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Le vrai coût de l’allergie française aux petits boulots
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Manque à gagner

Il existe 287 000 postes libres en France en 2014 : c'est ce que montre une récente enquête de Pôle Emploi. L'importance de ce chiffre se justifierait notamment par le manque d'attractivité de 40% de ces emplois...

Gilbert  Cette

Gilbert Cette

Gilbert Cette est professeur d’économie à NEOMA Business School, co-auteur notamment avec Jacques Barthélémy de Travail et changement technologique - De la civilisation de l’usine à celle du numérique (Editions Odile Jacob, 2021). Son dernier livre s'intitule Travailleur (mais) pauvre (Ed. DeBoeck, à paraître en février 2024).

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Atlantico : Une récente enquête de Pôle Emploi a démontré qu'il existait 287 000 postes libres en France en 2014. Pour l'institut, l'importance de ce chiffre se justifie notamment par le manque d'attractivité de 40% de ces emplois (agroalimentaire, construction). Voit-on encore trop le "petit boulot" comme une trappe à pauvreté ?

Gilbert Cette : Les raisons pour lesquelles de nombreux postes de travail sont vacants alors même que le chômage est massif sont multiples. Bien sûr, il y a la raison que vous suggérez, celle de postes peu attractifs du fait de conditions de travail parfois difficiles et de rémunérations faibles. Cela signifie que certains de ces postes doivent trouver une meilleure rémunération et que des formations doivent être adaptées pour y correspondre. Et les entreprises doivent aussi y adapter les conditions de travail pour rendre ces postes plus attractifs. Mais d'autres raisons expliquent aussi ces vacances, comme les freins à la mobilité des travailleurs et plus largement des actifs. Et ces freins sont nombreux, ce qui appelle de multiples politiques pour les réduire...

En cherchant à trop encadrer ce type d'emploi, n'en finit-on pas par générer des effets pervers ?

Cette explication souvent évoquée est trop facile. Elle est erronée. De quel encadrement sur ce type d'emploi parlons-nous ? Ces encadrements ne sont pas exorbitants, et en tous les cas pas plus élevés que dans de nombreux autres pays. Par contre, vous avez raison à mon avis sur l'autre aspect que vous évoquez. Il faut que le passage de l'inactivité à l'activité soit suffisamment rémunérateur. Compte tenu de la complexité de nos prestations sociales, nombreuses et qui obéissent a des conditionnalités différentes, les gains de revenus associés à l'activité sont parfois trop faibles, en comparaison des pertes de certains prestations sociales. Il faut donc reformer l'articulation de ces nombreuses prestations, pour réduire leurs effets désincitatifs à l'activité. C'est l'une des réflexions engagées par le groupe de travail sur la fiscalité des ménages constitué par le Premier Ministre et qui doit bientôt rendre son rapport.

L'automatisation des petits boulots progresse dans le même temps en France, notamment avec l'implantation de bornes électroniques dans les services. Cela peut-il aussi s'expliquer par une réticence française à l'égard d'emplois mal considérés ?

Oui, sans doute en partie. Mais ce n'est pas seulement à l’État d'agir en ce domaine. Il revient aussi aux branches d'activité concernées de transformer l'image de leurs professions, par un enrichissement des postes de travail, par des perspectives de carrière associées à des efforts de formation, par des encouragements à la mobilité, par une réflexion sur les conditions de travail mais aussi par des politiques de formation. Il n'est pas cohérent de critiquer l'Etat pour ses interventions réglementaires souvent fortes dans le monde du travail et, en même temps, d'attendre que ce soit lui seul qui apporte des réponses aux problèmes que vous évoquez. Il revient aussi aux branches d'activité concernées de se mobiliser...

Quelles améliorations permettraient de pallier ces problèmes ?

Celles qui résulteraient de la mobilisation évoquée plus haut. L'Etat a un rôle important à jouer, par exemple en réduisant tous les freins réglementaires à la mobilité, mais aussi en adaptant les politiques sociales (prestations, logement social...) afin qu'elles ne réduisent pas trop les gains de revenus associés à l'activité. Mais il revient aussi aux branches de se mobiliser, dans toutes les directions mentionnées précédemment.

La réponse n'est-elle pas aussi d'une certaine manière éducative ? A-t-on trop tendance à privilégier les "filières d'honneur" (S, ES…) au détriment des filières professionnelles ?

Bien sur, vous avez raison. Mais, simultanément, il faut favoriser les mobilités sociales et éviter que des individus soient enfermés dans certaines orientations. L'organisation actuelle de la formation professionnelle n'est, à cet égard comme à de nombreux autres, pas du tout satisfaisante. Elle doit devenir plus offensive, et plus particulièrement ciblée sur certains publics, en particulier les moins qualifiés.

Quel est le coût de cette conception de l'emploi sur notre économie ?

Cette situation a effectivement un coût, en termes de croissance et de chômage. Les évaluations auxquelles je me suis livré, avec quelques collègues, indiquent que les rigidités structurelles sur les marchés des biens et du travail coûtent à la France plusieurs points de PIB. Pour les rigidités sur le marche du travail, le coût pourrait dépasser les 2% du PIB...

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