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Les chefs d’entreprise se mettent aussi en état d’urgence pour que les attentats ne cassent pas la reprise
©Reuters

L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

Selon les chefs d’entreprise et les syndicats qui se sont réunis ce vendredi 20 novembre à Matignon pour faire le bilan de l’impact économique des événements, le terrorisme ne cassera pas la reprise. L’état d’urgence, c’est aussi l’état de résistance.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Une semaine après les attentats du 13 novembre, les effets économiques ont été décortiqués, mesurés et évalués par la plupart des responsables du monde économique. Le diagnostic a fait l’objet d’un examen sérieux à Matignon vendredi avec le Premier ministre et le ministre de l’Economie. Afin de définir aussi le comportement des entreprises en situation d’état d’urgence 

Au-delà de l’émotion générale, la confusion parfois, les opérateurs patronaux du Medef, de la CGPME, et les chefs syndicaux ont mis tous les éléments d’appréciation et les indicateurs sur la table. 

Sans tomber dans le cynisme le plus insupportable, disons que la perspective n’est pas brillante mais assez bien assumée. Les responsables économiques ne sombrent pas dans le pessimisme. Ils l’étaient beaucoup plus en 2008 au lendemain de la faillite de Lehman Brothers. On retrouve un peu le climat qui dominait le monde des affaires après les attaques au World Trade center à New York, ou après la tuerie de Charlie Hebdo au début de cette année. De la colère, oui, mais pas de désespérance.

La situation économique et ses perspectives sont dominées par trois phénomènes :

Premier phénomène : le commerce, le tourisme,  les transports,  les activités de divertissement subissent un ralentissement violent mais sans doute de courte durée. Il est évident qu’au lendemain des attaques du 13 novembre, les consommateurs se sont repliés sur eux-mêmes et ils se sont contractés. La crainte de sortir de chez soi ou tout simplement le dégout de la situation ont fait que les Parisiens notamment sont restés chez eux et n’avaient guère l’envie de préparer les fêtes de Noël. 

Les hôtels parisiens ont enregistré très rapidement une masse d’annulations des réservations jusqu’à la fin de l’année. Par conséquent, beaucoup de projets de voyages ou de vacances à Paris ont été abandonnés. La baisse des réservations dans les hôtels est aujourd'hui de 50% ; idem chez Airbnb. Les hôteliers et les loueurs craignent qu’ils ne puissent pas les rattraper avant les fêtes. Le secteur du transport aérien a été touché. D’abord parce que les voyageurs étrangers qui annulent l’étape parisienne, c’est autant de voyageurs en moins à Roissy. Ensuite parce que quelques compagnies aériennes ont suspendu leurs vols vers Paris.

Autre secteur violemment touché : la distribution. les rues et les centres commerciaux tournent au ralenti (-30% de baisse de la fréquentation), les grands magasins parisiens (les Galeries Lafayette, le Printemps où la fréquentation a chuté de 30 à 50%), le commerce de luxe s’est effondré. Les champs Elysées sont vides, l’avenue Matignon, la place Vendôme, la rue de la Paix et tous les hauts lieux du luxe à Paris sont sinistrés. 

Enfin, toutes les industries du divertissement subissent aujourd'hui le contre choc de la tuerie de vendredi dernier. Les théâtres, les cinémas, les cirques qui sont nombreux à Paris, au moment de Noël ne font pas le plein. Beaucoup d’annulations, et de spectateurs qui abandonnent la partie.

La plupart de professionnels  touchés considèrent que l’année 2015 est morte et les fêtes de fin d’années ne sont pas récupérables.  Dans cette perspective, les petites structures vont avoir du mal à tenir debout. Consignes ont été données aux banques de trouver des solutions pour alléger les trésoreries à la fin de l’année. L’Etat étudie des mécanismes de report de paiements des taxes et des charges.

La contrepartie de ce ralentissent violent dans le commerce de détail, touche le e-commerce qui bénéficie déjà d’une poussée de fièvre exceptionnelle. Les sites marchands de l’internet seront les grands gagnants de cette période troublée qui va nous conduire jusqu’à Noël.

Amazon se met en ordre de marche et s’attend à un record de commandes. CDiscount (groupe Casino), Rue du Commerce (racheté par Carrefour) sentent déjà le gonflement de l’activité. Ils s’attendent à une progression de 30 à 50 %. La Fnac et Darty ont systématiquement organisé la complémentarité de leurs sites et des magasins physiques. En clair, les clients peuvent commander sur le site, se faire livrer ou aller prendre leurs commandes au magasin. La réciproque est vraie. On peut commander dans les magasins, régler sur internet et se faire livrer à domicile (ce qui est la grande force de Darty). A noter que ce mois de décembre sera mis à profit pour tester la cohabitation entre la Fnac et Darty qui ont publié les bancs de leur mariage .

Deuxième phénomène. Les évènements terroristes ne devraient pas casser le début de reprise. L’impact économique que l’on mesure très bien sur la consommation, où le tourisme sera violent mais normalement de courte durée si on se réfère à ce qui s’est passé dans tous les pays touchés par des vagues d’attentats. Par ailleurs, les indications que nous avons ne montrent pas que les grandes tendances de la reprise seraient attaquées.

Les signes de redressement ne sont pas affectés. L’emploi et particulièrement l’intérim a repris. Depuis deux mois il y a plus, de créations d’emplois dans le pays que de destructions. Par ailleurs les moyens monétaires de l"activit& sont en croissance de 4% à 5%. La demande de monnaie adressée par les entreprises s’accroit,  ça veut dire que l’activité tourne plus vite. 

Autre facteur : l’investissement qui est le vrai moteur de la reprise se réveille. Aucune raison que les attentats du 13 novembre aient brisé cette évolution. 

Enfin, le prix du pétrole continue d’être très bas. C’est un élément très fort pour dégager des marges dans les pays occidentaux. Le seul problème que pose la baisse des prix du pétrole, c’est  la gêne causée aux  pays émergents : la Chine, l’Inde, le Brésil. Or, le ralentissement de la croissance dans les pays émergents, freine la reprise mondiale. La perspective des hausses de taux d’intérêt, aux USA ne devrait pas affecter les économies européennes, sauf par le biais de l’Euro dont on pense qu’il pourrait tomber à parité avec le dollar au début de l’année 2016. Ce qui n’est pas une mauvaise nouvelle. 

3e phénomène : le retour de la confiance. C’est un paradoxe mais toutes les études d’opinion qui ont été réalisées depuis la semaine dernière, montrent que la grande majorité des Français sont en colère, ils sont tristes, ils se sentent solidaires parce que c’est la société française qui a été touchée. Il y a donc un sentiment de grande cohérence mais pas de sentiment déclaré de peur. Alors la peur n’est peut-être pas exprimée, elle est peut être gérée, assumée, mais elle ne transparait pas. Ce qui transparaît c’est la volonté de résister.

Résiste. Un détail, mais la comédie musicale qui reprend tous les tubes de Michel Berger et de France Gall au Palais des Sports de la porte de Versailles, n’a pas perdu ses spectateurs qui font chaque soir un véritable triomphe à la chanson  Résiste. Du jamais vu. La chanson est reprise et bisée par la salle debout.

Ce qui apparaissait avant les évènements, ne s’est pas perdu dans la tragédie des attentats. Le moral des chefs d’entreprise reste très haut. Il est même au plus haut depuis le début de la crise de 2008. Les optimistes sont plus nombreux que les pessimistes. Le facteur de consolidation de cette confiance réside dans l’approbation des mesures sécuritaires prises par le gouvernement. Il y avait une attente très forte. Selon les sondages réalisés cette semaine, 80% des français approuvent les frappes en Syrie et toutes les mesures de sécurité. 

Alors dans ce contexte, la popularité du président de la République va progresser. Au lendemain des attentats de Charlie, François Hollande avaient pris 10 points dans les sondages. Mais ce redressement ne signifie au niveau de la perspective. Il peut être de très courte durée. D’autant que si les Français approuvent la réaction et la gestion de la crise, beaucoup ne comprennent pas pourquoi nous n’avions pas pris, des mesures de contrôle avant. Quel temps perdu ! Quel gâchis !

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