Les dix commandements de l'homme politique : le courage, attribut décisif du pouvoir<!-- --> | Atlantico.fr
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Des élus locaux assistent au 100e congrès des maires de France, le 21 novembre 2017, à Paris.
Des élus locaux assistent au 100e congrès des maires de France, le 21 novembre 2017, à Paris.
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Bonnes feuilles

François Guillaume publie « Les dix commandements de l’homme politique » aux éditions du Cherche Midi. Que sont devenus les Français pour toujours plus rechigner à aller voter et, quand ils se déplacent jusqu'aux urnes, pour déclarer qu'ils ont retenu sans enthousiasme le bulletin du moins mauvais des candidats ? Que s'est-il donc passé ? Extrait 2/2.

François Guillaume

François Guillaume

François Guillaume a été notamment président de la FNSEA, ministre de l’Agriculture puis député européen et député de Meurthe-et-Moselle. Il est par ailleurs président fondateur du Parc naturel régional de Lorraine et président fondateur du Village du Livre de Fontenoy-la-Joûte.

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Il faut en convenir: la lâcheté est un défaut très répandu parmi les Français. La vie quotidienne fourmille d’exemples de ces renoncements sans gloire : du père face à ses enfants, du maître en conflit avec son élève, du ministre incapable d’en imposer à son administration. Ce déclin du courage est une triste réalité qui atteint toute la société française, volontiers moutonnière parce que la plupart de ses membres répugnent à l’affrontement, voire au simple débat, quitte à abandonner de leurs droits et à manquer à leurs devoirs; quitte à se réfugier prudemment dans l’anonymat et à s’accommoder de celui qui parle le plus fort. Certes, le sursaut, le rachat, n’est jamais exclu mais il se paye au prix fort. L’exemple qui vient le premier à l’esprit est le désastre de 1940, conséquence dramatique d’une succession d’atermoiements, d’aveuglements et de lâchetés bien antérieure à l’ouverture du conflit: la reconquête aurait été plus rapide si le repli sur l’Afrique du Nord, préservant le potentiel militaire national, avait été privilégié à l’armistice. Plus près de nous, voici l’endettement de la France accumulé en un quart de siècle, auquel ont contribué par leur gestion calamiteuse presque tous les gouvernements qui se sont succédé; elle est significative de la réticence des élus à engager toute réforme ou de leur détestable habitude d’en différer l’échéance par crainte d’un impact négatif sur les élections à venir. La multiplication de celles-ci élargit d’autant les plages de l’immobilisme politique, accentuant encore la propension à renvoyer à plus tard les décisions lourdes et impopulaires.

L’excès de prudence conduit à la stérilité

Chaque étage de la hiérarchie du pouvoir alimente cette retenue. Le souci de prudence est partout. Le décideur public en est prisonnier: même lorsque le bon sens éclaire suffisamment la route à prendre, il lui faut néanmoins faire l’inventaire des scénarios auxquels ses propositions pourraient conduire. À l’ère du tout-informatique, il serait même tentant d’introduire dans la machine tous les paramètres d’un problème posé et d’attendre sereinement son verdict. Puis, après l’avoir passé au crible du principe de précaution désormais érigé en base constitutionnelle, juger de son impact électoral pour décider sans risque.

L’administration avait auparavant cette qualité de protéger les élus des erreurs que, par ignorance, ils pouvaient commettre. Aujourd’hui, par excès de précaution, elle brise l’élan, l’enthousiasme des citoyens les plus dynamiques, qu’ils soient entrepreneurs, chercheurs ou gestionnaires de collectivités publiques et privées. Elle s’impose et en impose, réglementation à l’appui, celle-là même qu’elle maîtrise parfaitement pour en être le principal pourvoyeur. Ce système en boucle intègre aussi la loi dont le fonctionnaire est pour l’essentiel l’inspirateur par défaut; le ministre, moins au fait, en assumera la paternité et le risque politique. De ce système, la technocratie en est le tribut. Et ce n’est pas le seul, quand interfère l’esprit partisan chaque fois que la neutralité de l’agent public est transgressée et que ses convictions personnelles prennent le pas sur son obligation de réserve dans l’exécution de sa mission. Car les temps ont changé : l’armée n’est plus tout à fait « la grande muette » et l’administration n’a plus tout à fait la même conception du service de l’État impartial!

Pour résister à ces pressions de la fonction publique toujours argumentées de considérations théoriques sur le bien-fondé et la rationalité de son conseil, il faut un caractère bien trempé, une bonne connaissance des problèmes dont on vous a confié la charge et la responsabilité politique.

Les exemples contraires, signe d’absence de rigueur, foisonnent soit parce que l’élu ne sait pas garder sa distance avec ses collaborateurs en entretenant avec eux une familiarité nuisible à son autorité, soit parce qu’il répugne à sanctionner ce ou celui qui doit l’être. Tel ce ministre qui, en dépit de l’indignation provoquée par la faute grave d’un de ses hauts fonctionnaires, mit un an pour le déplacer, invoquant l’indulgence, l’imminence d’un changement d’affectation de l’intéressé… comme si son statut devait le mettre à l’abri de toute sanction. Ces faiblesses sont partout; à titre d’excuse, on les identifie à de la tolérance. Le privilège du « responsable mais pas coupable » qu’ignorent les salariés du privé n’est plus acceptable. C’est à l’aune de son mérite que chacun doit être jugé… et rémunéré.

Le courage, attribut décisif du pouvoir

Pour un élu, le courage est d’abord dans l’affirmation de ses convictions, car « être sans étiquette, c’est être sans visage » (Tilda Swinton). Censé éclairer son parcours, son credo établira la seule relation de confiance qui vaille avec les électeurs. Ce qui n’interdit pas de plaire mais pas au prix de se taire ; même si certains considèrent que, pour être élu, mieux vaut ne pas avoir de certitudes ou, du moins, mieux vaut ne pas en faire état. Or, la course au bien-être et les promesses électorales qu’elle suscite ne peuvent, à elles seules, emplir une vie. Elle laisse un vide, une insatisfaction de fond auxquels l’homme public doit apporter une réponse, y compris spirituelle, car le bonheur n’est pas que dans le plaisir matériel, en témoigne le retour au religieux. Il peut s’inscrire dans une fierté et une ambition nationales, celles qu’a su mobiliser, y compris à l’excès, mais à son profit, le Front national jusqu’à ce que plus raisonnablement Nicolas Sarkozy, un instant inspiré, comprenant que le patriotisme est encore un ressort populaire plus fort que sa seule expression sportive à l’occasion des compétitions transnationales ou des Jeux olympiques, fustige les prêcheurs de repentance et qu’il fixe un nouvel horizon à la mission universelle du pays. Il a rallié à cette cause nombre de Français que choque le reniement du passé national par ses édiles et qui se félicitèrent d’un retour plus médiatisé de la France dans les affaires du monde. Ce refus de conformisme ne fut hélas qu’un feu de paille. Comme le fut en politique intérieure l’intention de reconquérir « les territoires perdus de la République ». Car ce n’est pas en «passant au Kärcher les banlieues » qu’on rendra à leurs habitants la tranquillité qu’ils revendiquent, le désir de vivre en paix là où sévissent l’islamisme, le communautarisme et la drogue qui poussent les honnêtes gens au repli sur soi quand ils ne peuvent fuir l’enfer qui les opprime. Leur refus de baisser les bras est méritoire comme l’est celui des enseignants, du personnel de l’administration, des urgentistes dans les hôpitaux, des policiers et de quelques élus au contact des conflits. Mais leur résistance s’épuise au constat du manque de soutien de leur hiérarchie, de sa surdité à leurs plaintes, de l’impunité qui encourage les délinquants, des entorses au droit consenties par des élus en échange de bulletins de vote décisifs pour leur réélection. C’est ainsi que la « gangrène » s’étend sans espoir d’y mettre un terme.

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Extrait du livre de François Guillaume, « Les dix commandements de l’homme politique » aux éditions du Cherche Midi

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