Le phénomène Ovni : sont-ils déjà là ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un panneau publicitaire le long de la route américaine 95, le 21 juillet 2019, à Amargosa Valley, dans le Nevada.
Un panneau publicitaire le long de la route américaine 95, le 21 juillet 2019, à Amargosa Valley, dans le Nevada.
©David Becker / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Bonnes feuilles

Trinh Xuan Thuan  a publié « Mondes d'ailleurs, Sommes-nous seuls dans l'univers ? » aux éditions Flammarion. Existe-t-il des planètes comparables à la Terre ? Hébergent-elles la vie ? La pluralité des mondes fascine les savants depuis des millénaires. Trinh Xuan Thuan mène l'enquête pour tenter de briser le silence du cosmos. Extrait 2/2.

Trinh Xuan  Thuan

Trinh Xuan Thuan

Trinh Xuan Thuan est astrophysicien, professeur à l'université de Virginie aux États-Unis. Depuis La Mélodie secrète qui le fit connaître en 1988, il a publié une vingtaine d'ouvrages, salués par le Prix Kalinga de l'Unesco et par le Prix mondial de la Fondation Cino Del Duca. En mai 2021, il donnera une série de cours à l'université de Genève sur la pluralité des mondes, dans le cadre d'une chaire « Science et spiritualité ».

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Malgré le manque de preuves proprement convaincantes, certains continuent de croire dur comme fer que la Terre a été visitée par des extraterrestres. Ils attribuent l’absence d’évidence à un complot gouvernemental : celui-ci aurait dissimulé ou effacé toute preuve de telles visites, par peur d’une panique générale de la population, ou afin de garder secrets les matériaux et la technologie des extraterrestres et ainsi construire des armes inédites.

Ces explications ne tiennent pas la route : pourquoi la population paniquerait-elle si une grande partie d’entre elle (près de la moitié des gens aux États-Unis selon les sondages) croit déjà en l’existence des aliens ? Quant à l’argument de l’exploitation de la technologie extraterrestre, il n’est pas non plus très solide : la nôtre apparaîtrait tellement arriérée, en comparaison d’une civilisation qui aurait su franchir les distances interstellaires, qu’essayer d’utiliser la technologie trouvée dans leurs vaisseaux spatiaux pour fabriquer des armes militaires serait comme demander à un homme de Cro-Magnon de construire une machine à calculer à partir d’un ordinateur portable qui lui serait tombé entre les mains !

Une autre raison est souvent invoquée pour le manque d’évidence concernant la présence d’extraterrestres sur Terre : le désintérêt et l’indifférence générale supposés de la communauté scientifique pour le sujet. Celle-ci est accusée de ne pas prendre au sérieux les témoignages sur les ovnis et autres visites d’extraterrestres. Mais cet argument ne tient pas non plus debout : la majorité des scientifiques sont au contraire fascinés par la possibilité d’un contact avec une intelligence extraterrestre.

Pour la plupart des chercheurs, il ne fait aucun doute que la découverte d’extraterrestres serait celle qui aurait le plus d’impact scientifique, technologique et philosophique dans l’histoire de l’humanité. Tout scientifique serait fier d’y contribuer. Seulement, les preuves qui vérifient les exigences scientifiques sont désespérément absentes. Ainsi, personne n’a jamais pu exhiber un quelconque artefact extraterrestre. Malgré tous ses satellites de surveillance, l’U.S. Air Force n’a jamais pu repérer un engin ou un débris spatial susceptible d’être d’origine extraterrestre. Bien sûr, l’absence de preuves n’est pas preuve de l’absence, mais, pour l’instant, il n’existe aucune évidence scientifique qu’un petit homme vert nous ait jamais rendu visite !

L’ARGUMENT DE FERMI

À LA CANTINE DE LOS ALAMOS

C’est justement cette absence totale de preuve qui est à l’origine de ce qu’on a appelé le « paradoxe de Fermi ». Le physicien italo-américain Enrico Fermi (1901-1954) est l’un des esprits les plus brillants du XXe siècle. Il a émigré aux États-Unis en 1938, lors de la montée du fascisme en Italie, et a reçu le prix Nobel de physique la même année pour ses travaux sur la radioactivité et le neutrino.

Un jour de l’été 1950, alors que Fermi se rendait à la cantine du laboratoire de Los Alamos au Nouveau-Mexique en compagnie de ses collègues, le physicien Edward Teller (1908-2003) et le mathématicien John von Neumann, la conversation tourna sur le sujet des extraterrestres : dans la presse locale de l’époque, il y avait en effet de nombreux rapports d’observation d’ovnis et autres soucoupes volantes.

Le physicien italo-américain Enrico Fermi fut le père du premier réacteur nucléaire et joua un rôle important dans le projet Manhattan, qui développa la bombe atomique. Sa fameuse question « Si les extraterrestres sont partout dans l’Univers, pourquoi ne nous ont-ils pas encore rendu visite ? », appelée « paradoxe de Fermi », n’en finit pas de faire débat.

Teller et von Neumann avançaient la possibilité que des sociétés très avancées puissent exister en grand nombre dans la Voie lactée. Leur raisonnement était simple : il y a dans notre galaxie une multiplicité de planètes habitables, où des civilisations considérablement plus âgées que la nôtre ont pu fleurir.

En effet, l’âge du Système solaire est de 4,5 milliards d’années, alors que celui de la Voie lactée est de l’ordre de 13 milliards d’années. Si nous ne disposons pas encore de la capacité technologique pour entreprendre des voyages interstellaires, des civilisations plus avancées auraient certainement pu le faire. Dans ce cas, avec une avance de 8 milliards d’années sur notre planète, certaines civilisations auraient eu pleinement le temps de coloniser toutes les planètes qui nous sont familières, y compris la nôtre.

Comment s’opérerait une telle colonisation ? À la manière des navigateurs polynésiens, qui ont conquis les îles du Pacifique en progressant d’une terre à une autre. De même, les extraterrestres coloniseraient l’espace en s’avançant d’une planète à une autre. Ils débarqueraient sur une première planète, la coloniseraient et, après plusieurs générations, quand la colonie aurait atteint sa maturité et la population un seuil critique, ils enverraient une nouvelle expédition pour coloniser une seconde planète, et ainsi de suite.

Fort de ce raisonnement, combien de temps faudrait-il pour coloniser entièrement la Voie lactée ? A priori, on pourrait penser que, pour accomplir une tâche aussi fantastique, l’éternité ne suffirait pas. En fait, la colonisation pourrait se faire en un rien de temps, car le nombre de planètes colonisées augmenterait de manière exponentielle. Par exemple, que les colonisateurs possèdent des fusées allant à 1 % de la vitesse de la lumière, et que chaque colonie ait besoin d’un intervalle de temps de 5 000 ans pour envoyer la prochaine expédition, eh bien, la Voie lactée entière serait colonisée en 100 millions d’années, soit environ 2 % de l’âge du Système solaire : un battement de cils dans l’histoire cosmique !

DES ALIENS, UN PARADOXE

Fermi répondit à ces spéculations sur les extraterrestres de façon laconique :

« Si ceux-ci existaient et disposaient de tout le temps voulu pour construire leurs vaisseaux spatiaux et venir nous rendre visite, ils seraient déjà ici, sur Terre, parmi nous. Alors, pourquoi ne sont-ils pas là ? »

Cette apparente contradiction constitue ce qu’on appelle le « paradoxe de Fermi ».

Nous avons jusqu’ici discuté la colonisation de la Voie lactée (et l’exploration de la Terre) par des extraterrestres en chair et en os. Mais il existe aussi la possibilité que ces derniers, au lieu d’accomplir eux-mêmes ces voyages interstellaires, envoient à leur place des machines-robots. Ces dernières seraient capables de se multiplier et de s’auto-répliquer en exploitant les ressources de chaque planète colonisée. Elles sont appelées, nous l’avons vu, des « machines de von Neumann ». Une fois une première vague de machines robots lancée vers une poignée de systèmes stellaires proches, celle-ci se propagerait de système stellaire en système stellaire pendant les millions d’années suivants, de sorte à coloniser toute la Voie lactée.

Le physicien américain Frank Tipler (1947-) a très justement remarqué que la possibilité d’employer des machines pour des migrations interstellaires donne encore plus de force à l’argument de Fermi : notre galaxie devrait être envahie par des machines de von Neumann, puisqu’elles constituent un moyen efficace de coloniser la Voie lactée, à la fois sur les plans logistique et économique. Le fait qu’elles soient absentes ici-bas (nous n’avons jamais repéré d’artefact extraterrestre) pose problème et conforte le paradoxe de Fermi. Nous pouvons très bien imaginer les raisons pour lesquelles les extraterrestres n’ont pas eu envie de s’embarquer dans des expéditions interstellaires, mais moins facilement pourquoi ils n’ont pas envoyé des machines-robots à leur place.

UNE PLÉTHORE DE SOLUTIONS

Alors, quelle est la solution au paradoxe de Fermi ? Comment expliquer que les extraterrestres ne soient pas déjà parmi nous ? Il est évident que les réponses apportées à ces questions nous éclaireront sur la condition humaine et sur notre place dans l’Univers.

Pléthore de solutions ont été avancées. Elles se répartissent en trois catégories principales : 1) nous sommes les seuls dans l’Univers ; l’intelligence est un phénomène tellement rare qu’elle n’a pu émerger qu’une seule et unique fois, sur Terre ; 2) il existe d’autres intelligences extraterrestres dans l’Univers, mais elles n’ont pas voulu ou pas pu coloniser la Voie lactée ; les plus évoluées se sont assemblées en un club de civilisations galactiques ; toutefois, les membres de ce club n’ont aucun désir d’entrer en contact avec nous, car nous sommes encore trop peu évolués ; et 3) de nombreuses civilisations extraterrestres ont existé dans le passé, mais elles se sont toutes autodétruites avant de pouvoir coloniser les étoiles. Examinons tour à tour chacune de ces catégories de réponses. Nous verrons qu’elles présentent à leur façon des perspectives radicalement différentes.

SOLITUDE COSMIQUE

Le premier type de réponse – nous sommes les seuls dans le cosmos – est sans doute le plus simple. C’est probablement celui que privilégiait Fermi. Toutefois, il heurte notre intuition, car il va contre le principe copernicien. Ce dernier n’est pas une loi de la nature, mais plutôt une sorte de règle empirique. Il exprime l’idée que l’homme n’occupe pas de place privilégiée dans le cosmos. En effet, depuis que Copernic a délogé la Terre de sa position centrale dans l’Univers en 1543, les découvertes astronomiques n’ont cessé d’amoindrir notre place dans le cosmos. Notre astre, le Soleil, n’est pas au centre de la Voie lactée, comme on le songeait, mais une étoile ordinaire, quelque part dans la banlieue galactique, parmi les centaines de milliards d’étoiles que contient notre galaxie. Et la Voie lactée s’est perdue à son tour parmi les quelques centaines de milliards qui peuplent l’Univers observable…

L’homme n’est donc plus au centre de l’Univers. Sa place dans le cosmos, à la fois dans l’espace et le temps, n’est en aucun cas privilégiée. Si la Terre ne se distingue par aucune propriété particulière, pourquoi serait-elle la seule planète à héberger la conscience ? Voilà qui paraît vraiment improbable. Si c’est le cas, le programme SETI serait un total gaspillage de temps, d’argent et d’énergie.

Extrait du livre de Trinh Xuan Thuan,  « Mondes d'ailleurs, Sommes-nous seuls dans l'univers ? », publié aux éditions Flammarion

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