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Improvisation ? Le PS en pleine confusion sur le quotient familial
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Brumeux

Alors que Michel Sapin, Manuel Valls et Harlem Désir semblaient confirmer la suppression du quotient familial et son remplacement par l'octroi d'un crédit d'impôt, François Hollande fait marche arrière et ne parle plus que d'une simple modulation. Mais l'opposition au quotient familial révèle une vision ultra individualiste du couple et une confusion entre impôt sur le revenu et allocations familiales

Xavier Petitjean

Xavier Petitjean

Xavier Petitjean est responsable fiscal dans un important groupe mutualiste d'assurance. Auparavant il a été avocat fiscaliste chez Arthur Andersen International puis Ernst & Young.

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Cela fait deux fois, en seulement quelques jours, que François Hollande fait marche arrière. Pourtant, encore le 28 novembre dernier, sur BFM, il soutenait que, conformément au projet socialiste, il alignerait l'impôt sur le revenu sur la CSG afin de le rendre individuel et prélevable à la source, ce qui suppose l'abandon des dispositifs historiques que sont le foyer fiscal (quotient conjugal) et le quotient familial. Or, suite aux annonces en ce sens initiées par Michel Sapin et confirmées par le numéro 2 du PS, Harlem Désir et Manuel Valls, son porte-parole du candidat François Hollande, ce dernier a désavoué ses lieutenants, mardi après-midi, en réaffirmant son soutien à l'avantage fiscal que le quotient familial constitue et n'évoquant plus d'une simple "modulation".

Ces deux sujets sont suffisamment graves pour être pris au sérieux et cela mérite quelques éclaircissements.

L'opposition au quotient conjugal résulte d'une vision ultra-individualiste du couple

À en croire le projet du PS pour 2012, le quotient conjugal serait un facteur d'iniquité fiscale qui, en outre, pénaliserait le travail des femmes. Il s'agit là d'une vision pour le moins discutable de la vie conjugale. De la même façon, le raisonnement qui aboutit au postulat selon lequel la notion de foyer fiscal porterait préjudice au travail des femmes mériterait d’être développé pour espérer être convaincant.

Notre analyse est toute autre. La notion de quotient conjugal consiste, en effet, à considérer le couple pour ce qu'il est dans la réalité des faits : une communauté de vie et d'intérêts, un espace de droits et de devoirs, notamment d'assistance, espace dans lequel les conjoints affrontent ensemble les rebondissements imprévisibles que leurs réserve l'existence : mutation professionnelle, arrivée d'enfants déclenchant un temps partiel, voire une cessation temporaire d'activité, période de chômage ou de maladie, promotion à condition d'accepter une mobilité géographique, reconversion professionnelle, expatriation ... les aléas personnels et professionnels, qu'ils soient subis ou délibéremment choisis, sont innombrables mais un point commun les réunit tous : dans la quasi-totalité des cas, c'est le couple, en tant qu'unité de vie bicéphale, qui assume et qui gère ces situations.

Il est donc tout à fait logique et équitable que le couple soit l'unité fiscale de référence et non chacun des deux conjoints séparément. Concrètement, grâce au quotient conjugal, les revenus respectifs des conjoints sont mis en commun pour faire ressortir un revenu net imposable commun dans lequel sont mélangés les revenus de chacun, mais aussi, leurs pertes éventuelles. L'impôt sur le revenu du couple est alors calculé sur un revenu imposable moyen puis multiplié par deux. Les détracteurs du quotient conjugal critiquent le fait que ce phénomène de revenu moyen porte atteinte à la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu, ce qui génère subséquemment un avantage financier qui serait, selon eux, indû. Certes, dans les faits, le constat n'est pas discuté : là où X et Y désignent respectivement les revenus de chacun des deux conjoints pacsés ou mariés, il est généralement plus avantageux de payer deux fois l'impôt sur (X+Y)/2 qu'une première fois sur X puis une seconde fois sur Y.

Le nivellement du revenu imposable auquel aboutit le quotient conjugal a en effet pour conséquence de limiter les pics de taxation dans les tranches taxées aux taux les plus élevés. L'avantage fiscal sera donc d'autant plus important que les revenus perçus par chacun des conjoints sont différents, outre d'autres hypothèses plus complexes (par exemple, neutralisation d'un déficit BIC pour l'un avec le revenu TS de l'autre, mauvaise répartition des dépenses ouvrant droit à réductions ou crédits d'impôts, etc.). Néanmoins, cette critique relève d'une vision ultra-individualiste dans la mesure où elle feint d'ignorer que l'avantage du foyer fiscal est la contrepartie légitime de la solidarité qui existe entre conjoints et de la communauté de vie qu'il constitue, tant pour les gains que pour les dépenses. Et c'est sans compter les innombrables avantages sociaux (bourses, allocations, primes, etc.) ou fiscaux (taxe d'habitation, divers dispositifs fiscaux, etc.) qui sont accordés, eux-aussi, sans que personne ne s'en émeuve, sur la situation financière effective du couple et non des individus qui le composent.

En l'état actuel des propos du candidat François Hollande, le quotient conjugal ne serait plus remis en cause. Exit, par conséquent, la fusion totale de l'impôt sur le revenu avec la CSG : dorénavant, il ne parle plus que d'un "rapprochement". Malgré tout, la vigilance s'impose.

L'opposition au quotient familial relève d'une confusion entre impôt sur le revenu et allocation familiale

Michel Sapin a présenté la question de façon particulièrement perfide : "Aujourd'hui, un enfant de riche apporte une baisse d'impôt beaucoup plus importante qu'un enfant de pauvre. Est-ce normal ?". Procédé éminemment perfide, disais-je, car cela caricature immédiatement celui qui oserait répondre par l'affirmative. Et pourtant, il s'est trouvé, depuis 1945, des législateurs, de droite comme de gauche, soucieux de maintenir une politique nataliste, pour adopter puis maintenir dans le droit fiscal français ce que Michel Sapin semble pourtant réduire à une monstruosité inhumaine contraire au bon sens le plus élémentaire. Pourquoi ?

Initialement, le Parti Socialiste proposait de remplacer le quotient familial par un crédit d’impôt qui aurait été versé à tous les parents, indépendamment de leur situation fiscale. Selon une note publiée par la Direction du Trésor, ce crédit d’impôt par enfant aurait pu s’élever à 607 euros (montant uniforme). Cela revient néanmoins à créer une nouvelle allocation familiale, signe d’une confusion entre deux flux de nature différente.

Mais François Hollande a corrigé le tir : la suppression du quotient familial ne serait plus à l'ordre du jour mais uniquement sa réforme afin de le rendre plus juste. En ce sens, un plafonnement à cinq ou six fois le smic serait évoquée. Proposition bien floue puisqu'un plafonnement existe déjà, mais il s'exprime par demi-part. Faut-il comprendre que François Hollande souhaite un double plafonnement : un global et un par demi-part ? Le flou règne et cela sent l'improvisation à plein nez ...

Pour tenter de comprendre, rappelons tout d’abord que le quotient familial repose sur le même mode de calcul que le foyer fiscal présenté précédemment, même si l'état d'esprit qui le motive est légèrement différent : chaque personne à charge (les enfants, mais aussi, parfois, la présence au foyer d'handicapés ou d'ascendants) attribue des parts de quotient familial (entre 0 et 1, selon les cas) qui sont prises en compte pour le calcul d'un revenu net imposable moyen par part. Le phénomène mathématique est alors identique à celui du foyer fiscal : plus le nombre de parts augmente, plus le revenu net imposable moyen est faible et donc, moins la cotisation d'impôt sur le revenu est importante. Pour la bonne forme et l'exactitude de mes propos, précisons malgré tout que le bénéfice fiscal résultant du dispositif du quotient familial est plafonné à 2.336 euros par demi-part.

Espérons que François Hollande se fera plus précis dans les prochains jours afin de dissiper des doutes qui ne le crédibilisent pas.

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