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Le PLF 2018 à la lumière des travaux du prix Nobel d'économie 2017 : peut nettement mieux faire
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Fin de la récré

Le prix Nobel d'Economie attribué à Richard Thaler est un grand millésime car la pensée de cet économiste est fort intéressante et permettra d'ailleurs d'interpréter nos choix issus de l'impact des mesures qui feront l'ossature du budget pour 2018.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Adepte de la " finance comportementale ", Richard Thaler a démontré que l'acteur économique n'est pas rationnel et que des forces contradictoires se meuvent en lui. C'est une vraie révolution de pensée au regard de milliers d'ouvrages qui prenaient pour postulat la rationalité sans faille de l'homo œconomicus.

Non, nos choix ne sont pas toujours logiques ou éclairés.

Oui, Richard Thaler a raison d'avoir écrit dès 2008 : " l’homo œconomicus des manuels d’économie ne possède ni le cerveau d’Einstein, ni les capacités de mémorisation du Big Blue d’IBM, ni la volonté du Mahatma Gandhi. "

Tout d'abord, nous pouvons être victimes de biais cognitifs c'est-à-dire prendre des décisions sur le fondement d'informations tronquées voire erronées. Cette propension à l'erreur par défaut de savoir est fondamental dans notre société du XXIème siècle où l'information est pouvoir. A l'heure du big data, Thaler démontre que notre comportement peut être le plus souvent influencé par le " nudge ".

Autrement dit , par un " coup de pouce " ou encore par un " paternalisme libertarien " qui repose sur le mécanisme des incitations psychologiques. Dans la sphère privée le nudge management se répand depuis une petite dizaine d'années car il demande peu de ressources et, à l'inverse, améliore la productivité en venant renforcer l'efficacité de nos actions.

Il y a près de 40 ans, un livre cité par Raymond Barre et écrit par la chercheuse Suzanne Quiers-Valette s'intitulait L'incitation: elle démontrait que le système fiscal est nécessairement incitatif et influence lourdement l'allocation des ressources définie par Robert Musgrave dans sa Théorie des finances publiques.

A l'heure où le nouvel ISF nommé IFI est sur le point d'être voté, il est évident que les approches combinées de Richard Thaler, Robert Musgrave et Daniel Kahneman ( neuro-économiste ) vont se coaliser pour nous permettre de comprendre le chamboule-tout qui attend le secteur de l'immobilier de rendement. 

1 ) Première observation, la fracture patrimoniale qui va s'établir entre les assujettis à l'IFI et les anciens contribuables soumis à l'ISF ( et désormais " libérés " sic ) va enclencher la fonction d'allocation des ressources de Musgrave. Le panachage interne entre différents supports d'épargne au sein des foyers fiscaux va être brassé et redéfini selon des modes où l'irrationnel aura son rôle.

2 ) A ce sujet, il faut relever les progrès théoriques des chercheurs en neurosciences appliquées à la sphère économique et citer les travaux instructifs de Kahneman.

Pour lui, nous sommes caractérisés par la coexistence de deux " systèmes " : le premier est à la fois prompt, répétitif et assez automatique. En clair, le système 1 c'est la pensée rapide qui veut vite faire émerger une solution et écarte le dédale qu'impose la logique ou la RHD (réflexion hypothético-déductive). Typiquement, c'est le cas du propriétaire d'un bien locatif qui va le vendre, aussi vite que possible, pour ne pas tomber sous le joug de l'IFI.

Le système 2 qui a son siège dans le cortex est défini par sa relative lenteur, par ses élucubrations et autres " pensées complexes " pour prendre une référence dans le large spectre lexical du président Macron.

" Le système 2 a la capacité de raisonner, de résister aux suggestions du système 1, de ralentir les choses, de faire preuve d’analyse logique. Mais il n’intervient que contraint et forcé. C’est pourquoi, la plupart du temps, le système 2 se contente de valider les scénarios d’explication qui viennent du système 1 : il est plus facile de glisser vers la certitude que de rester campé sur le doute " selon Daniel Kahneman  (Philosophie Magazine, mars 2013).

3 ) Pour être bref, ce glissement vers la certitude sera impossible avec le PLF 2018 qui est un mélange hybride d'inspirations économiques contradictoires. On nous dit que l'on va freiner la course de l'impôt mais il apparait de plus en plus de taxes et autres décisions qui altèrent la cohérence du projet de loi.

Thaler et Kahneman s'insurgent contre la simplification abusive des questions à résoudre, contre le penchant pour le court-termisme : or, ce budget excite précisément ses travers de la pensée humaine tant la crainte de se faire " avoir " l'emporte sur le raisonnement.

4 )  L'envie de bâtir des hypothèses de choix patrimoniaux s'estompe devant le format de la massue fiscale. Un spécialiste de l'épargne, comme le rigoureux Philippe Crevel ( Cercle de l'Epargne ), sera en mesure de nous expliquer les déplacements de flux d'ici à 12 mois. Et ils ne seront pas négligeables si l'on pense au secteur du meublé, des SCPI ( la pierre papier ) ou même les actions car il a été confirmé que les actions de foncières cotées ( telle Unibail ) seraient soumises à l'IFI du fait de l'activité principale exercée par ces firmes. 

5 ) Dernier point où Thaler et le PLF 2018 sont face à face. Le prix Nobel d'économie est parvenu à démontrer que le citoyen est majoritairement attaché à ce qu'il détient par opposition à un gain hypothétique.

En clair Thaler valide l'adage : " Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ! ".

Il nomme cette façon de vivre " l'effet de dotation ". C'est là où la sémantique est parfois l'univers du clin d'œil. Pour sauver ces dotations budgétaires, chaque ministère est prêt à faire tout et son contraire tandis que l'effet de dotation du contribuable le rendrait plutôt casanier s'il n'y avait toutes ces mesures ( tabac, diesel, IFI, taxe inondation, etc ) qui vont l'obliger à des arbitrages sous contrainte.

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