Les années 2000 n'ont-elles été qu'un vulgaire remix des années 90 ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Disons que du jeune des années 2000, on retiendra la mèche de Justin Bieber, un jean plutôt serré, une chemise à carreaux, des baskets et une barbe.
Disons que du jeune des années 2000, on retiendra la mèche de Justin Bieber, un jean plutôt serré, une chemise à carreaux, des baskets et une barbe.
©Reuters

Panne de créativité

Lady Gaga en guêpière ? Un copier coller de Madonna 1990. Un exemple frappant de l'absence de révolution stylistique pendant ce début de 21ème siècle. Musique, photo, vêtements... Tout n'est que redite pâlement modifiée comme si nos smartphones avaient absorbé toute notre attention !

Pascal Monfort

Pascal Monfort

Pascal Monfort écrit des chansons rock pour The Shoppings et Vanités et enseigne la sociologie et l'histoire de la mode.

Egalement responsable tendances pour Nike France, il écrit pour Atlantico sur la vie des branchés, entre détachement et amusement.

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Atlantico : Autant les années 1960, 1970 ou 1980 sont très marquées, autant il semble que les années 2000 soient difficilement résumables. Qu’en retenir ?

Pascal Monfort : Cette impression correspond à un manque de recul. Effectivement, il va être difficile de dresser un archétype du jeune des années 2000. Les années 1960 sont tellement spectaculaires. Les années 2000 ne se jouent ni sur la silhouette ni sur l’architecture. Les années 2000 sont marquées par la pluralité, par tout et son contraire : en déco, on mélange le baroque et le minimalisme, en mode, les cultures alternatives sont des mix techtonique/hip-hop/gothique.

Les années 2000 marquent un alignement des tendances internationales. Qu’il vive à Paris, New York, Tokyo ou Berlin, le jeune d’aujourd’hui peut être une copie conforme. C’est dû à Internet : on peut tout commander en restant chez soi et l’information est mondialisée. Même un Français vivant dans un village peut s’habiller comme un type de Brooklyn. Dans les études que je mène, notamment auprès des jeunes, ça devient de plus en plus difficile de déterminer à partir d’une seule photo d’où ils viennent (s’il l'on ne voit pas la rue derrière). Dans les années 1990, ce n’était pas comme ça.

Mais peut-on savoir que c’est un jeune des années 2000 ?

Oui, bien-sûr. Disons que du jeune des années 2000, on retiendra la mèche de Justin Bieber, un jean plutôt serré, une chemise à carreaux, des baskets et une barbe. Certes, ce style existait dans les années 1990, mais il n’était pas aussi marqué.

Les années 2000 ce sont les années remix finalement, où l’on ne crée plus véritablement ?

Ah non, ça c’est des conneries ! On a jamais autant créé ! Il n’y a jamais eu autant de micro-marques, autant d’innovations technologiques avec des applications qui sortent tous les jours, de licences textiles à ne plus en finir (on ne cesse d'inventer de nouveaux matériaux, de nouvelles couleurs,…). Déjà au Moyen-Age on tenait ce discours de « non création ». En fait, il n’y a jamais eu autant de créateurs que dans les années 2000. Tout le monde a la possibilité de créer dans son coin.

Finalement, cette époque fait le bilan de toutes les décennies passées. Avec la source d’informations qu’est Internet, la création est hyper nourrie. Nous nous situons à l’air du mix ou du mélange. Le flux d’informations n’a jamais été aussi intense.

Cela fait douze ans que j’enseigne : auparavant quand je demandais à mes élèves de faire le bilan d’une époque, je leur donnais deux semaines. Aujourd’hui, je leur demande la même chose mais sur 1h30 ! Ils peuvent tout trouver rapidement.

Mais n’est-ce pas plus les modes de distribution et de production qui évoluent, plutôt que les produits eux-mêmes ?

Disons que nous vivons à l’époque de la dématérialisation. Le support change. Mais le contenu évolue également. Vous savez, c’est difficile de donner en deux mots un archétype des années 2000, si ce n’est sa pluralité. Il est encore trop tôt.

Par contre, au-delà de l’importance de la dématérialisation, on peut noter quelques éléments essentiels qui marquent notre époque.

En premier lieu, la culture blog, qui s’oppose aux médias traditionnels. La diffusion de l’information est désormais massive et rapide.

Ensuite, le « mass-tige » (contraction de « prestige » et de « masse »), c’est-à-dire la mode pour tout le monde : avec Versace ou Karl Lagerfeld, désormais la mode touche le grand public. H&M va faire une campagne de publicité avec les plus grands photographes et les top modèles les plus célèbres, mais pour vendre une chemise à 19,90 euros seulement. C’est le fantasme du luxe pour tout le monde : vous allez chez Monopry, vous pouvez acheter à 1,29 euro une bouteille conçue par Lagerfeld.

Les années 2000 marquent le moment du bilan avec l’héritage du passé, mais aussi le début d’une nouvelle ère dont on ignore encore l’impact. La presse papier va-t-elle disparaître ? Les magasins vont-ils encore exister face à la vente en ligne ? Les blogs vont-ils prendre le dessus sur la presse traditionnelle ? Et l’industrie du disque ? Et celle du cinéma ? On ne sait pas ! Nous n’avons pas de réponse quant à leur avenir.

Les stars des années 2000 ressemblent tout de même beaucoup aux stars des années 1980. Entre Madonna et Lady Gaga, la marge est mince, non ?

Lady Gaga n’est quand même pas qu’une simple copie. Elle reprend des formules à succès de Madonna. Avec un look extravagant, etc. Mais elle va plus loin : Madonna n’a jamais porté de robe en viande, Lady Gaga oui.

En même temps, les idoles façonnent-elles toujours la mode et les tendances ? Pas sûr. La source d’inspiration vient d’ailleurs. Des méga stars peuvent être habillées comme tout le monde. Il n’y a plus de vedettes en strass qui se baladent en limousine rose. Kate Moss est habillée comme ma voisine parisienne dans le Marais.

Nous sommes à l’ère de l’hyper-proximité : via Twitter, on pense connaître la vie privée des stars, leurs enfants, une sorte de fausse intimité. Ou alors il y a Lady Gaga qui ne ressemble plus à personne : si on veut lui ressembler, on ne ressemble plus à rien.

Le fait que l’information soit disponible pour tout le monde en même temps marque la fin du règne des capitales. C’est la revanche de la province ! Vous pouvez être dans un petit village et vous habiller encore plus « branché » que les hipsters des capitales. Plus besoin d’habiter avenue Montaigne pour s’acheter du Dior.

C’est aussi l’hyper règne de Google, des nouvelles marques et des nouveaux héros. Un sondage réalisé auprès des jeunes montre que le milieu qui les fascine le plus est le monde de l’informatique. Les modèles c’est Zuckeberg de Facebook, le mec qui a créé Tumblr ou Steve Jobs, qui existait bien-sûr auparavant, mais qui a explosé dans les années 2000. Les geeks sont désormais les nouvelles rock stars. Et en plus ils ont un vrai pouvoir d’influence.

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