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Les brebis du salon de l’agriculture voilées de noir : les conséquences du grand retour du Loup en France
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Deuil ovin

A l'occasion du salon de l'agriculture, un voile noir sera posé sur les brebis pour exprimer le malaise des éleveurs face à la menace grandissante que représente le loup. Entre dégâts matériels et terreur psychologique, qu'est-ce qui fait du loup un ennemi si redoutable ?

David Lacrépinière

David Lacrépinière

Salarié au service de remplacement des jeunes agriculteurs de l'Ain, David Lacrépinière est également élu en tant que délégué départemental pour l’Ain et le Rhône à la Mutuelle sociale agricole (MSA). 

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Atlantico : A l'occasion du Salon de l'agriculture, un voile noir sera posé sur les brebis pour exprimer le malaise des éleveurs face à la menace grandissante que représente le loup. En quoi cet animal qui nourrissait nos peurs jadis est-il encore une menace pour les troupeaux aujourd'hui ?

David Lacrépinière : La menace du loup, aujourd'hui, est tout simplement due aux dégâts qu'il peut causer. D'une part parce qu'il faut qu'il se nourrisse, ce loup, et d'autre part parce qu'il peut être amené à chasser en meute. Seul, un loup ne représente pas un vrai danger, mais en meute c'est vraiment une autre affaire. Les dégâts provoqués par une meute sont considérables. En 2006, et simplement pour les Alpes, on comptait 2500 décès imputables au seul loup. 2500 bêtes dévorées. Quant à celles qui ont survécu aux attaques, elles sont stressées. Il n'est pas rare qu'un troupeau de soixante brebis passe par-dessus une falaise, et que l'éleveur les retrouve agonisantes, en contrebas. Le loup n'est pas simplement une menace pour les moutons qu'il mange, mais pour l'ensemble du troupeau. Et contrairement au lynx, il attaque par derrière. Ce qui signifie qu'il ne tue pas nécessairement sa proie. Ca n'est pas de la cruauté, bien sûr, mais la bête souffre.

Les agriculteurs parlent aussi de trouble personnel, au-delà des dégâts matériels. Comment le loup peut-il à ce point les traumatiser ?

Un berger qui n'aime pas ses brebis n'est tout simplement pas un berger. N'est-ce pas traumatisant pour un éleveur, de retrouver tout un pan de son troupeau en train de mourir, au pied d'un ravin ? Des bêtes qu'il connait depuis la naissance, dont il est particulièrement proche ? C'est strictement la même sensation que pourrait ressentir un citadin, si l'animal avec lequel il vit se fait faucher par un scooter au détour d'une ruelle. Exception faite, bien évidemment, que les attaques de loups se renouvellent bien plus souvent. Nous ne sommes guère que des hommes, et forcément ça finit par nous toucher. Nous bouleverser.

A ce sentiment-là, ajoutez la fatigue. Le loup attaque de nuit : nombreux sont les éleveurs à ne pas dormir. Qu'il s'agisse du stress ou simplement de la nécessité de défendre son troupeau, les nuits sont loin d'être reposantes. Si certains éleveurs finissent par protester en accrochant les dépouilles sur les grillages municipaux ; d'autres gardent ça pour eux… et finissent parfois par se pendre. La mutuelle sociale agricole essaye de les accompagner pour éviter le pire.

Il faut savoir aussi que l'élevage ovin n'a jamais été un secteur rentable. C'est un métier exercé par des passionnés, qui aiment ce qu'ils font. Profondément. Voir tout ce que le loup, ou les autres prédateurs réinsérés artificiellement dans les zones d'élevages, peuvent faire, c'est harassant. Parce le loup n'est pas le seul problème : il y a aussi les ours, les vautours… Tous ces grands prédateurs qu'on réintègre suite à des décisions politiques parisiennes. Je n'ai rien contre le loup, tant qu'il reste aux Balkans.

Un loup a récemment été aperçu en région parisienne… Pour une espèce protégée, et réinsérée artificiellement, le loup semble avoir bien colonisé les terres…

C'est un cas isolé. Le loup est nomade, il bouge énormément et peut faire des dizaines et des dizaines de kilomètres. Particulièrement quand il s'agit d'un mâle qui, tôt ou tard, est exclu de sa meute. Dès lors, il se met en recherche d'une nouvelle meute, et de femelles à féconder pour perpétrer la race. Un loup dans les plaines est le plus souvent un loup perdu ; aussi voir un loup en région parisienne ne signifie pas qu'il y a une meute un peu plus loin. Celles-ci se concentrent dans les massifs ; ils sont tous touchés. Sur certains massifs, il y a même parfois deux meutes qui tournent, ce qui représente entre 20 et 24 bêtes, en moyenne. C'est énorme.

Existe-t-il un moyen de protéger à la fois les loups et les troupeaux ? Comment faire ?

Il existe effectivement un moyen, et plus d'un en vérité. Il y a le moyen politique, qui consisterait à réviser la convention de Berne de 1979, et de se baser sur le modèle suisse pour gérer les populations. La Suisse est un pays bien plus montagnard que la France et pourtant ils ont nettement moins de loups que nous ! Il faut contrôler les populations de loups afin de limiter leur nombre. Cela peut sembler cruel, mais il ne faut pas non plus oublier que le loup ne régule pas l'écosystème en Europe occidentale. C'est ce qu'il fait dans les pays Scandinaves, dans les Balkans, mais pas chez nous.

L'autre solution est plus pratique que politique. Pour commencer, arrêter de réintroduire les loups dans les zones d'élevages. Ca relève tout simplement du bon sens paysan, à mes yeux. Il faut laisser faire la nature ! S'il doit y avoir un passage de prédateur, très bien, mais pourquoi en réintroduire en plus ? Ensuite, il faudrait insister sur les autorisations de tir. Les gardes forestiers avaient l'autorisation d'en tuer 24, ce qui avait été estimé nécessaire pour réguler la population. Ils en ont tué 7. Et pourtant, les trouver n'était pas compliqué. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas fait de zèle. Mais je suppose qu'il faudra attendre qu'un enfant ou un randonneur blessé soit attaqué par une louve qui défend ses petits ou un loup affamé pour que la prise de conscience opère.

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