Le jugement majoritaire : solution miracle contre l'abstention ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le mode de scrutin, parfois jugé inadapté, est aussi un moteur de l'abstention.
Le mode de scrutin, parfois jugé inadapté, est aussi un moteur de l'abstention.
©Reuters

Aux urnes !

Au lieu de choisir un seul candidat, le jugement majoritaire demande aux électeurs d'évaluer les mérites de chacun des candidats sur une échelle de mentions (très bien, bien, passable, à rejeter etc.). Un mode de scrutin qui a le mérite de redonner la parole aux citoyens.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Scrutin après scrutin, élection après élection, il est le parti qui ne cesse de progresser : celui des abstentionnistes. La tendance n’est pas nouvelle mais, à l’exception des présidentielles pour lesquelles les Français continuent bon an mal an de se rendre aux urnes, elle est régulière depuis 40 ans. De 20% à 25% dans les années 70 aux élections municipales, le taux d’abstention est aujourd’hui proche des 40%.Inférieur à 20% à la même époque aux législatives, ce chiffre a doublé lors des dernières élections de 2012.

La faute à la crise de confiance des citoyens vis-à-vis de la chose politique, à la difficulté de plus en plus grande des partis politiques à convaincre, à la faiblesse - parfois même l’indigence - des programmes proposés aux électeurs… Tous ces arguments sont pertinents pour expliquer cette désaffection des citoyens pour le vote. Mais le mode de scrutin, parfois jugé inapte par les électeurs à exprimer réellement ce qu’ils pensent, est aussi un moteur de l’abstention. La discussion toujours vive sur l’introduction d’une dose plus ou moins grande de proportionnelle aux législatives notamment, ou l’apparition du débat sur la réelle prise en considération du vote blanc sont de parfaites illustrations de la frustration d’une partie des citoyens et du besoin de rechercher des systèmes plus représentatifs que notre traditionnel scrutin majoritaire à deux tours.

Deux mathématiciens, Rida Laraki et Michel Balanski, professeurs et chercheurs au sein de l’Ecole polytechnique qui gère en marge de son enseignement une vingtaine de labos de sciences appliquées, vont plus loin en tentant de promouvoir un nouveau mode de scrutin, plus fidèle selon eux aux nuances des opinions des électeurs. Baptisé « le jugement majoritaire », ce système propose à l’électeur de voter, non par le choix d’un seul candidat, mais en appréciant chacun des candidats en leur attribuant une mention : « excellent », « passable », « à rejeter » etc.

L’objectif pour les deux scientifiques est de venir à bout de ce qu’ils considèrent comme plusieurs défauts du scrutin majoritaire. D’abord limiter le jeu des candidatures multiples chez l’adversaire pour l’emporter (le syndrome de Lionel Jospin écarté du deuxième tour de la présidentielle de 2002), puisqu’en mesurant la moyenne des appréciations des électeurs sur tous les candidats, le nombre de ces derniers n’a pas d’incidence sur le nom du gagnant. Autre avantage, l’électeur peut exprimer ses opinions dans toutes leurs nuances sur chacun des candidats. Plus question alors de voter « utile » à contrecœur, par exemple.

Plusieurs démocraties utilisent déjà des modes de scrutin parfois radicalement différents de celui de la France. L’Australie pour élire sa chambre des représentants et l’Irlande - plusieurs grandes municipalités aussi, comme celle de San Fransisco - font ainsi appel à un vote par classement des candidats, le vote dit « alternatif ». Mais s’il permet à l’électeur de se prononcer sur l’ensemble des candidats, il n’évite pas le paradoxe de Condorcet (au 18ème siècle, le mathématicien français définit le paradoxe qui porte désormais son nom, où A est préféré à B, B est préféré à C, mais C est préféré à A…).

Dans certains cas, le système de vote nécessite même des ordinateurs pour calculer et rendre le verdict des électeurs. C’est par exemple le cas dans les cantons suisses de Zürich, d’Argovie et de Schaffhouse avec le mode de scrutin « bi-proportionnel »  (« double Pukelsheim »). Ce système très complexe permet à chaque parti d’obtenir un nombre d’élus proportionnel au nombre de voix global qu’il a obtenu, tout en garantissant à chaque arrondissement un nombre d’élus, toutes étiquettes politiques confondues, proportionnel à son importance géographique et à sa population. Le vote reste simple pour l’électeur, mais le calcul du résultat impose d’utiliser un algorithme.

Le mode du « jugement majoritaire » est bien plus facile à appréhender. Les deux chercheurs de l’Ecole polytechnique avaient proposé au Parti Socialiste de l’utiliser pour les primaires qui devaient désigner le candidat du PS aux présidentielles de 2012, sans succès. Ils s’apprêtent désormais à le présenter à l’UMP pour les prochaines primaires en vue de l’élection de 2017, mais sans illusion. Quel que soit le parti politique, les candidats veulent d’abord garder la main sur l’élection et un mode de scrutin nouveau pourrait rendre le vote, certes plus démocratique, mais surtout moins prévisible.

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