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Les années 2010 ou le triomphe des métropoles
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

France des grandes agglomérations

A l'occasion de la fin de l'année 2019, Atlantico a demandé à ses contributeurs les plus fidèles de dresser un bilan de la décennie, des années 2010. Laurent Chalard évoque le triomphe de la métropolisation.

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Sur le plan des évolutions territoriales hexagonales, les années 2000 s’étaient caractérisées par un certain renouveau des campagnes. Ce dernier était porté à la fois par l’élargissement du phénomène de périurbanisation, touchant des portions de plus en plus importantes du territoire, et par le boom de l’économie résidentielle, grâce à l’afflux d’immigrés européens, dont des britanniques, et de retraités français originaires des grandes villes, attirés par le cadre de vie et le faible coût de l’immobilier dans la France rurale. Il s’ensuivait qu’en-dehors du quart nord-est de la France, moins concerné par ces deux processus, la croissance démographique et économique semblait concerner la grande majorité de la France, aussi bien les villes que les campagnes, ce qui était jugé comme très positif dans l’optique d’un aménagement harmonieux du territoire. Or, les années 2010 ont brutalement mis fin à ce scénario idyllique, les inégalités de développement s’étant considérablement accrues, entre, d’un côté, des grandes métropoles qui maintiennent, voire accentuent, leur dynamisme, alors que, de l’autre côté, le reste du territoire stagne, voire décline. 

Comment donc expliquer ce retournement ?

Sur le plan économique, comme l’a montré le chercheur Laurent Davezies, la crise internationale de 2008 a totalement rebattu les cartes. En effet, la forte désindustrialisation de la France, qui s’en est suivie, a concerné principalement les territoires périphériques, c’est-à-dire ceux où le poids de l’industrie était encore relativement important dans l’économie locale au mitan des années 2000, soit les campagnes et les villes petites et moyennes, alors que les seuls secteurs d’activité dynamiques, relevant principalement du tertiaire supérieur concentré dans les grandes villes, se sont renforcés, conduisant mécaniquement à l’accentuation du processus de métropolisation.

Sur le plan démographique, le ralentissement de la croissance de la population à l’échelle nationale, consécutif d’un effondrement de plus de moitié de l’excédent naturel au cours de la décennie 2010, qui est passé d’un maximum de + 280 480 personnes en 2006 à un minimum de + 123 185 personnes en 2018, touche prioritairement la France Périphérique, où la population est plus âgée et le solde migratoire pour les jeunes, en règle générale, négatif, les formations universitaires comme les emplois se concentrant dans les grandes métropoles. En conséquence, ces dernières continuent de connaître un excédent naturel conséquent alimentant leur croît démographique grâce à la jeunesse de leur population alors que le reste du territoire est de plus en plus dépendant de l’immigration (interne ou internationale) pour pouvoir espérer voir sa population augmenter, le solde naturel ayant tendance à devenir déficitaire, les décès l’emportant sur les naissances.  

Sur le plan administratif, la décennie 2010 est incontestablement la décennie des grandes agglomérations, les différents gouvernements qui se sont succédé ayant pris un certain nombre de mesures extrêmement favorables à leur émancipation politique, leur donnant pour la première fois de leur histoire, à l’exception notable de Paris, des moyens financiers et des compétences leur permettant de se gérer par elle-même. Trois lois ont été symptomatiques du phénomène. La première, la loi Maptam du 27 janvier 2014 visant à réformer la coopération intercommunale dans les grandes zones urbaines, a conduit à la création d’une nouvelle structure administrative, la « métropole », avec des compétences élargies, comme, par exemple, la métropole de Lyon qui exerce désormais les compétences du département du Rhône sur son territoire. La deuxième, la loi relative à la délimitation des régions du 16 janvier 2015 a entraîné une réduction de leur nombre, passé de 22 à 13, renforçant de facto le poids des capitales régionales, qui ont vu leur zone d’influence s’étendre, en particulier Bordeaux, Dijon, Lille, Rouen, Strasbourg et Toulouse. Enfin, en complément des deux lois précédentes, une troisième, la loi NOTRE du 7 août 2015, est venue renforcer les compétences des régions et des métropoles.

Au niveau de l’aménagement du territoire, les grands investissements des années 2010 se sont concentrés dans les grandes métropoles, à commencer par la première d’entre elles, avec le lancement du chantier titanesque du Grand Paris Express, auquel il convient d’ajouter les multiples créations ou prolongements de ligne de transports collectifs, dont les tramways. Par ailleurs, l’ouverture de plusieurs lignes TGV, en l’occurrence les LGV Bretagne-Pays-de-la-Loire, Sud Europe Atlantique, Nîmes-Montpellier et le prolongement de la LGV Est ont stimulé le dynamisme de plusieurs grandes métropoles françaises, principalement Bordeaux, Nantes, Rennes et Strasbourg. A contrario, le délitement du réseau ferroviaire secondaire comme le gel des grands projets autoroutiers a eu un impact négatif sur le reste du territoire, qui, il est vrai, avait bénéficié d’investissements considérables sur le plan routier dans les décennies précédentes. 

Last but not least, sur le plan des représentations dominantes au sein de l’élite française, s’est imposée dans la dernière décennie l’application, de manière simpliste, de la « théorie du ruissellement », d’inspiration libérale, au plan territorial, ce qui a grandement contribué à l’accentuation du phénomène de métropolisation. En effet, nos dirigeants, dont la majorité sont issus des grandes agglomérations, partagent la conviction que l’avenir économique de la France repose prioritairement sur le développement des grandes métropoles, qui permettra ensuite d’entraîner le reste du territoire par effet de ruissellement. En conséquence, pour eux, il apparaît logique d’y concentrer les investissements. Pourtant, du fait de la relative faible taille démographique des métropoles françaises, leur influence est loin de couvrir l’ensemble du territoire hexagonal, rendant illusoire, quel que soit le caractère réel ou non du ruissellement, un dynamisme généralisé. 

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