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Légitimité peau de lapin : pourquoi le prochain président de la République risque bien d’être élu avec moins de voix que l’addition des abstentions, de votes blancs et des non inscrits
©Reuters

Hauts les mains

Chaque élection présidentielle voient progresser le nombre de citoyens qui ne souhaitent par participer au scrutin ou soutenir un candidat à tel point que le prochain président pourrait être désigné par moins d’électeurs que de gens ayant boudé l'élection. Ce qui pose un réel problème de légitimité du pouvoir en place et pourrait entraver sa capacité d'action.

Xavier  Chinaud

Xavier Chinaud

Xavier Chinaud est ancien Délégué Général de démocratie Libérale et ex-conseiller pour les études politiques à Matignon de Jean-Pierre Raffarin.

Aujourd’hui, il est associé du cabinet de stratégie ESL & Network.

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Atlantico : Les Français sont de plus en plus nombreux à se détourner de la politique. Un fort taux d’abstention est à craindre lors des élections régionales. Cette  désaffection risque-t-elle de se ressentir aussi lors de la présidentielle ? Le futur président peut-il être encore plus mal élu que le précédent ?

Xavier Chinaud : En 2012, lors de l’élection présidentielle, il y avait  46,066307 millions d’inscrits et autour de 4 millions de français qui ne le sont pas ou plus.

François Hollande a été élu avec 18 millions de voix soit 39,075% inscrits, avec 9,049 998 millions d’abstentions et  2,154 956 millions de blanc et nul,  cela fait avec les non-inscrits près de 15 millions de citoyens n’ayant de fait pas participé à l’élection.

En 2007, Nicolas Sarkozy a été élu avec 18,98 millions de voix soit 42,684% des 44,472733 millions d’inscrits, avec 7,130729 millions d’abstention, 1,568426 million de blanc et nul, soit avec les non-inscrits de 12 à 13 millions de citoyens n’ayant participé au vote.

Nous voyons bien que la pente est forte, d’autant qu’en 2007, le "match Sarkozy/Royal" avait sur-mobilisé les électeurs, la réédition en 2017 du match de 2012 peut laisser place à l’inquiétude sur ce plan là. On peut donc imaginer que le prochain président soit élu avec moins de voix que le nombre d’abstentionnistes, de votes blancs ou nuls et de non-inscrits.

Ce serait du jamais vu dans l’histoire. Quel problème de légitimité cela peut-il poser ?

Nul doute que se poserait alors la question de la légitimité de nos institutions. La reconnaissance du vote blanc a été exclue du champ des présidentielles, mais il n’en reste pas moins qu’à ne pas vouloir simplifier, clarifier le système institutionnel, ajouté à la dé-crédibilisation continue de la fonction présidentielle (par celui qui l’exerce comme par une opposition systémique), nos gouvernants successifs ont pris le risque d’une crise de légitimité en plus de celle de la représentation démocratique. Avec le choix du quinquennat et l’élection législative, sitôt la présidentielle, sur un mode de scrutin sans proportionnelle, c’est déjà plus d’un tiers des votants et près de la moitié des français en âge de voter qui ne sont pas ou quasiment pas représenté à l’Assemblée Nationale, persister dans un système dont de plus en plus de citoyens s’excluent est dangereux pour la cohésion nationale.

Depuis plusieurs mois, PS comme Républicains cherchent à faire disparaitre toute autre candidature que celle émanant de leur formation afin d’avoir plus de chance d’être présent au second tour, n’est-ce pas de nature à décourager une certaine partie de l’électoral d’aller voter ?

L’élection de 2017 pourrait dit-on se jouer dès le 1er tour de la présidentielle, la qualification de Marine le Pen étant aujourd’hui assez largement inévitable, il est donc essentiel pour chaque camp de rassembler le plus grand nombre de suffrages possibles pour prétendre figurer au 2eme tour contre l’extrême droite.

Si vous considérez que le plancher électoral de la candidate du FN est au minimum à 25% et qu’il pourrait varier entre ce plancher et 30 à 32% des voix au 1er tour, c’est-à-dire un niveau au moins équivalent au score réalisé par les candidats du PS ou des  Droite/Centre lors des élections précédentes ; alors la droite et le centre veulent s’unir pour être devant le PS et ses alliés et réciproquement. L’état d’esprit dominant dans la classe politique étant que Marine Le Pen ne pourrait être élue par une majorité de français, le gagnant du match gauche droite du 1er tour serait automatiquement le gagnant du 2eme tour. Le raisonnement est simpliste mais c’est le seul qui peut aujourd’hui donner espoir à François Hollande comme à Nicolas Sarkozy d’être réélu en 2017.

Cela peut-il être décourageant pour une certaine partie de l’électorat ? OUI. Toutes les études montrent le rejet croissant des Français d’un match annoncé, des jeux partisans comme de la classe politique prise dans sa globalité. L’offre politique est appauvrie, les lignes de fractures traversent tous les partis et la tri-polarisation et le jeu politicien qui en découle n’est pas la réponse à la démobilisation citoyenne.

Comment peut-on aujourd’hui séduire ceux qui se sont détournés de la politique ? Un changement de discours suffirait-il ?

La parole politique est trop "démonétisée" pour qu’un simple changement de discours suffise et à juste titre les français doutent des politiques qui disent "avoir changé". L’élection présidentielle est le vrai grand rendez vous majeur dans notre pays et la campagne qui la précède : le moment "révélateur" des candidats et de la perception que l’on peut en avoir en positif comme en négatif.

Il ne s’agit plus ici de séduction mais de conviction à faire partager, d’un besoin de pédagogie, de vérité et de courage, pour faire participer plus de  citoyens il faut incarner une capacité à exercer les responsabilités au nom de tous et non celle de conquérir ou conserver  le pouvoir pour les siens.

Ce sera aussi et peut être surtout de changer des institutions et des pratiques dépassées…

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