Le statut de l'auto-entrepreneur aurait bien besoin d'une réforme... mais celle-ci est-elle la bonne ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La ministre de l’Artisanat Sylvia Pinel compte réformer le statut d'auto-entrepreneur.
La ministre de l’Artisanat Sylvia Pinel compte réformer le statut d'auto-entrepreneur.
©Reuters

Esprit d'entreprise

La ministre de l’Artisanat Sylvia Pinel compte réformer le statut d'auto-entrepreneur en le limitant dans le temps lorsqu'il s'agit d'une activité principale. Les défauts souvent pointés du doigt de ce statut seront-ils résolus pour autant ?

Leonidas Kalogeropoulos

Leonidas Kalogeropoulos

 

Léonidas Kalogeropoulos est Président du Cabinet de lobbying Médiation & Arguments qui défend la liberté d’entreprendre, l’innovation, le pluralisme et la concurrence dans les domaines de l’audiovisuel, des télécoms, du sport, d’Internet, de l’énergie, de la presse…
 
Il est le fondateur du site libertedentreprendre.com, qui milite pour l’inscription de liberté d’entreprendre dans la Constitution française et est Vice-Président du mouvement patronal Ethic. Il est également le porte-parole du collectif David contre Goliath, lanceur d'alertes concurrentielles

 

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Atlantico : Un récent audit de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales met en avant le caractère bénéfique des auto-entrepreneurs pour l’économie et les impôts. Pourtant la ministre de l’Artisanat Sylvia Pinel compte réformer ce statut en le limitant dans le temps (on parle de 1 à 5 ans) lorsqu'il s'agit d'une activité principale. L'objectif est d'inciter ces entrepreneurs à adopter un statut classique davantage porteur de croissance. Cela est-il utile ? Le reproche fait à ce statut selon lequel les entreprises inciteraient leurs prestataires à l'adopter pour minimiser leurs charges est-il fondé ?

Léonidas Kalogeropoulos : Un certain nombre de critiques ont été formulées à l’encontre de ce statut. On aurait recours à des auto-entrepreneurs pour ne pas salarier les gens,  et une concurrence serait faite à des métiers de l’artisanat, pour lesquels il y a  un certain nombre de règles en termes de formation et de qualification que certains auto-entrepreneurs ne remplissent pas.

Ces critiques doivent être entendues et traitées. Mais limiter le régime des auto-entrepreneurs à 3 ou 5 ans est une mauvaise réponse à des difficultés réelles, car s’il y a de la concurrence déloyale qui est faite par un auto-entrepreneur, cela ne changera strictement rien à la concurrence qui est constatée. Le fait de recourir à des auto-entrepreneurs plutôt qu’à des salariés lorsqu’on emploie quelqu’un en permanence est une atteinte au Code du travail. Le fait de limiter dans le temps l'auto-entrepreneuriat n’est en rien une réponse adéquate.

Y aura-t-il de la croissance d’activité parce qu’on aura changé de statut ? L’idée qu’un statut pourrait créer de la croissance est extraordinaire. S’il y a effectivement une qualité réelle qui a été donnée à l’économie par le statut d’auto-entrepreneur, c’est la fluidité, la simplicité, la dynamique et cet appel d’air à l’esprit d’entreprise.

S’il s’agit d’une activité principale qui réussit, on se dit qu’au bout de 3 à 5 ans les gens vont évoluer vers un statut différent. Les statistiques le montrent : lorsque l’activité qui a été initiée dans un statut d’auto-entrepreneur fonctionne (d’ailleurs des plafonds de revenus ont été fixés), on est appelé à en changer. C’est un critère économique.

L’idée selon laquelle le changement de statut ferait changer de seuil économique donne envie de se pincer. Il ne peut en aucune manière y avoir d’effet. Au contraire, si au bout de trois à cinq ans quelqu’un qui balbutiait dans son activité n’a pas réussi à atteindre le seuil économique qui l’amène à changer de statut automatiquement, cela veut dire qu’il est fragile et qu’on va le fragiliser encore plus, voire le couler.

Donc cela ne fait que précipiter la chute de personnes qui de toute façon étaient fragiles. D’où la question qui se pose, pour le statut d’auto-entrepreneur et la totalité des situations économiques fragiles : vaut-il mieux être au chômage, ne pas avoir d’activité du tout, mais être dans un cadre que l’Etat considère bien identifié, ou peut-on imaginer qu’être en activité est toujours mieux que le chômage ?

C’est parce que ma conviction est que toute activité est préférable à la situation de chômage que j’aimerais que l’on préserve au mieux le statut d’auto-entrepreneur, qui est peu accompagné, et qui peut être adapté pour les gens qui ont une petite activité. Aussi petite celle-ci soit-elle, il faut qu’elle puisse continuer, et de ce point de vue le statut d’auto-entrepreneur est formidable. S’il y a des corrections à apporter, ce n’est certainement pas en coulant les gens qui avaient une petite activité et qui ne l’auront plus. Encore une fois, on part d’un constat. Il y avait quelques difficultés à traiter, et on a trouvé une mauvaise réponse à de vrais problèmes. Je crains qu’il faille reprendre le sujet à zéro. Il faut regarder ce qui est véritablement important pour les artisans en termes de modification du régime pour qu’on ne vienne pas les concurrencer de manière faussée en ayant la possibilité d’exercer leur métier quand on n’en a pas les qualifications.  On ne voit en aucune manière comment la limitation dans le temps permet de répondre à ces problèmes-là.

Quelles seraient les adaptations à opérer ? Comment améliorer ce statut ?

Une chose devrait être améliorée en s’inspirant de ce statut plutôt qu’en essayant de le pénaliser : alléger les charges qui pèsent sur les artisans, pour que tous ceux qui remplissent un certain nombre de conditions  de professionnalisation et de formation puissent avoir les mêmes facilités que celles qui sont accordées aux auto-entrepreneurs. Il faut davantage alléger les charges pour que les artisans qui travaillent dans les règles ne soient pas pénalisés et ne voient pas une concurrence faussée des auto-entrepreneurs, plutôt que de toucher au régime de ces derniers.

Sur la question des entreprises qui préfèrent employer des auto-entrepreneurs plutôt que de les salarier, je suis persuadé qu’il suffirait d’appliquer quelques sanctions exemplaires dans les entreprises qui abusent de ce système pour que l’effet dissuasif se fasse sentir. Ce qui supposerait que l’Inspection du travail se penche davantage sur ce sujet-là que sur l’agencement des locaux et autres tracasseries que l’on inflige aux entreprises. Il est tout à fait normal que l’Inspection sanctionne les abus d’utilisation et de recours aux auto-entrepreneurs quand cela n’est pas justifié.

Cette réforme donne l’impression de couper la poire en deux, puisque les personnes pour qui le statut d’auto-entrepreneur ne représente qu’un revenu complémentaire  ne sont pas concernées. Ce serait une réponse à la pression des commerçants et des artisans…

Cette pression des commerçants et des artisans se fait sur le fondement de critiques réelles, fondées et qu’il faut entendre. Mais je ne pense pas avoir vu les artisans vouloir limiter le statut à 3 ou 5 ans. Cela ne répond pas à la question.

Pensez-vous que le gouvernement reconnaît sans le dire les mérites d’un système hérité de l’ère Sarkozy ?

J’espère bien. Quand j’entends tous les membres du gouvernement, jusqu’à la porte-parole en charge de l’égalité hommes-femmes dans les Echos de jeudi, dire à quel point ce gouvernement aime les entrepreneurs (cet article est un panégyrique pour l’esprit d’entreprise en France), je suis heureux. J’espère bien qu’ils reconnaissent que le statut d’auto-entrepreneur a fait beaucoup pour diffuser l’esprit d’entreprise dans notre pays.

La classe politique, dans son ensemble, est regardée avec circonspection par tous les citoyens de France pour savoir si oui ou non elle est capable de faire preuve de maturité et de responsabilité pour s’attaquer aux vrais problèmes de notre pays. Cela nous ferait du bien de voir de temps en temps nos représentants capables de se mettre d’accord sur quelques sujets, reconnaître qu’une chose, qu’elle vienne de droite ou de gauche, est positive.

L’accord sur l’emploi a été adopté devant l’Assemblée nationale il y a quelques jours.  L’UMP s’est abstenu, ce qui est dommage, car c’est une très bonne initiative de la gauche. Cette dernière pourrait également dire que le statut d’auto-entrepreneur a été très positif et reconnaitre que le bilan évoqué un peu plus tôt est positif sur tous les fronts.

Effectivement, il y a quelques points de consensus sur lesquels, si les représentants étaient capables de s’exprimer, nous pourrions rassurer les Français sur le fait que notre classe politique est au service de la nation, et pas au service des chamailleries de cours de récréation. Cela nous donnerait le sentiment qu’elle est à la hauteur des défis qu’elle est supposée relever.

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