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Les 3 erreurs à éviter pour réussir la reprise française
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Mauvaise idée

1,8% de croissance cette année, peut-être 1,9% l'an prochain : tout va mieux en France, et ailleurs - il faut le reconnaître, sauf si on gâche tout - ici.

Première erreur : rééditer mai 68, avec la théorie de « la relance par la consommation ». Mai 1968 a cinquante ans bientôt, l’âge de la maturité diront certains, sauf si c'est celui de la répétition d'une erreur économique majeure. Il ne s’agit pas de refaire la révolution, activité si  éprouvante qu’elle en a conduit beaucoup à la Chambre des députés, au Sénat ou au Parlement européen. Il s’agit du risque de répéter la théorie économique d’alors. 

L’idée était simple : la demande, dynamisée par une hausse des salaires, poussait l’offre. Elle conduisait nécessairement les entrepreneurs à embaucher et à investir, diffusant ainsi du revenu, et ainsi de suite. A preuve, les hausses des salaires minimaux de l’époque (plus de 30% pour le salaire ouvrier, 50% pour le salaire agricole, avec la suppression des abattements de salaires par zone, en liaison avec le coût de la vie) conduisaient à un choc de pouvoir d’achat. Mais il mène vite à un choc d’inflation, puis d’importation, avec trois dévaluations à la clef. 

Mais, même maintenant, cette théorie remise en œuvre en 1981, avec les mêmes résultats, plane dans les esprits. Si on augmente les salaires, on stimule l’offre, puis l’emploi. Même si la compétitivité française est en berne (il suffit de voir les résultats du commerce extérieur), on ne peut enlever ni la nostalgie de l’époque, ni le goût de la revendication salariale, en lieu et place des négociations et des débats stratégiques dans l’entreprise. C’est moins fun !

Aujourd’hui, où la compétitivité française par les coûts remonte graduellement, avec des hausses de salaires allemands (2,7% en 2009) qui nous arrangent (2,2% en France la même année). Il faut prolonger dans cette voie de la modération salariale française, de la négociation salariale, de la formation et de l’apprentissage, de l’intéressement et de la participation. C’est toujours la profitabilité qui fait l'investissement, la compétitivité et l'emploi. Et bien sûr, c’est plus vrai dans une zone où la dévaluation du Franc est impossible. Et c’est encore plus vrai, à un moment où la compétitivité passe par la formation, la prise de risque, l’innovation et des investissements en robotique, hard et soft combinés. 

Fêter mai 68, en pensant que la hausse des salaires est aujourd’hui la solution pour aller plus vite, est encore plus grave qu’alors. C’était la première étape des erreurs stratégiques qui ont mené à 1981, puis aux 35 heures, et dont nous ne sommes pas sortis.

Deuxième erreur : refaire le coup de la Cagnotte, comme en 1999. Il faut éviter la répétition du piège dressé en son temps par Jacques Chirac, contre Lionel Jospin. Il y avait alors plus de croissance que prévu, donc plus de rentrées fiscales. La France se disait « la locomotive de l’Europe » et avait, d’un côté, serré ses dépenses et, d’un autre, mécaniquement engagé plus de ressources. Devant elle, il y avait le passage à l’euro et la réduction de la dette publique, sauf que la pression montait qu’il fallait parler de « trésor caché », pour le distribuer aux Français. 

Mais Christian Sautter démissionne, coincé et trop honnête, et Florence Parly, alors Secrétaire d’Etat au Budget, procède aux distributions : 10 milliards de Francs de nouvelles dépenses (marée noire, école, hôpital) et 40 à la réduction des impôts (11 pour la taxe d’habitation, 11 pour l’impôt sur le revenu et 18 sur la TVA, Source Libération : 17 mars 2000). Bref la Cagnotte servira pour soutenir la demande, pas pour réduire la dette ou soutenir la compétitivité ! Le risque d’aujourd’hui est de nommer « Cagnotte » un déficit plus faible que prévu, avec une dette qui monte moins que prévu, alors que nous sommes encore en « déficit excessif » !

Troisième erreur : faire de l’anti-Catalogne, en aidant mal les régions pauvres à rejoindre les riches, en dépensant plus, en subventionnant sans projet. On le sait bien : la France est un maquis de transferts, en fonction des revenus, des emplois privés ou publics, des formes de chômage, des âges, des tailles des familles, des statuts, des âges des retraites et des régions. Tous ces transferts veulent permettre une certaine solidarité sociale, avec l’idée de réduire les inégalités. Mais tous ces transferts, parce qu'ils sont cachés, alimentent aussi des rancœurs et des jalousies, en même temps qu’ils ne permettent pas d’assurer assez de croissance (allez savoir pourquoi ?). Nos déficits jumeaux perdurent, celui de la balance des transactions courantes et celui du déficit budgétaire. 

La question régionale est aujourd’hui décisive pour consolider la croissance, à partir des spécialisations de chacune des régions, avec l’idée d’y renforcer leurs ETI, Entreprises de Taille Intermédaire. Il faut donc que les régions sachent ce qu'elles reçoivent des autres, par le budget national, et s'engagent clairement à être plus efficaces, en modernisant chacune leurs activités publiques et en soutenant chacune la recherche et l'emploi. Des programmes régionaux, transparents, sont le vrai moyen d’éviter les gâchis et que les régions les plus avancées refusent de financer les autres.

C’est quand les choses vont un peu mieux qu’on peut faire plus d’erreurs en perdant le sens de l’objectif central : augmenter la croissance potentielle, avec les efforts à faire en formation et en innovation, dans la transparence et la durée. Le risque est de céder aux sirènes du présent, du « généreux » en apparence, en oubliant bien sûr de réduire la dette ! Allons-nous refaire cette gravissime erreur de petite politique ? Ou bien allons-nous mettre l'accent sur la réduction du déficit public, puis de la dette, un choix qui prendra une décennie à se matérialiser ? Il ne s'agit pas de dire que c'est peu, par rapport à la dette ou que la baisse des taux d’intérêt sera imperceptible ! Il s'agit de commencer et de se reconstituer des capacités d'emprunt public, quand viendra la prochaine crise. 

La France est au maximum de sa capacité d'endettement, comme la zone euro d’ailleurs, comme la Banque Centrale Européenne aussi. Une récession serait donc très grave, et nul ne sait où Trump nous mène. L'exemple allemand nous montre le temps qu'il faut pour se sortir de difficultés, et l’effort d’explication à mener, pour être courageux et voir plus loin que la politique à la petite semaine. Au fond, pour réussir la reprise en cours, il faut penser à la génération qui vient.

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