Les carences d’Emmanuel Macron pour lutter efficacement contre la casse de l’industrie française <!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron Whirlpool industrie entreprises France Elysée STX-Fincantieri Renault-Fiat Engie
Emmanuel Macron Whirlpool industrie entreprises France Elysée STX-Fincantieri Renault-Fiat Engie
©Eric FEFERBERG / AFP

Bonnes feuilles

Olivier Marleix publie "Les liquidateurs" aux éditions Robert Laffont. Dans cet essai, Olivier Marleix fait un bilan sans concession des années En Marche. Il nous dit ainsi combien il est urgent d'en finir avec le macronisme, au risque sinon de voir notre souveraineté défaite et notre pays et ses industries définitivement liquidés. Extrait 1/2.

Olivier Marleix

Olivier Marleix

Olivier Marleix est député (LR) d'Eure-et-Loir. Il a reçu, en 2020, un Prix éthique de l'association Anticor.

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La France a été un terrain de jeu formidable pour l’industrie mondiale de la finance. D’abord, il y avait beaucoup de grandes entreprises, c’est on l’a dit une caractéristique de notre économie. Ensuite, elles étaient souvent mal contrôlées (au mieux à 30 %) du fait des changements d’actionnaires, du mouvement d’accordéon des nationalisations et des privatisations. Ensuite, il y avait un microcosme de dirigeants issus du service public pouvant, au jeu du pantouflage, provoquer toutes sortes de complicités dans l’appareil politico-administratif pour que l’État ne s’oppose pas à ces prises de contrôle étrangères. Les énarques français propulsés dans le monde des affaires, notamment les banques d’affaires, semblent avoir apporté avec eux cette manie et ce savoir-faire douteux qui font leur réputation dans l’administration : quand ils ont un organisme ils le coupent en deux ; quand ils en ont deux, il faut qu’ils n’en fassent qu’un. Une sorte de réflexe pavlovien. Faites la liste des dossiers ouverts par Emmanuel Macron depuis son arrivée à l’Élysée (projet de fusion STX-Fincantieri, projet de fusion Renault-Fiat, projet de scission d’EDF, scission d’Engie, fusion Véolia-Suez, fusion Alstom-Siemens, puis Alstom-Bombardier…) et vous saurez par qui il a été employé et où il a été formé.

Dans la France d’Emmanuel Macron, la politique industrielle est faite par les banques d’affaires – plus par l’État ; au service de la rentabilité du capital à l’évidence, beaucoup moins au service des salariés ou dans l’intérêt industriel du pays. Pourtant chacun le sait, « la concentration est le poison du capitalisme » selon la formule de Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, parce qu’elle crée cette triple pression sur les effectifs, sur les salaires et sur les sous-traitants. Des fusions qui nous rapprochent parfois de ces situations de monopole qui, pour des disciples de Milton Friedman, devraient être regardées comme un mal absolu.

Mais non, tout est toujours fait pour présenter ces opérations comme positives même quand on sait que leurs conséquences seront néfastes. Le communiqué de presse d’Emmanuel Macron ministre de l’Économie annonçant qu’il avait donné son feu vert à l’acquisition du français Technip par l’américain FMC saluait avec enthousiasme la naissance de l’« Airbus franco-américain du parapétrolier ». Le ministre et ses collaborateurs devaient glousser en écrivant cette bonne farce : Airbus a été créé, tout au contraire, pour faire face à l’hégémonie américaine, dans un souci d’indépendance nationale. Ce capitalisme des concentrations mondiales est un capitalisme illibéral.

Et ne nous laissons pas aveugler par les records d’investissements directs à l’étranger (IDE) que bat régulièrement la France : comptabilisant les prises de participations supérieures à 10 % de la valeur d’une entreprise, elles sont davantage le baromètre de la liquidation de l’économie française que de son attractivité !

Les défenseurs d’Emmanuel Macron auront beau jeu de mettre en avant ce que le Président a entamé au lendemain de la crise de la Covid-19, la « nouvelle ère » de son quinquennat, où il ne serait désormais plus question que de défendre notre industrie au nom de la « souveraineté » et de l’« indépendance » nationale. Le désastre d’une France incapable en mars 2020 (à la différence de l’Allemagne) de produire des masques de protection pour sa population ou des tests de dépistage aura au moins obligé le chef de l’État à changer radicalement de discours, lui qui pilote l’économie française depuis 2014.

Plusieurs centaines de milliards d’euros ont été mis sur la table, principalement à travers les mesures de chômage partiel, ou des avances de trésorerie de l’État aux entreprises qui incontestablement auront évité un désastre économique de plus grande ampleur. M. Macron a été rattrapé par la réalité : face à une crise économique, aucune économie ne peut s’en sortir sans une intervention directe de l’État. Mais ces plans sectoriels sont-ils conjoncturels ou signifient-ils un vrai changement d’approche ?

Les plans de soutien à Renault (5 milliards d’euros de prêts) ou Air France (7 milliards) sont très révélateurs. Dans un cas comme dans l’autre, les dirigeants ont profité de la crise pour accélérer les restructurations annoncées bien avant l’arrivée de la Covid-19 dans l’actualité, sous le nom de « plans de transformation ». On est loin du « monde d’après » annoncé… ou de la défense d’un « intérêt national » sensé motiver l’intervention de l’État actionnaire.

Avec ses 7 milliards en poche, Air France a décidé de s’attaquer à deux fronts qui étaient déjà visés dans le plan de son directeur général Ben Smith avant la crise : ses pertes sur les lignes intérieures, d’une part, et des économies sur les « fonctions support » d’autre part. Traduisons : en contrepartie du soutien de l’État, Air France supprime 40 % de son offre de desserte du territoire national ! Quant à la réduction de 30 % des effectifs dans les « fonctions support », on comprend qu’elles signifient des économies en France où elles sont plus coûteuses, et seront désormais sous-traitées à des sociétés de service étrangères. Les principales victimes de cette restructuration seront donc des cadres français de la compagnie.

Avec Renault, la situation n’est guère différente, même si la culture syndicale propre à l’entreprise a rendu les choses plus visibles et contraint le gouvernement à demander des modifications, au moins en apparence. On est donc passé de 5 000 suppressions d’emplois en France à 5 000 suppressions d’emplois en France… et 10 000 ailleurs dans le monde (Wuhan, Valladolid, Tanger…), envoyant ainsi le message à l’opinion publique française que nos salariés ne sont pas seuls à supporter l’effort… Difficile de ne pas croire pourtant qu’à terme, en situation de reprise, le groupe ne privilégiera pas, de nouveau, ses seules implantations à l’international. Renault est une des cinq marques qui a le plus délocalisé au monde. L’État actionnaire, ce ne devrait pas être « l’État roue de secours » au service d’entreprises mondiales qui rechercheraient, elles, systématiquement, leur intérêt ailleurs. Cela y ressemble pourtant.

Comment reprendre le contrôle de notre économie et singulièrement de notre appareil productif industriel ? Il y a d’abord la question de son financement. Dans le monde des affaires, la carte maîtresse c’est l’argent. Chaque fois qu’un retour de conjoncture réduit le cash flow d’une entreprise, c’est panique à bord. Pour les PME ou les ETI parce qu’elles dépendent beaucoup trop des financements bancaires ; mais pour les grandes entreprises, la confiance des marchés financiers fait vite défaut dans les moments critiques, faute d’actionnaire majoritaire capable de réinjecter du cash. On l’a vu dans de multiples crises, Pechiney, Alstom, Peugeot, Arcelor, il est souvent très compliqué voire impossible de construire un plan B.

Ce diagnostic d’un manque de fonds propres disponibles pour l’investissement est archiconnu mais n’a pas entraîné de changement radical. La réponse par l’« attractivité » recherchée auprès d’investisseurs étrangers, qui est l’alpha et l’oméga de la politique d’Emmanuel Macron, si elle facilite une augmentation de capital à un moment donné, entraîne aussi une perte de contrôle à terme.

Bien sûr la fiscalité des dividendes est probablement une variable sur laquelle on peut jouer pour améliorer l’attractivité de l’argent investi dans une entreprise, directement ou via un véhicule de placement. Dans ce domaine au moins il faut donner acte à Emmanuel Macron d’avoir fait une réforme importante en instaurant la flat tax, même si rien ne dit en réalité que cette fiscalité avantageuse profite à des investissements de portefeuille sur des entreprises françaises plutôt qu’étrangères. La difficulté de cette politique dite « de l’offre », c’est que, dans une économie ouverte, elle est aussi compliquée à cibler qu’une politique de soutien à la demande. Les défenseurs de l’économie de l’offre ne peuvent pas ignorer que les marchés des capitaux ne sont pas fermés et étanches. Même en déverrouillant la fiscalité du capital, et à condition que l’on sache flécher cet argent sur l’investissement dans nos entreprises, il faudra plusieurs générations avant que ne soit reconstitué un capitalisme français digne de ce nom…

Extrait du livre d’Olivier Marleix,  « Les liquidateurs – Ce que le macronisme inflige à la France et comment en sortir », publié aux éditions Robert Laffont.

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