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Le recyclage du plastique est une mesure essentielle.
Le recyclage du plastique est une mesure essentielle.
©Eric CABANIS / AFP

Pollution et recyclage

Contrairement à ce que Rosalie Mann expliquait dans une tribune au journal Le Monde, le plastique n’est pas que le grand ennemi de l’environnement que certains y voient.

Kako Naït Ali

Le Dr Kako Naït Ali est ingénieur et docteur en chimie des matériaux.

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Atlantico : Vous avez réagi sur Twitter à la tribune « La pollution plastique est un fléau qu’il ne faut surtout pas recycler, mais éradiquer » publiée dans Le Monde. Qu’est-ce qui vous a posé problème dans cette tribune ?

Kako Naït Ali : Ce qui me dérange, c’est qu’une personne fondamentalement anti-plastique puisse publier dans Le Monde une tribune dans laquelle elle raconte absolument n’importe quoi. Nous pouvons légitimement nous demander si le Monde a effectué une relecture ou une vérification sérieuse de cette tribune. Imaginons que je fasse l’éloge du plastique dans une nouvelle tribune. Le Monde va-t-il la publier ? La question mérite d’être posée. Ce n’est pas parce que cette personne fait partie d’une ONG que son opinion doit prévaloir sur les faits. Les médias sont responsables de ce qu'ils mettent en ligne et, dans ce cas précis, nous faisons face à un problème de déontologie évident, d’autant plus que les opinions avancées dans cette tribune sont facilement vérifiables.  

Avancer que le plastique crée des microplastiques pendant toute sa durée de vie et qu’on en consomme 5 grammes par semaine est profondément choquant. C’est totalement faux. De plus, cela inquiète de nombreuses personnes. À titre d’exemple, des mères de famille me demandent régulièrement si elles empoisonnent leurs nourrissons en leur donnant le biberon. Je trouve cela affolant. Il faut avoir en tête une chose : ce type de tribune a des conséquences sur les personnes qui les lisent. Ces dernières risquent de prendre de mauvaises décisions car elles sont mal informées sur le sujet. 

Dans cette tribune, on lit que le port de vêtements affecte les pores de la peau qui absorbent des microplastiques. Ces microplastiques peuvent pénétrer le corps humain via les voies respiratoires lorsqu’on les ingère, mais certainement pas la peau. Dans cette tribune, on peut également lire que le plastique affecte tout particulièrement les femmes puisqu’elles absorberaient plus facilement les toxines présentes dans les plastiques que les hommes… Il y a un amalgame entre plusieurs sujets qui n’ont rien à voir les uns avec les autres pour en conclure que les plastiques sont dangereux. Ce n’est pas sérieux. 

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En somme, tout ce qui est avancé dans cet article va à l’encontre de ce qui est démontré dans la littérature scientifique. Il est possible que l’auteure de cette tribune ait été touchée par un certain nombre d’articles ou par des images d’animaux tués ou blessés par des déchets plastiques, mais ce n’est pas le sujet. À force de se focaliser sur ces images, on oublie que le plastique est essentiel au sein de notre société, qu’il faut lutter contre la pollution générée par notre usage et non contre le matériau en lui-même. Surtout, avec ce type de tribune, tout le travail réalisé au niveau du tri des déchets est relégué au rang de « petites mesures », ce qui est complètement contre-productif. 

Quelle est la réalité de la pollution plastique ?

En Europe, une petite partie de nos déchets se retrouvent dans la nature. Il y a également des fuites tout au long du cycle de vie du plastique, de la production au recyclage. Ce phénomène est bien réel. Pourtant, quand on regarde ce qui se passe ailleurs, en Asie notamment, on remarque que notre impact est relativement faible parce que nous disposons d’un système de traitement des déchets certes encore très perfectible mais plus efficace. On pense souvent à l’impact du plastique sur le long-terme, puisqu’on nous répète que le plastique met énormément de temps à se dégrader dans la nature. C’est une réalité. Mais la problématique est ailleurs. La vraie problématique est que le plastique rejeté dans la nature est parfois ingéré par des animaux, ce qui peut occasionner leur décès. Il y a donc un impact direct sur la biodiversité sur le très court-terme. Ensuite, contrairement à ce qu’on entend régulièrement, le plastique se dégrade très vite par l’effet de l’eau, des vagues … Cela crée des microparticules, ce qui est moins problématique pour la biodiversité même si cela génère un impact indéniable en termes de pollution. Ces plastiques, qui sont la plupart du temps relativement poreux, sont infiltrés par diverses substances, qui seront ensuite transportées un peu partout. Le plastique peut donc se transformer en vecteur, en transporteur. Ensuite, si les microplastiques ne semblent pour le moment pas avoir d’impacts majeurs sur l’environnement, le phénomène de bioaccumulation n’a pas été démontré scientifiquement. Cela signifie que lorsque les microplastiques sont ingérés par les êtres vivants, ils ressortent dans leur immense majorité par les voix naturelles. Les études se focalisent sur l’accumulation de résidus dans les organismes et le corps gumain ainsi qu’à l’effet des nanoplastiques, difficiles à étudier et dont les effets sont encore peu connus. Pour conclure, on peut dire que la pollution plastique a été extrêmement médiatisée, mais pas forcément de la bonne manière.  

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Dans quelle mesure le recyclage du plastique est-il utile voire essentiel, contrairement à ce qu’en dit l’auteur de la tribune publiée dans Le Monde

Le problème est qu’il y a un amalgame entre le matériau, les plastiques, et l’usage : l’emballage alimentaire.  

Le terme « plastique », ou « les plastiques » d’un point de vue général, concerne les roues de voiture, la peinture présente sur ces voitures, la résine utilisée dans les pales éoliennes… Cela concerne tout ce qui est synthétisé par l’homme et utilisé comme polymère synthétique. De manière générale, quand on utilise des plastiques dans le secteur médical, de l’automobile ou de la construction, cela sert à alléger les structures ou les protéger, ce qui est aussi valable pour les professionnels de santé et les patients.  

De l’autre côté, la principale fonction des emballages est aussi de protéger les consommateurs. Cette fonction est extrêmement importante. Dans certaines conditions, on peut réduire les emballages, mais pour cela, il faut modifier notre manière de consommer. Par exemple, si j’achète de la viande chez le boucher, il faut la consommer sous 2/3 jours maximum. Si je l’achète emballée sous vide, la durée de consommation augmente. Le gaspillage alimentaire a lui un impact environnemental très important ! Et dans le secteur de la santé, le jetable a permis d’éviter les problématiques liées à la stérilisation. Le plastique a donc des fonctions très précises. Si nous souhaitons en réduire l’usage ou s’en passer, il faut le prendre en compte. 

En somme, le plastique est un matériau qui possède une vraie utilité. Un monde sans plastique est un monde avec des voitures plus lourdes, et donc qui consomment plus, qui se corrodent, qui sont moins sécurisées … C’est un monde sans éolienne, sans panneaux solaires … En somme, c’est un monde qui n’est pas forcément souhaitable. Quand on parle de plastique, je ne suis pas sûre que tout le monde ait ces points en tête. 

Pour retrouver la tribune de Rosalie Mann publiée dans Le Monde : cliquez ICI

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