Pacte de responsabilité : dans quelle proportion le niveau de prélèvements français empêche-t-il les entreprises tricolores de devenir des géants mondiaux ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Pierre Gattaz et le pacte de responsabilité
Pierre Gattaz et le pacte de responsabilité
©Reuters

Encore un peu d'effort !

Pour Marc Simoncini, le fondateur de Meetic, le niveau d'impôts en France est un frein au développement international des entreprises françaises. Provoquant une hausse des coûts de production, leur compétitivité s'effondre face à celle de leurs principaux concurrents.

Bernard Marois

Bernard Marois

Bernard Marois est Docteur en Sciences de Gestion et professeur émérite en finance à HEC ainsi que Président du Club Finance HEC qui réunit plus de 300 professionnels de la finance.

Il est  également consultant auprès de grandes banques et d'organismes internationaux et travaille dans le domaine du "private equity" à travers un fonds d'amorçage dédié aux "start-ups".

Il a publié plus d'une vingtaine d'ouvrages dont Les meilleurs pratiques de l'entreprise et de la finance durables, à l'automne 2010.

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Atlantico: Quelle responsabilité le niveau d'impôts (impôt sur les sociétés mais aussi cotisations sociales) en France porte-t-il dans les problèmes de compétitivité du pays ? Dans quelles proportions nuit-il à la compétitivité des entreprises françaises à l'international ?

Bernard Marois: C'est bien évidemment un des éléments qui empêchent les entreprises françaises de grossir, et donc à s'internationaliser. Mais il y a, à mon avis, deux éléments plus graves encore qui nuisent à la compétitivité des entreprises françaises. Commençons par le manque de marges financières des entreprises françaises qui sont au plus bas depuis trente ans, en particulier dans l'industrie. Les entreprises qui ne dégagent pas de marges ne peuvent donc pas investir, et ainsi se développer à l'international, car s'internationaliser implique des investissements lourds.

La deuxième raison qui limite le développement des entreprises françaises concerne l'insécurité dans les domaines de la règlementation et de la fiscalité dont les entreprises souffrent tout particulièrement depuis ces deux dernières années. Les lois changent sans arrêt, les entreprises doivent consacrer un temps non négligeable à se tenir informées sur les nouvelles réglementations en vigueur, etc. A cela s'ajoute une législation traditionnelle déjà bien compliquée, adossée à un droit du travail extrêmement complexe.

Les effets de seuil limitent aussi la croissance des entreprises, eux aussi très compliqués au regard de leur nombre. Il est parfois plus facile pour une entreprise de conserver une taille limitée plutôt que de chercher à croître, et de devoir ainsi affronter tous ces changements réglementaires.

Pour en revenir sur la fiscalité des entreprises, passer à un taux de 38% alors que d'autres pays ont entamé une réduction de ce taux... Le message du gouvernement français à l'égard de ses entreprises n'est pas trop porteur, vous en conviendrez.

Les prélèvements qui pèsent le plus sont les prélèvements globaux. On peut effectivement, aussi, identifier les prélèvements liés aux allocations familiales, à la sécurité sociale, etc. A la limite peu importe, ce qui compte, c'est le niveau des prélèvements deux à trois fois supérieur à ceux de la Grande-Bretagne ou de l'Allemagne. Quand on parle de fiscalité, il faut donc bien prendre en compte les impôts directs et les cotisations. C'est ce niveau global de la fiscalité qui freine le développement des entreprises, notamment à l'international, provoquant une augmentation des coûts de production. Cela explique donc la perte de compétitivité de nos entreprises, mais également la stagnation de notre croissance.

La situation a-t-elle eu tendance à s'améliorer ou à s'aggraver ces dernières années ? Pour quelles raisons ?

La tendance est à l'aggravation comme je l'ai dit précédemment en parlant de la hausse de l'impôt sur les sociétés.

On pourrait néanmoins rétorquer que des aménagements ont été faits, dans la mesure où les entreprises disposent du crédit-impôt recherche, mais qui existait déjà avant ; l'effet est donc assez limité. La fiscalité a été un peu modifiée, mais ne s'est pas du tout améliorée en termes de tendance générale.

Cette situation tient aux décisions des gouvernements successifs qui ont fait reposer sur les entreprises une partie de plus en plus importante de la charge de contribuer aux recettes fiscales. En 2012, nous avons eu un début de rééquilibrage vers les contribuables, les entreprises ayant vu leurs charges fiscales augmenter moins vite, au détriment donc des ménages. Mais globalement, les prélèvements à l'égard des entreprises n'ont cessé d'augmenter depuis vingt ans: au niveau français, leur niveau global atteint 47% du PIB, pour lequel les entreprises participent de manière importante.

Les mentalités sont-elles en train d'évoluer sur ce point ?

Le gouvernement, après avoir mis beaucoup de temps, vient de se rendre compte que ce sont les entreprises qui créent les emplois à partir du moment où elles sont en mesure de se développer. L'emploi n'est pas quelque chose qui se décrète, c'est le résultat d'une croissance. Or cette dernière ne peut avoir lieu que si l'on relâche les contraintes qui pèsent sur les entreprises. Tel est un peu l'effet du pacte de responsabilité dont nous avons beaucoup parlé ces derniers jours.

Le pacte de responsabilité annoncé par François Hollande aux entrepreneurs français pourrait-il aider les entreprises à jouer davantage à armes égales avec leurs concurrents à l'international ?

Là encore, il convient de revenir à l'analyse que je faisais au début : le plus gros frein à la compétitivité des entreprises françaises réside dans la faiblesse des marges bénéficiaires des entreprises. Tant qu'elles ne seront pas restaurées, il est clair que les entreprises ne seront pas prêtes à prendre des risques pour se développer en France ou à l'international. Pour cela, il faut relancer la croissance française, et à cette fin, il convient que la compétitivité des entreprises françaises soit améliorée, d'où la baisse des prélèvements et de la fiscalité indispensable.

Si les mesures du pacte de responsabilité étaient véritablement mises en œuvre, je suis certain que les entreprises françaises pourraient jouer, à armes égales, avec leurs concurrents à l'international. Faire basculer une partie des cotisations, notamment celles relatives à la famille, qui ne devraient pas être supportées par les entreprises, devrait faire gagner entre 5 et 6% de compétitivité aux entreprises françaises, et donc induire dans les mêmes proportions une augmentation de leurs marges bénéficiaires. Le seul problème, c'est qu'exiger en contrepartie des créations d'emplois est totalement stupide car ce ne sont pas les entreprises qui créent des emplois naturellement; elles ne le font que si elles se développent en termes de marché.

Le problème, jusqu'ici, a été pris à l'envers pour des raisons politiques car nos dirigeants souhaitent satisfaire un électorat de gauche en lui disant qu'il s'agit là d'une mesure qui va relancer l'emploi. Au bout du compte, bien sûr, mais fixer des objectifs chiffrés d'embauche, c'est absolument ridicule. Il s'agit là, non pas de décisions macroéconomiques, mais microéconomiques au niveau des entreprises.

Une harmonisation de la fiscalité à l'échelle européenne pourrait-elle améliorer la situation française ? S'agit-il d'une piste réaliste ?

En l'état actuel des choses, l'harmonisation signifierait l'augmentation du niveau de fiscalité des autres Etats-membres afin qu'il soit similaire à celui de la France. L'inverse est impossible actuellement pour la France tant qu'elle ne sera pas lancée dans une politique de réduction des dépenses publiques. Or pour les autres Etats-membres, l'harmonisation signifie bien une réduction du niveau d'imposition général. La moyenne européenne des prélèvements est à environ six ou sept points en-dessous du niveau français. Certains pays comme la Grande-Bretagne sont à dix ou douze points en-dessous du niveau français !

L'harmonisation passerait d'abord, vraisemblablement, par l'instauration d'un système de fourchettes, fixant les seuils minimal et maximal d'imposition que les Etats-membres devraient respecter. Ainsi, les pays ayant des fiscalités importantes devraient les diminuer tandis que ceux ayant une fiscalité relativement faible devraient l'augmenter un peu, comme l'Irlande. Un tel processus prendra du temps bien-sûr.

Quels sont les travers français qu'une refonte de la fiscalité sur les sociétés ne pourrait pas corriger ? Comment les dépasser ?

Le principal travers français que nous connaissons bien est l'établissement de niches fiscales à tort et  à travers. Cela entraîne une certaine injustice: les grandes entreprises pratiquant une certaine forme d'optimisation fiscale sont plus habiles pour passer entre les mailles du filet. Nous nous retrouvons alors avec une fiscalité affichée élevée, mais qui n'est pas répartie de façon juste. Les PME faiblement internationalisées payent ainsi plus d'impôts que les grandes sociétés notamment. Or, ce ne sont pas les entreprises du CAC 40 qui vont créer des emplois, mais bien les entreprises de taille moyenne ou les petites entreprises performantes. Tout notre système fiscal, et notamment celui des niches fiscales, devraient donc être remis à plat. 

Propos recueillis par Thomas Sila

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