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Les deux réformes pour échapper au déclin, dont aucun candidat n’a encore osé en parler
©THOMAS SAMSON / AFP

Atlantico Business

La situation française est tellement compliquée qu’aucun candidat n’osera annoncer la réalité des réformes à faire pour que le pays reste dans la course internationale et échappe au déclin.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les dossiers sociétaux qui dominent le débat pré-présidentiel sont incontournables. La France a un sérieux problème avec l'immigration massive et l’intégration des populations musulmanes. Mais la France a aussi des difficultés qui paraissent insurmontables pour restaurer un retour à la sécurité.  

D’où l’effondrement de la gauche dite républicaine, parce que ses responsables ont ignoré le problème et parfois, ils l’ont utilisé à des fins électoralistes. L’islamo-gauchisme n’a rien d’imaginaire. Mais la droite s’est éclatée entre les libéraux qui ont cru trop fortement dans la capacité des marchés à rétablir l’équilibre et les identitaires qui pensent qu’une fermeture des frontières règlerait une partie des problèmes. 

Face à un tel imbroglio idéologique, entre les socio-démocrates, la gauche refugiée dans les courants écologistes, entre les droites multiples et difficilement fongibles, il n’y a pas de solution alternative assez forte et cohérente. 

D’où la montée en puissance des extrémismes de droite comme de gauche. D’où la résilience du président sortant qui, ayant répondu aux dangers de la pandémie et repoussé le risque d’effondrement économique et social, reste en position très favorable pour l’emporter à la prochaine présidentielle. 

Cela dit, la probabilité assez forte de l’emporter au second tour ne lui donne aucune assurance pour gouverner la France pendant un deuxième quinquennat. 

Il s’engagerait certes, avec une situation économique plutôt bonne puisque tous les indicateurs de la croissance sont au vert. Tous les moteurs sont lancés. Mais tout le monde sait, et lui le premier, que cette situation économique favorable ne lui garantit absolument pas les moyens de mettre la France sur les rails pour revenir dans la compétition internationale. 

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Pour revenir dans la course, il faut lancer deux séries de réformes économiques qui nécessiteraient l‘adhésion d’une grande majorité des Français.

La première série de réformes porte sur le modèle social français. Ce modèle est actuellement extrêmement généreux, mais couteux et mal organisé. Le modèle social (et public) est financé par des charges sociales et des impôts. Ces charges sociales et ces impôts pèsent sur le coût de production et donc sur la compétitivité de notre économie. 

C’est le poids de ce modèle qui a fait reculer la France dans le concert des nations, c’est le poids de ce modèle qui a favorisé les délocalisations. Bref, les Français ont collectivement, depuis presque 30 ans, choisi un modèle privilégiant l’assurance sociale et collective, sur l’emploi du secteur privé, l’efficacité, l’investissement innovant et de production. 

Et la France aujourd‘hui a moins d’industrie, moins de services publics efficaces mais plus de fonctionnaires qu’ailleurs, des retraites plus longues, une assurance maladie assez puissante mais un système de santé à bout de souffle et plus aucun laboratoire de recherche de niveau internationale, en ayant perdu les 2/3 de son industrie. Avec en prime, une éducation nationale qui ne produit ni élite, ni formation adaptées... Et ne parlons pas de l’administration générale qui n’est plus capable de faciliter et de sécuriser la vie.

Le président qui voudra redresser cette situation, devra remettre à plat le modèle social et proposer à l’opinion de choisir, entre le court terme (payé par la dette) et l’équilibre à long terme, payé par le travail et l’innovation.  Moins de sécurité sociale, moins de fonctionnaires mais plus de salaires et de revenus investis.

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C’est un vrai choix de société qui n’est actuellement proposé par personne. 

La deuxième série de réformes aura pour ambition de rendre compatibles les objectifs climat et ceux d’un modèle de croissance compétitive. Et là, il faudra nécessairement dire la vérité. Les contraintes écologiques vont couter cher et accroitre les couts de production, il faudra donc trouver des modèles de croissance plus propres et aussi plus compétitifs. 

Le premier des dossiers qu’il faudra ouvrir nécessairement sera celui du nucléaire, la seule énergie propre mais bridée actuellement pour des raisons idéologiques, parfois absurdes.

Le deuxième dossier qu’il faudra ouvrir portera sur les apports géopolitiques pour que l’effort sur le climat soit mieux partagé. Moins de production en provenance de pays émergents, c’est demander à ces pays d’engager des réformes structurelles au niveau de leur production, c’est donc leur demander de produire plus cher, mais c’est aussi toucher au pouvoir d’achat dans les pays importateurs puisque les importations augmenteront, ne serait-ce que par l'application de la taxe carbone.  

Consommer local, avec une énergie plus propre, c’est accepter de changer en profondeur sa consommation. On ne peut pas, dans un pays majeur, promettre une énergie propre sans expliquer que cette lutte pour le climat va couter cher en investissement ou alors en privation de consommations. 

Les écologistes français plaident pour des contraintes au niveau de la consommation, mais par ailleurs, n’accepteraient pas le risque d’être privés d’électricité. Contradiction de plus, ils s’opposent au développement d’une recherche en énergie plus propre (nucléaire par exemple). Pas facile de rendre toutes ces aspirations ou injonctions compatibles avec le respect des principes de la démocratie qui sont les nôtres.

Aucun responsable politique actuel n’a osé intégrer à son programme, la nécessité d’aborder ces deux grands types de réformes ou alors seulement à la marge.

La réforme du modèle social paraît impossible à mettre en œuvre sans risque et tout en protégeant les droits acquis. Tous les hommes politiques sont d’accord pour affirmer que la France est menacée d’asphyxie par la dette et les déficits, mais aucun ne se risquera à proposer une réforme de la fonction publique et des organisations sociales dont l’obésité et l’inefficacité sont à l’origine de ces risques. 

La lutte pour le climat fait l’unanimité, mais rares sont les responsables écologistes qui reconnaissent le coût de leur programme et la nécessité d’un compromis. 

Le nouveau gouvernement allemand s’est installé avec un pacte de gouvernement qui développe un début de compromis sur le modèle social et sur la stratégie énergétique. Ça peut marcher, parce que les pactes de gouvernement en Allemagne sont respectés pendant la durée du mandat. 

Aucun des candidats en France n’a jusqu'à maintenant fait ce travail. Emmanuel Macron, le fera-t-il ? Nul ne le sait. Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’il fait travailler ses équipes sur ces deux axes stratégiques. Ce que l’on sait aussi, c’est que sans engagement programmatique pour la durée du second quinquennat, il aura du mal à obtenir une majorité. Et que dans ce cas, il sera condamné à une cohabitation très incertaine. 

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