Le porno rendra-t-il la capote sexy ? Ou la capote détruira-t-elle le porno ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le porno rendra-t-il la capote
sexy ? Ou la capote détruira-t-elle
le porno ?
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Prévention

Mauvais coup pour l’industrie pornographique : le conseil municipal de Los Angeles, au cœur de la Porn Valley, envisage d’obliger les acteurs à porter des préservatifs lors des tournages. L’obligation de se protéger peut-elle lancer une mode et faire de la capote un accessoire sexy ? Ou va-t-elle dénaturer ce cinéma ?

Grégory Dorcel

Grégory Dorcel

Directeur général des productions Marc Dorcel, Grégory Dorcel est producteur de films pornographiques. Fils du fondateur du célèbre studio, il a considérablement développé l'entreprise autour d'internet et des produits dérivés.

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Atlantico : Après la remise d’une pétition forte de 370 000 signatures par des activistes anti-Sida, le conseil municipal de Los Angeles va probablement organiser un référendum consultatif sur l’obligation pour les acteurs pornographiques de porter des préservatifs.
La systématisation du port du préservatif peut-elle en faire un accessoire sexy, de la même manière que les épilations sont popularisées par les films pornographiques ?

Grégory Dorcel : Le préservatif est un élément quotidien de la sexualité. Or, pour être excitant, un film X doit être proche de la réalité.  

De là à en faire un objet d’érotisme, il y a un grand pas. Techniquement parlant, il est peu probable que ce soit sexy, du moins pour les hommes. Cela étant, les nouvelles générations perçoivent le préservatif comme rattaché à la chose sexuelle. Et un préservatif est censé ne quasiment pas se voir, et fait partie de la vie quotidienne. Il doit donc s’effacer – comme il le fait dans l’intimité – le plus possible, à la fois visuellement et sur le plan des sensations.

Au final, il importe peu au client. Évidemment, si vous mettez un préservatif vert et fluo dans la nuit, c’est comme dans la vie privée : l’effet risque d’être particulier…

Quelle votre position sur le port du préservatif ?

J’ai du mal avec la notion d’obligation, et je le dis avec d’autant plus de légitimité que Marc Dorcel a délibérément choisi d’imposer le port du préservatif à tous ses acteurs, sans avoir subi de pression de quiconque. En France, le port du préservatif n’est pas obligatoire (même si les chaînes françaises, pour respecter les recommandations du CSA, ne diffusent que des films X qu’avec préservatifs).

De plus, tous nos médias sont gracieusement assortis des messages de prévention de l'association Aides. Et effectivement, en tant que producteur, je refuse de prendre un quelconque risque pour les acteurs et actrices qui travaillent pour nous.

En revanche, je n’accepte pas qu’on me l’impose. Les tests systématiques permettent de mettre de côté les arguments sanitaires. Sur l’ensemble du milieu du X, depuis que le sida a été découvert, il me semble qu’il n’y a eu que trois cas de contamination, qui d’ailleurs étaient liés à la vie privée des acteurs.

Rendre obligatoire le port du préservatif dans les films X ne permet-il pas de promouvoir et de banaliser son utilisation ?

Je comprends tout à fait ce raisonnement, dont le but est très noble. Mais il souffre de graves incohérences. Si l’obligation du port du préservatif dans les films X a pour but de promouvoir la protection contre le Sida, pourquoi ne pas l’imposer dans tous les films grands publics, dont l’audience est bien plus large, lorsqu’il y a une scène de sexe ? Dès lors, pourquoi ne pas montrer un préservatif lorsqu’un couple s’apprête à faire l’amour ? L’impact serait beaucoup plus large si l’on voyait Will Smith sortir un préservatif avant d’avoir un rapport sexuel, plutôt qu’un acteur X qui sera vu par 5 000 personnes au maximum.

Par ailleurs, les films X sont réservés aux plus de 18 ans. Or l’éducation sur le port du préservatif est censée commencer avant... Il est absurde de supposer que les films pornographiques ont une visée didactique.

L’argument ne tient pas. En général, ce sont les ligues de vertu qui se cachent derrière ces soi-disant préoccupations de santé publique.

Vous imposez le préservatif lors des tournages depuis plus de dix ans. Pourtant, l’industrie Dorcel ne semble pas en avoir souffert. Pourquoi ?

Parce que nous imposons le préservatif sans le crier sur les toits. Les associations qui ont voulu rendre le port du préservatif obligatoire dans l’industrie de films gays – qui n’est pas notre domaine -  ont fait une erreur de communication. Ce faisant, elles ont suscité la création d’un courant opposé, d’un mouvement qui revendique le tournage sans préservatif. Les producteurs ont présenté cela comme un atout pour se mettre en avant. On a fini par s’en servir comme un argument marketing. En conséquence, malgré les bonnes intentions des associations, il semble aujourd’hui très difficile de vendre un film gay avec préservatif, contrairement à ce qui se passe dans le film hétéro.

Or lorsqu’on n’en fait pas un sujet, le préservatif ne rebute personne. La preuve, dans la vie privée, pour toute personne normalement constituée, ce n’est pas un problème.

Vos films s’exportent-ils malgré le port du préservatif ?

Nous sommes le premier vendeur européen et exportons nos films dans le monde entier, y compris aux Etats-Unis, où nous sommes la boîte de production européenne numéro 1. Jamais qui que ce soit ne nous a reproché le port du préservatif. Ce qui a donné lieu à des situations plutôt drôles : les distributeurs nous ont déjà dit que les films avec préservatifs étaient invendables, en ajoutant que les nôtres se vendaient très bien… sans noter qu’ils étaient tournés avec préservatif.

Imposer le préservatif aux acteurs pornos, n’est-ce pas les priver de plaisir ?

Il est vrai que c’est une bataille avec certains acteurs. Une moitié est gênée par la chose, l’autre s’en réjouit et demande le port du préservatif. Mais je préfère qu’il y ait un inconfort des acteurs plutôt que de prendre un risque.

L’actrice Katsuni parle d’une atteinte aux  « droits les plus fondamentaux » à la « liberté d'expression » et compare l’idée à une remise du sort du porno « entre les mains du Vatican ». Pensez-vous également que le fait d'obliger les acteurs à se protéger est une atteinte aux droits de l’homme ?

Katsuni est basée aux Etats-Unis. Ses déclarations s’adressent donc probablement aux ligues de vertus américaines – pour montrer que ces dernières se cachent derrière un pseudo-problème de santé publique. 

Propos recueillis par AN

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