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Le terrorisme enjeu numéro un pour 58% des Français, très loin devant le chômage en numéro deux avec 17% : à qui profite la nouvelle donne politique actuelle ?
©Reuters

Et le grand gagnant est...

Selon un sondage Ifop pour Atlantico, depuis l'attentat de Nice, 58% des Français placent le terrorisme comme enjeu prioritaire. Or, seuls 33% d'entre eux font confiance à François Hollande et au gouvernement dans la lutte antiterrorisme (contre 49% avant). Le pourcentage de Français ne leur faisant pas du tout confiance a quant à lui connu une forte hausse, de 22% à 36%.

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Atlantico : Au regard des résultats du sondage sur les réactions des Français après l'attentat de l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, à quel parti ou homme politique le contexte actuel de menace terroriste bénéficie-t-il ? A l'inverse, qui est le grand perdant ? 

Jérôme Fourquet : On peut voir tout de suite à qui cela ne profite pas. Certains indicateurs sont très stables tandis que d'autres ont fortement évolué. On constate, à quelques points près, un niveau de confiance dans les forces de sécurité qui s'est maintenu à un très haut niveau depuis janvier 2015. 80% des Français leur font confiance. Cela s'est certes érodé si l'on regarde le pourcentage de personnes qui considèrent que l'on peut leur faire "très confiance" ou "tout à fait confiance", mais on reste dans des niveaux de confiance très élevés ; et ce, alors même que l'attentat de Nice est le troisième attentat majeur et que les attentats de Magnanville et Saint-Etienne-du-Rouvray, même s'ils ont fait moins de victimes, ont été très marquants. On aurait pu s'attendre à ce que les Français se mettent à douter de l'efficacité de leur service de sécurité.

En revanche, le jugement et la confiance accordés au président de la République n'ont pas du tout suivi la même trajectoire. Ici, il est intéressant d'observer que ce jugement était stable jusqu'au début de l'année 2016 : à cette époque, 50% de Français lui faisaient confiance en matière de sécurité. Un Français sur deux, ce n'est pas énorme ; mais si on rapporte ces chiffres aux cotes de confiance de François Hollande sur d'autres questions ou à sa cote de popularité de manière générale (environ 15%), on peut observer que le niveau de confiance sur la question de la lutte contre le terrorisme était très supérieur à son image générale. On se souvient qu'au lendemain des attentats de Charlie Hebdo, il y avait même eu un important regain de cote de popularité.

Bien au contraire, au lendemain de l'attaque de Nice, un décrochage s'opère. Il passe de 49% à 33%, et les gens qui ne lui font pas du tout confiance passent de 22% à 36%. Si les forces de sécurité s'en sortent indemnes, le commandant en chef connaît une vraie rupture, qui s'est illustrée par la huée de Manuel Valls sur la promenade des Anglais. Cela peut s'expliquer aussi par le fait que le gouvernement manœuvre à vue, avec – de manière très malheureuse – une annonce de la fin de l'état d'urgence et de la diminution des effectifs de l'opération Sentinelle à quelques heures de l'attaque de Nice, avant de devoir se reprendre et de changer radicalement de cap quelques heures plus tard. Ce revirement semble avoir été considéré comme très grave par l'opinion et peut expliquer ce décrochage.

Notre sondage montre que ce mouvement de décrochage a été continu et prolongé au lendemain de Saint-Etienne-du-Rouvray. C'est certes moins spectaculaire, mais il s'agit quand même à nouveau d'une baisse de 4 points après une baisse de 16 points, et une progression de 5 points de ceux qui ne font pas du tout confiance à François Hollande et au gouvernement. Ceux qui ne font "pas du tout confiance" sont passés de 22 à 41% entre l'avant-Nice et l'après Saint-Etienne-du-Rouvray, soit deux fois plus. Ceux qui faisaient confiance sont passés de 49% à 29% : on a perdu 20 points à l'occasion de cette double attaque. Hollande et le gouvernement sont donc en difficulté sur un sujet qui leur permettait de surnager quelque peu jusqu'à présent. 

Se pose maintenant la question du "grand gagnant". Au moment du conflit social sur la loi Travail et des affrontements en marge des manifestations, Nicolas Sarkozy, à la faveur de quelques sorties médiatiques, notamment celle où il avait parlé de "chienlit", avait repris du terrain sur Alain Juppé dans les intentions de vote pour la primaire de la droite. Un sondage Ifop pour Sud-Ouest avait montré que Sarkozy surpassait Juppé sur trois dimensions seulement : le dynamisme, l'autorité et le leadership. Et ce sont précisément les types d'atouts demandés par l'électorat de droite au moment des conflits sociaux.

On peut reproduire de manière amplifiée cette analyse sur la période actuelle. Sarkozy a tapé très fort contre le gouvernement après Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray et a réaffirmé qu'il avait les qualités nécessaires et la détermination pour faire face à cette situation d'urgence absolue. Quitte pour lui à faire sauter un certain nombre de verrous juridiques, sans s'embarrasser trop des convenances. Le fait d'appuyer là où cela fait mal, quand il affirme que la gauche est tétanisée, le place au centre du débat : aujourd'hui, l'affrontement entre le gouvernement et la droite, c'est l'affrontement entre le gouvernement et Sarkozy sur la question des fichés S.

Quelqu'un comme Benoist Apparu, proche lieutenant d'Alain Juppé, a reconnu que Nicolas Sarkozy avait le don de savoir se placer au centre du débat. C'est lié à une certaine habileté, mais aussi au fait qu'il est servi par les circonstances, comme au moment de la loi Travail ; elles appellent un profil de réponse et de personnalité qui correspond à l'image qu'il a. C'est un avantage sur Juppé.

Au regard des chiffres sur le niveau d'inquiétude des Français, on constate que la priorité numéro 1 est la lutte contre le terrorisme, qui écrase la lutte contre le chômage. Nous sommes en juillet, et on peut penser que tout cela ne va pas retomber comme un soufflé en trois mois, la tendance étant beaucoup trop marquée. Et ces trois mois correspondent à la période qui va précéder et aboutir à la primaire de la droite. On peut donc penser que celle-ci sera toute entière tournée vers ces sujets. On peut d'ailleurs voir comment des candidats comme Le Maire et Fillon sont devenus brutalement inaudibles.

On a donc vu que Hollande et Valls sont très affaiblis par cette séquence, et que Nicolas Sarkozy, qui apparait comme le plus déterminé et le plus profilé, ressort gagnant aux yeux de l'électorat de droite pour trois raisons :

1) Il donne des gages de sa détermination absolue ; on sait que sa main ne tremblera pas, et c'est ce qu'on attend dans la période actuelle.

2) Il apparaît comme capable de passer outre un certain nombre de verrous qui effraient d'autres.

3) Il a une expérience de l'appareil d'Etat et des crises en tant qu'ancien Président et ministre de l'Intérieur. La situation appelle donc non seulement les hommes déterminés mais donne aussi une prime à ceux qui savent faire. Il y a une prime incontestable à Nicolas Sarkozy qui a su gérer la crise de l'euro ou d'autres situations sécuritaires compliquées.

Dans quelle mesure Emmanuel Macron, lui qui s'est davantage positionné sur les sujets économiques et d'ordre social, pourrait-il voir sa cote de popularité chuter ? 

Il n'est pas évident que sa cote de popularité se mette à chuter. Il peut garder une bonne image, mais ce n'est pas le sujet du moment. Il s'agit aujourd'hui de savoir s'il peut faire face aux défis urgents du moment. On lui demande "êtes-vous adapté à la situation ?" ; et manifestement, en termes d'âge, de thèmes de prédilection, il n'est pas le mieux placé pour répondre à ce genre d'urgences.

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