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Le populisme, c’est maintenant… ou jamais : petit traité sociologique pour comprendre pourquoi les candidats de rupture n’ont pas intérêt à rater 2017
©Reuters

Dernière chance

L'électorat de Donald Trump et du candidat autrichien d'extrême droite Norbert Hofer est principalement masculin, peu éduqué et âgé de plus de 50 ans. Au regard des évolutions démographiques et sociologiques à venir, les droites populistes, en Europe comme aux Etats Unis, pourraient perdre leur solide assise électorale et disparaître du paysage politique.

Atlantico : D'après une récente enquête, l'électorat du candidat "d'extrême droite" autrichien à l'élection présidentielle, Norbert Hofer et de Donald Trump aux Etats-Unis partagent, d'un point de vue sociologique-démographique, de nombreuses similitudes : il s'agit d'un électorat essentiellement masculin, peu éduqué (sans diplôme universitaire) et âgé de plus de 50 ans. Au regard de ce profil et des évolutions démographiques à venir, dans quelle mesure la droite populiste (en Europe comme aux Etats-Unis) peut-elle de souffrir d'un déficit électoral dans les prochaines années ? 

Laurent Chalard : Etant donné les caractéristiques socio-démographiques de la base électorale de la droite populiste en Autriche et aux Etats-Unis, si l’on part de l’hypothèse qu’elle n’évoluerait pas dans le futur, il s’avère effectivement que cette base a de fortes chances de se réduire à moyen-terme. En effet, la population âgée, qui finira par décéder, serait remplacée par des jeunes générations beaucoup moins sensibles aux sirènes des idées populistes, d’autant que leur niveau d’éducation est plus élevé que celui de leurs aînés, la poursuite d’études supérieures, rare chez les personnes âgées de plus de 50 ans, se généralisant chez les jeunes générations.

Cependant, rien n’est moins sûr, car le Front National en France constitue un contre-exemple, qui montre qu’il faut éviter les conclusions hâtives en sociologie électorale reposant sur une corrélation entre seulement deux pays, en particulier concernant la stabilité de la base électorale d’un parti, cette dernière évoluant avec le temps. En effet, a contrario de l’Autriche et des Etats-Unis, l’électorat du Front National, principal parti de droite populiste en France, est aujourd'hui constitué majoritairement de jeunes actifs, alors que les retraités sont les plus rétifs à ce vote, donc les choses ne sont pas aussi simples.

Par ailleurs, une hausse du niveau de diplômes ne signifie une moindre tentation vers le populisme, que sous réserve qu'elle corresponde réellement à une élévation du niveau culturel des individus, ce dont on peut douter grandement, l'effondrement culturel des jeunes générations, constaté dans l’ensemble du monde occidental, étant plutôt propice au renforcement de toutes les formes de populisme. Contrairement à ce qui était le cas par le passé, la corrélation entre augmentation du pourcentage de diplômés dans une population et progression de son niveau culturel n’est plus aussi systématique aujourd’hui qu’auparavant.

Quelles sont les autres évolutions démographiques susceptibles de jouer en défaveur de la droite populiste ? En quoi la métropolisation, et l'arrivée de nouvelles générations électorales, pourraient-elles jouer en défaveur de ces courants ?

Aux Etats-Unis comme en Europe occidentale, l’arrivée à l’âge adulte de générations comprenant un pourcentage de plus en plus important d’électeurs issus de l’immigration, du fait de la poursuite continue de cette dernière depuis plusieurs décennies, des processus de naturalisation, de leur jeunesse moyenne et de leur natalité plus importante, joue très largement en défaveur de la droite populiste.A l’heure actuelle, les minorités ethniques sont minoritaires dans l’électorat, d’autant qu’elles s’abstiennent beaucoup plus que les autochtones. Si elles sont en mesure de faire basculer le résultat d’une élection lorsque cette dernière se joue sur le fil, comme ce fut le cas pour l’élection présidentielle en Autriche, elles ne constituent pas encore la masse de l’électorat d’un parti.

Or, dans le futur, les choses pourraient changer et ce dès les prochaines élections présidentielles aux Etats-Unis, du fait d’une part des minorités ethniques dans l’ensemble de la population sensiblement plus importante qu’en Europe occidentale, ce qui fait douter de nombreux observateurs de la capacité du candidat populiste des Républicains, Donald Trump, à remporter ces élections, sauf vote massif de la communauté blanche pour lui, car les populations non blanches devraient voter d’un seul homme pour le candidat Démocrate.

Concernant la métropolisation, c’est-à-dire le processus de concentration des hommes et des activités dans les plus grandes agglomérations des pays développés, il joue aussi, a priori, contre la droite populiste, puisque c’est dans ces territoires qu’elle fait ses plus mauvais scores, alors que les zones rurales et les petites villes où elle prospère, ont tendance à voir leur population progresser moins rapidement, voire décliner, réduisant d’autant son potentiel électoral.

Cependant, la croissance de ces grandes agglomérations étant uniquement le produit de l’immigration internationale et de ses effets positifs sur leur taux de natalité, cette évolution apparaît consécutivement plus liée à la démographie qu’aux dynamiques territoriales. En gros, les générations issues de l’immigration concentrées dans les grandes métropoles ont une démographie beaucoup plus dynamique que les autochtones installés dans les campagnes et les petites villes.

Pensez-vous que la droite populiste va changer de stratégie ? Comment s'y prendrait-elle ?

Il est évident que les dirigeants des partis de la droite populiste en Autriche et aux Etats-Unis ont compris tout l’intérêt qu’ils auront à changer de stratégie à moyen-terme dans l’optique d’accroître leur base électoral.

Ils vont donc probablement tenter de diversifier leur base électorale, en cherchant à séduire les jeunes générations, les femmes (particulièrement rétives aux discours extrémistes), voire même une partie des populations issues de l’immigration, en s’inspirant probablement du Front National français. Ce dernier parti constitue un exemple de transformation d’une base électorale à l’origine plutôt âgée et masculine, en une base jeune et plus ouverte aux femmes, même si l’électorat masculin domine toujours. La stratégie de féminisation et de rajeunissement de sa direction, avec à sa tête Marine Le Pen et le rôle important joué par sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, a adouci l’image extrémiste et vieillie du parti et donc permis d’élargir sa base électoral, en séduisant plus de jeunes et de femmes que Jean-Marie Le Pen. Parallèlement, la transformation du discours en éliminant la référence à la race, pour la remplacer par une référence nationale, l’adhésion à un projet et à un ensemble de normes culturelles, a pour objectif d’essayer de récolter des votes dans l’électorat issu de l’immigration extra-européenne, avec, jusqu’ici, peu de succès cependant.

Propos recueillis par Emilia Capitaine 

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