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Insee : l’excédent migratoire discrétement mais fortement revu à la hausse
©Reuters

Le chiffre qui dérange

L'INSEE a dévoilé le chiffre du solde migratoire de la France pour l'année 2014. Il était de 106 000 personnes, soit près de 40 000 personnes de plus que les 61 000 individus indiqués en 2013. La politique du gouvernement en termes d'immigration est à revoir. Il ne sait pas gérer les migrants présents sur le territoire français.

Atlantico : L'INSEE a publié le solde migratoire de la France pour l'année 2014. Le chiffre donné était de 61.000 individus pour l'année 2013. En 2014, ce chiffre a été revu à 106.000 personnes. Est-ce que le précédent chiffre de 2013 n'était pas un peu irréaliste ? Ne traduit-il pas un aveuglement symptomatique de l'administration française en matière de politique migratoire ? 

Laurent ChalardLe solde migratoire officiel de la France étant calculé par défaut à partir des données des enquêtes de recensement, dont les résultats définitifs pour une année donnée ne sont connus que trois ans après (par exemple, pour l’année 2013 au 31 décembre 2016), cela signifie que le solde migratoire affiché par l’Insee lors du bilan démographique annuel présenté mi-janvier pour les trois dernières années précédentes repose sur des estimations dont la fiabilité est très limitée. L’Insee étant de nature prudent, il préfère mettre l’excédent migratoire à un niveau peu élevé plutôt que le contraire. C’est une sorte de tradition, la sous-estimation de l’excédent migratoire apparaissant comme moins risquée politiquement que le contraire. Rappelons que l’Insee se compose de fonctionnaires, qui ne souhaitent pas faire de vague, qui plus est sur un sujet extrêmement sensible. Plus qu’un aveuglement, il reflète surtout la volonté de ne pas être accusé de faire le jeu de l’extrême-droite, reproche, comme l’a montré la démographe Michele Tribalat, injustifié, qui a été fait par le passé à l’institut. Ce comportement prête à sourire aujourd’hui car qui reprocherait à l’institut statistique allemand de comptabiliser tous les migrants qui sont entrés sur son territoire en 2015 ?! En effet, il est difficile pour les politiques de mener une politique migratoire efficace s’ils ne sont pas informés sur la réalité des flux. En effet, étant donné que l’excédent migratoire de 2012 selon les enquêtes de recensement était très largement à la hausse (+ 90 000 personnes), donc sensiblement plus que le chiffre de + 61 000 personnes annoncé provisoirement pour l’année 2013, l’Insee aurait dû logiquement revoir à la hausse ses prévisions pour 2013 et les années suivantes. Espérons que ce sera le cas pour les estimations du solde migratoire pour l’année 2014, qui vont être publiées bientôt.

Savons nous ce que sont devenues ces personnes à partir du moment où elles sont arrivées en France ? Le gouvernement a-t-il efficacement appliqué sa politique migratoire pour gérer ces personnes ? 

Non, nous ne savons pas de manière satisfaisante ce que deviennent les personnes entrant sur le territoire français, dans le sens qu’il n’existe pas un suivi statistique personnalisé et systématique, contrairement à ce qui se fait dans les pays qui disposent de registre de population, où l’on sait très bien où les nouveaux arrivants légaux s’installent. En France, l’information statistique se fait de manière indirecte à travers les recensements de la population, c’est-à-dire plusieurs années après l’arrivée des immigrés en France, sous réserve que les gens soient bien recensés, ou par les services sociaux comme les CAF. Il est donc impossible de pouvoir dresser un tableau global des caractéristiques des nouveaux arrivants et de pouvoir déterminer leur parcours d’insertion professionnelle. Seules des études sur quelques individus existent, mais c’est très insuffisant.

Le gouvernement français n’a jamais mené de politique migratoire digne de ce nom depuis l’instauration du regroupement familial en 1976. A la fin des Trente Glorieuses, une fois l’immigration de travail terminée, nos dirigeants ont fait comme si la question ne se posait plus, l’intégration allant se faire d’elle-même pour les nouveaux arrivants relevant du regroupement familial ou du droit d’asile. En conséquence, c’est l’anarchie totale. Une fois que les gens rentrent sur le territoire français, on ne sait plus ce qu’ils deviennent, ils ne sont pas pris en charge par l’Etat, il n’y a pas de politique de formation ou tout simplement d’informations qui leur sont données sur les modalités de la vie en France. Les nouveaux arrivants sont obligés de tout apprendre sur le tas !

Quel est le poids que représente ces migrants pour l'économie française ? Peut-elle vraiment assurer un suivi et leur dispenser des formations pour les intégrer sur le marché de l'emploi ? 

Les immigrés constituent une part non négligeable de la main d’œuvre dans les domaines employant de la main d’œuvre peu qualifiée, comme le BTP, la restauration ou les services à la personne, en particulier dans les grandes métropoles, où il est de plus en plus difficile de trouver une main d’œuvre de natifs souhaitant exercer des métiers peu gratifiants et mal payés. Par exemple, l’urbaniste Olivier Piron a récemment montré dans un ouvrage que le système économique de la région Ile de France serait paralysé sans sa nombreuse main d’œuvre d’origine étrangère.

En théorie, la France dispose des moyens financiers et humains d’assurer un suivi des nouveaux arrivants et de leur dispenser des formations pour les intégrer sur le marché de l’emploi. Cependant, en pratique, c’est beaucoup plus compliqué car notre pays est dans l’incapacité depuis plusieurs décennies de créer suffisamment d’emplois pour la population déjà présente sur son territoire. Il s’en suit que l’immigration, dans un contexte de crise de l’emploi national, est très complexe à gérer, la politique d’insertion des nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi n’apparaissant pas consécutivement comme une priorité !

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