9 % au quatrième trimestre 2015.

Le commerce extérieur continue à être un point noir pour l’économie française. Les exportations se sont contractées de 0,2 % au premier trimestre quand les importations ont progressé de 0,5 %. Certes, il y a une nette décélération des importations qui avaient cru de 2,1 % au 4ème trimestre 2015. Néanmoins, le commerce extérieur a contribué négativement à la croissance de 0,2 point. La France souffre -comme tous ses partenaires- du ralentissement du commerce international et des pays émergents.

La croissance française qui repose fortement sur la consommation engrange toujours les effets de la baisse du pétrole qui a contribué à améliorer le pouvoir d’achat des ménages. Il est à noter que ces derniers ont au cours du dernier trimestre 2015 accru de manière significative leur effort d’épargne qui est passé de 15,4 à 15,9 % du revenu disponible brut. Le taux d’épargne financière a atteint un sommet à 7,1 %. Il est possible qu’au cours du premier trimestre 2016, les ménages aient utilisé une partie de cette épargne dont une partie non négligeable a été laissée sur les comptes courants pour réaliser des dépenses de consommation.

Compte tenu de l’acquis de croissance, 1 %, l’objectif de 1,5 % fixé par le gouvernement n’apparaît pas inatteignable. Certes, il convient d’être prudent au regard de la situation économique internationale. La France résiste mieux que l’Allemagne, par exemple, quand le commerce international ralentit. Néanmoins, nous serons impactés si ce ralentissement se poursuit sur l’ensemble de l’année. Il est à noter que la Commission européenne et le FMI sont plus prudents que le gouvernement en matière de prévision de croissance pour la France en ayant retenu respectivement 1,3 et 1,1 % comme taux de croissance.

Rien de fantastique mais il est certain comme l’a prouvé le début de polémique surréaliste sur la cagnotte, la tentation est grande de redistribuer les fruits d’une croissance aussi ténue soit telle.Le gouvernement a déjà commencé entre la revalorisation de l’indice des fonctionnaires, les aides à l’agriculture, les mesures en faveur des jeunes… Il y a quelques milliards d’euros qui ont été dépensés et qu’il faudra compenser pour atteindre l’objectif de déficit public de 2,7 % du PIB en 2017.

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