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Légère hausse du Smic au 1er janvier : pourquoi le gouvernement a décidé de ne pas donner un coup de pouce à la revalorisation
©Reuters

Au bon endroit, au bon moment

1 143 euros net : tel est le montant du SMIC pour l'année 2016, soit une augmentation de 6 euros par rapport à l'année passée. Une revalorisation qui ne ressemble pas vraiment au "coup de pouce" demandé par les syndicats depuis trois ans afin de soutenir la consommation et la croissance.

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

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Atlantico : Le SMIC a subi une hausse de 6 euros net pour 2016, l'établissant désormais à 1 466,62 euros brut et 1 143 euros net. Peut-on vraiment parler de "coup de pouce" ou ne s'agit-il pas là plutôt de la hausse automatique du SMIC liée à son indexation sur l'inflation ? 

Gilles Saint-Paul : L’indexation normale du SMIC comprend non seulement une progression en fonction du coût de la vie mais également en fonction de la croissance du pouvoir d’achat du salaire moyen, à hauteur de 50 %. Si par exemple il y a 1 % d’inflation et 1 % de croissance réelle, le SMIC augmentera de 1,5 %. Donc l’indexation automatique implique plus qu’un maintien du pouvoir d’achat mais une hausse de ce dernier. Cependant, lorsque la croissance est très faible comme c’est le cas actuellement, ce mécanisme implique naturellement des hausses du SMIC qui sont faibles. Un coup de pouce est une hausse du pouvoir d’achat du SMIC supérieure à ce qui est normalement prévu. Sur longue période, les politiques se sont arrangés pour que le SMIC progresse en moyenne au même taux que le salaire moyen, en complétant par des coups de pouce les hausses mécaniques du pouvoir d’achat du SMIC. 

Depuis 2012, les syndicats appellent le gouvernement à procéder à ce coup de pouce du Smic, ce qu'il n'a toujours pas décidé de faire. Pour quelles raisons ? Quelles les conséquences mesurables aujourd'hui de cette décision ?

Il y a à cela plusieurs raisons. D’une part la croissance de l’économie française est très faible et donc même si l’on envisage une progression du SMIC identique à celle du salaire moyen, il n’y a pas lieu de donner de coup de pouce important. Ensuite, le chômage ne cesse de progresser et le coût excessif du travail est généralement perçu comme l’une des raisons de notre mauvaise performance en matière d’emploi. Un coup de pouce supplémentaire ne ferait qu’aggraver ce problème. Enfin, la proportion d’employés au SMIC est très élevée en France relativement aux autres pays. En effet, au fil du temps, les gouvernements successifs se sont rendus compte que les hausses du SMIC engendrées par les coups de pouce était excessives, et ont compensé cela par des allègements de charges patronales sur les bas salaires. Du coup, ces dernières sont devenues progressives, ce qui rend très coûteux pour les employeurs d’augmenter les salaires au-delà du SMIC. Ainsi, une proportion élevée de la main d’œuvre est coincée dans une trappe à SMIC avec de faibles perspectives de progression salariale. Un coup de pouce supplémentaire aurait évidemment aggravé cette situation. 

Dans le contexte actuel de reprise économique fragile en France, s'attaquer à la hausse des salaires n'est-il pas prématuré ? Un coup de pouce au Smic est-il la réelle solution pour relancer la consommation et la croissance ? 

Les coups de pouce du SMIC ne sont jamais la bonne solution pour relancer la consommation. S’ils augmentent les revenus de ceux qui gardent leur emploi, ils créent du chômage et réduisent le revenu des travailleurs qui perdent leur emploi. Et en augmentant le coût du travail, ils découragent aussi l’investissement. Toutes les autres méthodes de relance – baisse des taux, hausse des dépenses publiques, baisse des impôts – leur sont sans doute supérieures. Mais si la relance peut atténuer les récessions, elle n’a aucun effet sur le taux de croissance structurel de l’économie française. Ce dernier est avant tout déterminé par des considérations institutionnelles et ne peut augmenter que grâce à des réformes structurelles.

Si l'on considère le cas de l'Allemagne qui a introduit en 2014 un revenu minimum garanti, quels effets peut-on noter sur la consommation et la croissance allemande de cette mesure ? Peut-on la juger efficace à cette fin ? 

Il est trop tôt pour en juger. Mais je parierai pour un ralentissement de la performance économique relative de nos voisins au cours des dix prochaines années et pour un retour de leur problèmes de compétitivité. Ajoutons qu’il est particulièrement stupide d’accueillir des centaines de milliers de migrants peu qualifiés si le marché du travail est incapable de les absorber parce que les salaires ne peuvent pas baisser. Bien entendu, les évolutions futures dépendront du discernement avec lequel le niveau du SMIC allemand sera ajusté. 

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