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Le macronisme, une version revue, boostée et corrigée du hollandisme
©Reuters

Hollande 2.0

L'héritage hollandiste dans le macronisme n'est plus à prouver, mais il est plus complexe qu'une simple filiation et transmission des valeurs et modes de gouvernance, tout comme il est plus qu'un meurtre oedipien du père.

Nicolas Prissette

Nicolas Prissette

Nicolas Prissette est chroniqueur sur LCI, ancien rédacteur-en-chef adjoint au service politique du JDD. Il a publié Les Bobards économiques, en collaboration avec Hervé Nathan (Hachette Littérature, 2009) et Emmanuel Macron, En marche vers l'Elysée (Plon, 2016).

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Atlantico : Quelles sont les caractéristiques du macronisme et en quoi diffère-t-il réellement du hollandisme ?  Peut on considérer que le macronisme serait une forme plus aboutie du hollandisme, intégrant d'une part une forme de solennité et d'incarnation du pouvoir ( célébration au Louvre), mais également une alliance avec le centre (qui était pourtant possible dès 2012 entre François Bayrou et François Hollande) ?

Maxime Tandonnet : Le macronisme est avant tout un libéralisme, sous tous ses aspects. Sur le plan économique, il est favorable à l'entreprise, à la concurrence, à l'allègement des contraintes et des charges. Mais ce libéralisme se manifeste aussi sur les questions de société: diversités des familles, libre circulation, féminisme. Il est aussi franchement favorable à la construction européenne, sans réserves ni limites à ce sujet. Sa pensée semble assez proche de celle de Giscard d'Estaing élu président de la République en 1974, lui aussi relativement jeune (48 ans). François Hollande n'était pas sur cette ligne au moment de son élection. Il voulait taxer les hauts revenus à 75%. Sa ligne était nettement plus à gauche sur les questions économiques et sociales. Il représentait le parti socialiste ce qui n'est pas le cas de Emmanuel Macron. Quant à leur conception du pouvoir présidentiel, c'est difficile à dire. Tous deux attachent, dans le discours, une grande importance à l'image présidentielle et aux symboles. François Hollande prônait l'exemplarité. Souvenons nous de son fameux "moi président..." Macron place lui aussi l'assainissement de la vie publique au cœur de ses priorité. Le vrai sujet tient à la pratique, la façon dont cet engagement est tenu. Il est bien sûr trop tôt pour évaluer Macron à cet égard... Quant à la ligne centriste, on n'est pas du tout dans le même cas de figure. Il y a là une différence sensible. Hollande voulait conserver une posture marquée à gauche, notamment s'incarnant dans la personnalité de Mme Taubira, mais aussi M. Hamon et M. Montebourg. Macron est sur une toute autre ligne, clairement favorable à une ligne centriste et non socialiste. Il ne se réclame pas d'une politique de gauche, mais ni droite ni gauche. 

Nicolas Prissette : Le macronisme est une expression récente et propre aux analystes de la vie politique. Lui-même bien entendu ne l'emploie pas. L'essentiel du macronisme par rapport au hollandisme est qu'il considère qu'il est nécessaire de dépasser les clivages. Il y a l'idée chez Macron qu'on peut trouver à gauche et à droite des convergences de vue objectives. Et ce sur l'analyse et les remèdes appropriés. L'analyse faite par Macron c'est qu'aucune alternance depuis la fondation de la Ve République n'a réussi à tenir ses objectifs du fait du clivage actuel. Et cela s'est accru récemment, surtout avec une incapacité de plus en plus forte à lutter contre le chômage. Une enquête du Cevipof récente montrait qu'il y avait une volonté de consensus politique majoritaire pour résoudre les difficultés du pays. Macron a concrétisé cette analyse en créant son parti. 

En cela il est différent non seulement du hollandisme mais de la culture politique de la Ve République entière. S'il y a une convergence entre les deux hommes, c'est aussi certainement parce que Macron a marqué le quinquennat de Hollande. Ils ne commencent pas sur les mêmes bases. La participation de Macron ces dernières années portait déjà les prémisses. C'est donc à mon avis plus dans ce sens que cela peut être analysé aujourd'hui. 

Quels sont les points communs entre les deux lignes, ou, quelles sont les divergences réelles de ces deux approches ? La volonté de passer par les ordonnances concernant la réforme du droit du travail n'est elle pas également le signe que le macronisme est un hollandisme ayant appris de ces erreurs passées? 

Maxime Tandonnet : La grande faiblesse du quinquennat de François Hollande fut la place donnée à la communication au détriment de l'action. On se souvient notamment de son intervention télévisée maladroite dans l'affaire Léonarda, de ses prises de paroles hasardeuses sur la baisse du chômage, de ses annonces sur la déchéance de la nationalité après les attentats du Bataclan, puis de ces livres de confidences ui ont définitivement sabordé son image. L'enjeu essentiel, pour M. Macron est de rompre avec cette logique et de donner la priorité à l'action et aux résultats sur la parole et les gestes emblématiques. Il est impossible de dire aujourd'hui s'il y parviendra. Sur les grands sujets de préoccupation des Français, M. Macron doit aussi parler à la France périphérique, qui attend une protection de l'Etat face à l'insécurité, des assurances en matière d'autorité de l'Etat, de lutte contre la violence, de maîtrise des frontières.  Cet aspect régalien de la mission de l'Etat n'est pas celui avec lequel M. Macron est le plus familier. Il va bien falloir qu'il s'y mette... M. Macron est libéral, mais la France ne l'est pas dans ses profondeurs. Il doit donner des gages de sa volonté de pratiquer une politique industrielle et d'intervention de l'Etat si nécessaire pour protéger les emplois menacés. S'il ne prend pas garde à ces aspects de la politique, il risque d'attiser le vote protestataire et de colère, aussi bien de droite que de gauche. 

Nicolas Prissette : Il faut bien voir que Hollande n'a pas fait ce que Macron voulait pousser pendant le quinquennat. Le Président sortant a bloqué la Loi Travail, l'a édulcorée. 

Si on prend des éléments concrets, on a deux modèles différents. Hollande commence par une grande conférence sociale qui aboutit à l'accord national interprofessionnel de janvier 2013. La méthode de Macron est différente. Il commence à régler la question sociale par ordonnances.  La sociale-démocratie à la Macron n'est pas, comme pour Hollande, une sociale-démocratie intégrale. Il accepte les négociations (par exemple pour les retraites) mais pas pour le Code du Travail. Ce qui pose une question du point de vue de la Loi Larcher. En matière budgétaire, Hollande n'a tenu aucun de ses objectifs et il a fallu attendre deux ans pour qu'il montre un visage plus volontariste, là où Macron prend les devants. Sur le fiscal, Macron promet la stabilité, contrairement avec un plan d'augmentation massif des impôts. 

On verra évidemment ce qu'il en est dans les faits, mais les annonces montre clairement un changement de cap. 

Inversement, quelles sont les failles du macronisme, qui pourraient découler elles mêmes du hollandisme ? Quels sont les points, aussi bien sur le plan économique, européen, géopolitique, pour lesquels Emmanuel Macron, comme François Hollande avant lui, passent à côté de l'essentiel ?

Maxime Tandonnet : Leur point commun est le libéralisme sur le plan des questions de société. Le mariage pour tous était un point fondamental du programme de M. Hollande. M. Macron ne se distingue en rien de celui-ci. Sur la conception de la République par rapport à la reconnaissance de la diversité, le soutien aux minorités, l'égalité, la lutte contre les discriminations, ils sont sur une ligne proche. En matière d'éducation nationale aussi, l'un a voulu recruter 60 000 professeurs, l'autre veut généraliser les classes de 12 élève en zone d'éducation prioritaire. Il me semble en revanche que M. Macron attache une plus grande importance à l'orthodoxie financière, la tenue des comptes, la lutte contre les déficits publics. Il est davantage pro-européen que M. Hollande à cet égard. Il y a donc des points communs et des différences. M. Macron veut tenir compte des erreurs de M. Hollande dans l'exercice de la fonction présidentielle. Quand il parle d'une présidence "jupitérienne", il veut réagir en anti-Hollande. Ce dernier ce mettait constamment en scène, prenait la parole quasiment tous les jours, occupait en permanence l'espace médiatique. Cette forme « d'hyper présidence » surmédiatisée lui a beaucoup coûté en termes d'images. Il a provoqué un sentiment de saturation, de rejet, devenant le président le plus impopulaire de l'histoire. M. Macron veut changer ce mode de fonctionnement en étant beaucoup plus discret et en raréfiant ses apparitions.  

Nicolas Prissette : Sur le plan européen, Macron promet de faire ce qu'il conseillait de faire à l'Elysée, et qui n'a pas été fait. Il s'agit bien entendu de l'intégration autour d'un noyau dur européen. Il est volontariste sur ce sujet. On a un gage d'intention plus fort que ce qu'on avait il y a cinq ans. C'est plus clair aussi. Le plan Juncker, avec son faux keynésianisme européen a montré ses limites. Il y a donc des points communs sur l'européanisme, mais Macron veut éviter la situation qu'a connu la France sous Hollande, quand elle a du par deux fois aller négocier avec l'Allemagne parce qu'elle dépassait les objectifs de déficit. 

Sur le plan de l'action extérieur, il y a une continuité absolue, parce que le programme de Macron a été corédigé par les équipes de Le Drian, sauf sur la programmatique relative au service militaire, qui est intégralement nouvelle. 

Nicolas Prissette :

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