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Un panneau avertissant du danger d'attaques de requins sur la plage de L'Etang-Salé, sur l'île de La Réunion, le 1er mars 2019.
Un panneau avertissant du danger d'attaques de requins sur la plage de L'Etang-Salé, sur l'île de La Réunion, le 1er mars 2019.
©Richard BOUHET / AFP

Requins et réchauffement

Chaque année, les attaques de requins représentent en moyenne 5 à 6 morts et 50 à 100 morsures non fatales. Les statistiques montrent une tendance à la hausse du nombre d’incidents, mais ils restent rares.

Johann Mourier

Johann Mourier

Johann Mourier est biologiste marin, spécialiste du comportement des requins. Il vient de publier 40 idées fausses sur les requins avec Laurent Ballesta aux éditions Quae.

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Atlantico : Une femme a été tuée par un requin sur l'île de Saint-Martin, à proximité de la Guadeloupe, et un requin mort a été retrouvé sur les plages de l’île. Est-ce quelque chose de fréquent là-bas ? Quels sont les lieux les plus risqués en France et dans le monde ?

Johann Mourier : Ce n’est pas surprenant qu’il y ait des requins là-bas, notamment des requins tigres et bouledogues. Mais, de mémoire, il n’y a pas eu d’autres attaques récemment : elles sont assez rares. Dans les Caraïbes, il n’y a pas beaucoup d’interactions entre requins et humains. En Martinique, vous ne verrez jamais un requin. En Guadeloupe, il y en a très peu. Il pourrait y avoir plus de risques en Guyane mais la population humaine est limitée et il y a moins de baigneurs. En ce moment, le problème concerne surtout l’île de La Réunion. Souvent ces attaques surviennent en série et c’est le cas là-bas. Les requins y ont toujours été présents mais, pendant plusieurs dizaines d’années, il n’y avait pas ou peu d’incidents. Mais, depuis 2011, il y a eu une série de plusieurs attaques. On retrouve ces pics d’attaques dans d’autres régions du monde, comme l’Australie actuellement. Le grand requin blanc que l’on retrouve en Australie et en Nouvelle Zélande va parfois migrer vers le nord et il y a eu quelques incidents assez rares avec des grands requins blancs en Nouvelle-Calédonie, qu'ils visitent à certaines périodes de l’année. En Polynésie-Française, il y a l’un des plus gros sanctuaires de requins, mais les attaques sont très rares : elles sont plutôt le fait de petits requins de récifs et c’est surtout dans des conditions de chasse au harpon. Il y a un stimulus alimentaire qui crée des frénésies. Les attaques les plus fréquentes se passent en Floride, mais il y a très peu d’attaques fatales. Ce sont des morsures sans trop de conséquences mais assez fréquentes car c’est une zone de migration des requins. Australie, Afrique du Sud et Californie sont des zones de surf assez réputées et la présence du grand requin blanc en fait des zones à risque.

La présence des requins en métropole est-elle une chose possible ? Y-a-t-il un risque d’attaque ?

On peut voir des requins en France. L’association Aileron propose une carte interactive de toutes les observations de requins et de raies dans les eaux méditerranéennes. On voit, notamment en été, pas mal de requins peau bleue qui s’approchent du bord et mettent bas le long de la côte française. Ces requins ne sont pas agressifs. Il ne faut bien sûr pas aller jouer avec mais, il n’y a jamais eu d’incidents. On peut aussi voir, en Méditerranée et sur les côtes bretonnes , des requins pèlerins. Ils sont imposants – une dizaine de mètres – mais ils se nourrissent de plancton, donc il n’y a aucun risque, hormis se prendre un coup de nageoire. En Méditerranée, le grand requin blanc est présent, mais plutôt au large, donc les interactions avec l’homme sont rares. La population est en déclin, ce qui explique qu’il peut difficilement y avoir des attaques.

Comment explique-t-on ces attaques ?

C’est très compliqué d’expliquer une attaque de requin mais il faut les remettre en perspective. D’abord, on distingue toujours les attaques induites par l’homme avec un stimulus (recherche ou chasse) et les attaques non provoquées. Par ailleurs, cela représente en moyenne 5 à 6 morts par an dans le monde et environ 50 à 100 morsures non fatales par an. Les statistiques montrent une tendance à la hausse du nombre d’incidents par an, mais si on le met en relation avec le nombre d’utilisateurs de stations balnéaires notamment, qui lui est en augmentation, on s’aperçoit que le risque d’être attaqué diminue. On est beaucoup plus nombreux à utiliser la mer donc la probabilité de rencontrer un prédateur est plus élevée. Le problème est qu’il y a tellement peu d’attaques que, statistiquement, on a un peu de mal à faire ressortir des tendances significatives scientifiquement et prédire où les requins vont potentiellement attaquer. On a des zones où l’on sait que le risque est plus élevé et il y a des pics d’attaques que l’on ne sait pas forcément expliquer parce que c’est multifactoriel. D’abord, les espèces présentes : moins d’une dizaine sont impliquées dans des incidents avec l’homme, sur près de 500 espèces de requin – environ 90 % des espèces sont en déclins et deux tiers en voie d’extinction. Les trois espèces les plus impliquées sont le grand requin blanc, le requin bouledogue et le requin tigre. Le requin tigre est pas mal impliqué dans les attaques à Hawaï, en Australie et globalement dans les zones où il y a du surf. Le requin bouledogue, lui, n’est pas présent partout, mais il est capable de remonter les rivières et il met bas dans des estuaires ce qui augmente ses chances d’interaction avec l’homme. Il est réputé pour être agressif et venir facilement au contact. D’autres facteurs peuvent apporter des éléments d’explication. La surpêche fait qu’il y a moins de nourriture pour les requins, ce qui fait qu’ils ont plus faim et vont se rapprocher des côtes. En général, l’homme ne fait pas partie du menu. Les attaques, qu’elles soient fatales ou non, ne sont pas alimentaires. C’est une inquisition et souvent une seule morsure. Et les cas mortels sont souvent liés à des hémorragies. C’est toutefois arrivé à la Réunion que les requins reviennent à la charge. Le problème c’est que mordre, c’est le seul moyen d’investigation du requin.

Qu’est ce qui dans le comportement des requins peut expliquer qu’ils attaquent des surfeurs ?

A la Réunion, les requins bouledogues sont présents, mais il est par exemple très difficile de les voir en plongée, ils vont rester à distance. Ils sont timides sous l’eau mais pas du tout envers les surfeurs. Le requin n’est pas un animal téméraire, quand on lui fait face il va être moins entreprenant, c’est un peu comme avec un chien. Il va éviter le risque et attaquer par surprise. Par ailleurs, les surfeurs vont là où il y a des vagues, où l’eau est agitée, et ce sont des zones appréciées par les requins. L’heure de la journée peut également rentrer en ligne de compte, leurs périodes d’activité de chasse sont le lever du jour et la tombée de la nuit. Pour expliquer les attaques, il y a deux théories, soit la densité de la population de requins, soit la personnalité des individus. Les requins sont capables d’avoir des personnalités et ne sont pas tous égaux en termes de comportement. Certains vont être plus téméraires et ce seraient eux qu’on retrouve dans les attaques de requins lorsqu'il y a un acharnement.

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