Les chiffres sur l'ampleur de la catastrophe économique européenne : pourquoi changer de politique européenne n'est plus une option mais une nécessité <!-- --> | Atlantico.fr
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Les 27 chefs d'Etats européens sont réunis pour un nouveau sommet à Bruxelles.
Les 27 chefs d'Etats européens sont réunis pour un nouveau sommet à Bruxelles.
©Reuters

Impasse

Alors qu'un nouveau sommet européen s'est ouvert jeudi, les 27 chefs d'Etats européens ont été accueillis par 10 000 manifestants contre l'austérité.

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser est ancien député européen apparenté RN.

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Le manque de compétitivité du Sud dû au dérapage du coût salarial unitaire (tenant compte de la productivité) a été en partie rectifié. 

Cela se voit à l’amélioration très nette des balances courantes qui seraient toutes excédentaires hors intérêts de la dette. Ces pays ne dépendent plus des financements extérieurs …

Cette amélioration s’est faite par la baisse des salaires réels, sans baisse des prix elle a entraîné une chute de la demande intérieure, une chute de l’investissement des entreprises et donc une baisse des capacités productives au Sud. Elle a ainsi amplifié la disparité Nord-Sud à laquelle on voulait remédier sans parvenir à trouver de la nouvelle croissance à l’export.

Les productivités faibles dans les services expliquent le dérapage des coûts salariaux au Sud désindustrialisé. Dans l’industrie, on peut diminuer le coût salarial unitaire, coût tenant compte de la productivité, tout en maintenant une augmentation des salaires car une productivité forte le permet ; dans les services, vu le peu de productivité, c’est quasiment impossible.

Pour mettre en conformité, les salaires avec la productivité, les salaires ont baissé (sauf en Irlande) mais sans contrepartie dans le coût des productions par l’augmentation des marges des entreprises qui n’ont pas, pour autant, plus investies compte tenu de la baisse de la demande intérieure et extérieure. Il en résulte que ce qui a été perdu par la baisse de la demande intérieure due à la baisse des salaires n’a pas été gagné, à l’export pour trois raisons :

  • Une perte accrue des bases industrielles dans les pays du Sud de la zone euro. Il ne sert à rien chercher à gagner des marchés à l’export si on n’a rien à exporter, la baisse des salaires va tuer le peu d’industries qui subsiste encore grâce au marché intérieur.

  • Un multiplicateur important des pays de la zone euro menant tous cette politique de compression de la demande et de recherche de la croissance à l’export : il y a, alors, contraction de la demande intra-européenne et un jeu à somme négative à l’intérieur de la zone euro. Si l’Espagne prend des parts de marché, elle les prend sur les autres pays de la zone euro à plus de 70%.

  • La diminution de l’export mondial en raison de l’endettement de l’Occident dû à la perte de ses bases productives en raison des délocalisations. La croissance mondiale des échanges tend à baisser par l’endettement des anciens pays riches.

Le problème de la dette publique n’est de loin pas réglé et n’est pas prêt à l’être !

Contrairement aux Etats-Unis où la politique accommodante de la FED a permis de maintenir le taux d’intérêt sous la croissance, ce qui permet un désendettement sans effort, ce taux dans la zone euro est au-dessus de la croissance. La croissance potentielle de la zone a, en outre, fortement baissé en raison de la baisse de la productivité par tête, de la baisse de la productivité globale des facteurs (capital et travail), de l’investissement déclinant et de la destruction de capacités productives ainsi de la démographie.

Les calculs économétriques, faits par Natixis, montrent, en effet, que pour la France, l’Espagne et l’Italie, par exemple, les croissances potentielles en valeur sont respectivement de 2%, 1.8% et 1.7%. Si on enlève l’inflation, la croissance potentielle est proche de zéro. Pour stabiliser le taux d’endettement public, avec la croissance et les taux d’intérêt actuels, il faudrait pourtant un déficit public plus faible en France, en 2013, de 2.7%, de 7.3% en Espagne, 2.4% en Italie. Mais avec le multiplicateur budgétaire supérieur à 1, l’effet d’une diminution de 1 point de déficit public diminue de plus de 1% la croissance, cela voudrait dire que le Sud s’enfonce dans une récession encore plus forte, la France avec. Les recettes diminueraient également au rythme des économies réalisées, avec un effet sans doute nul sur le déficit.

La variable d’ajustement est la pauvreté et le chômage qui, sans perspective de croissance à venir, entraînera l’explosion politique et sociale de la zone euro avec le risque de défaut !

Dans une Union monétaire, avec l’hétérogénéité des pays due aux différences d’industrialisation, il se creuse tout naturellement des déficits de la balance des paiements qui ne peuvent être comblés que par le fédéralisme budgétaire et l’Union des transferts.

Ces solutions sont impossibles avec le budget actuel de l’Union qui n’augmente pas et avec la clause du refus du sauvetage des pays en difficulté. Elles ne bénéficieraient pas du soutien des populations européennes qui arrivent déjà difficilement à vivre la solidarité au niveau national. La baisse du pouvoir d’achat par le recul de la demande intérieure entraînant le chômage devient alors la seule variable d’ajustement des déficits structurels de la balance des paiements.

Une autre solution serait certes la réindustrialisation du Sud mais dans le cadre actuel, elle est impossible par le jeu du marché car les dévaluations sont rendues impossibles. Par ailleurs, aucune politique de réindustrialisation est mise en œuvre dans ces pays et elle s’opposerait aux sacro-saintes règles du marché intérieur. Les pays sont donc enfermés dans leur manque de compétitivité avec une seule variable qui est la baisse des salaires. L’avantage comparatif du Nord ne fait alors que s’accentuer et les déficits du Sud se creuser car, comme nous l’avons vu, avec le recul de la demande, il y a aussi le recul des capacités productives.

Avec un taux de chômage qui approche les 30% en Grèce et en Espagne et qui est déjà de 60% pour la jeunesse de ces pays, on est proche de l’explosion sociale. Il n’y plus de perspective d’avenir car la spirale de la récession n’a pas de fin avec le multiplicateur européen qui détruit la recherche de la croissance par l’exportation en zone euro sans possibilité d’aller chercher de la croissance à l’international car les exportations diminuent. Le Sud risque de faire défaut s’il n’a pas d’autre solution ; il peut se le permettre en étant en excédent (budgétaire et paiement) hors intérêts de la dette, il ne dépend plus des financements extérieurs.

Le Nord devrait payer pour le défaut du Sud avec le MES actuel ! Il ne resterait plus que l’Allemagne à avoir, momentanément encore, la confiance des marchés !

Par le mécanisme de solidarité entre Etats membres prévu au traité, la contribution d’un Etat défaillant à un appel de capital est automatiquement redistribuée aux autres Etats au prorata de leurs parts respectives dans le capital du mécanisme. Ce système de garantie mutuelle confère dès lors aux détenteurs de titres de l’ESM l’assurance maximum de se voir à terme remboursé par le capital mis en garantie. Cependant, en cas de défaillance d’un pays du Sud (Italie, Espagne, Grèce, Portugal) la remontée des taux sur l’ensemble de la dette de ces pays obligerait à intervenir rapidement et l’appel en capital devrait donc porter sur les pays ayant gardé la confiance des marchés. La nouvelle clé de répartition serait donc la suivante si ces pays ne pouvaient emprunter.

La question se pose alors de la solidité de la France. Si la France devait également être fragilisée – ce qui n’est pas théorique - et ne plus pouvoir emprunter sur les marchés– sauf à des taux extrêmement élevés, le MES reposerait essentiellement sur l’Allemagne. L’Allemagne devrait donc répondre à l’appel en capital devant emprunter pour tous ces pays autour de 500 milliards. Mais la capacité de prêt du MES étant inférieure à la dette de ces pays qui, sans la France, ont déjà une dette 7 fois supérieure à cette capacité, ces pays devront quand même sortir de la zone euro, dans un second temps, après avoir bénéficié de l’aide du MES dans un premier temps. L’Allemagne perdrait ainsi plus de 500 milliards en capital….
Continuons ce raisonnement, la zone euro éclate, supposons que l’euro-dm subisse la même appréciation de change que le mark en 1992-93. Il en résulterait – selon l’élasticité des produits allemands à l’export pour un export en zone euro qui fait 18% de son PIB - une perte immédiate de PIB pour l’Allemagne de 2.5%. L’Allemagne rentrerait immédiatement en récession. Par ailleurs, elle perdrait, sur ses avoirs extérieurs au Sud, par l’appréciation de son change, plus de 12% de son PIB.

Les marchés perdraient également confiance en la capacité de l’Allemagne à faire face à toutes ces échéances !

La BCE ne pourra maintenir par la création monétaire- multipliée par 3.5 - et par les transferts internes -Target 2 – l’impression d’une fin de crise de la zone euro. Même sa mission de sauver les banques est vouée à l’échec car, avec la récession, la perte en capital des banques va plus vite que la recapitalisation. La création monétaire ne sert qu’à gagner du temps et à faire croire à ceux que le veulent bien qu’on est sorti de crise …

La création monétaire est reflétée par la base monétaire ou monnaie banque centrale. On voit que la zone euro a quasiment créé autant de monnaie que les autres grandes banques centrales. Mais alors que la FED ou la Banque d’Angleterre profitaient de cette création monétaire pour acheter de la dette publique et faire ainsi baisser la contrainte des taux d’intérêt sur leur dette, avec des taux inférieurs à la croissance, la BCE, voulant éviter tout aléa moral et pousser également à la rigueur les pays en difficulté, a surtout créé des liquidités pour aider les banques à se financer et à acheter de la dette souveraine.

Mais le financement n’est pas allé vers l’économie réelle car un refinancement banque centrale à trois ans est trop court pour investir dans l’économie réelle ; il est donc retourné, en grande partie, à la Banque centrale.

Les banques n’ont pas financé l’économie réelle en dépression, elles ne se refinancent pas entre elles également ; le marché de la dette a continué à se renationaliser : les banques d’Italie achètent de la dette italienne, les grecques de la dette grecque. En associant risque souverain et risque bancaire, le taux d’intérêt élevé sur la dette publique s’est répercuté sur le financement bancaire et le financement de l’économie réelle en empêchant toute reprise au Sud par la contrainte des taux trop élevés.

Un exemple frappant est l’Espagne. L’Espagne doit recapitaliser ses banques pour 100 milliards mais pendant qu’on apportera les 100 milliards, la situation des banques – en suivant la tendance actuelle – se sera dégradée pour plus de 100 milliards. Les fonds propres des banques de la zone euro représentant 10% du PIB l’économie de la zone, 10% de dégradations sur des engagements dans la zone euro, engagement qui font d’ailleurs plus de 100% du PIB, détruisent les fonds propres !

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