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Le grand rejet : 73% des Français ne souhaitent en aucun cas que François Hollande ne soit élu, 66% Nicolas Sarkozy, 63% Marine Le Pen
©Reuters

L’herbe est plus verte ailleurs

Selon un sondage Ifop pour Atlantico, de tous les candidats putatifs à l'élection présidentielle, Alain Juppé est le seul à ne pas souffrir du rejet de plus de la moitié de la population française. En effet, "seuls" 42% des Français interrogés ne souhaitent en aucun cas qu'il soit élu président de la République.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Atlantico : Quels sont les principaux enseignements de ce sondage ?

Jérôme Fourquet : Nous avons essayé de renverser le regard et d'avoir un sondage différent de ce que l'on fait habituellement. Nous avons interrogé les Français sur les personnalités pour lesquelles ils ne voudraient en aucun cas voter. Cela permet de mesurer le niveau de rejet dont souffrent les différents candidats putatifs. C'est aussi une dimension dont il faut tenir compte et les résultats de cette enquête permettent de comprendre un certain nombre de tendances. 

Parmi la douzaine de personnalités testées, on s'aperçoit qu'une seule seulement ne souffre pas du rejet de plus de la moitié des Français : Alain Juppé. Il est le seul à ne pas avoir un potentiel de rejet supérieur à 50%. "Seulement" 42% ne veulent en aucun cas qu'il soit élu président de la République. Ce résultat permet de comprendre le fait qu'Alain Juppé, bien que ne suscitant pas d'engouement spectaculaire dans l'opinion, soit bien placé dans les sondages. En effet, il existe deux façons de procéder : soit une personnalité suscite un fort engouement et entraine derrière elle, soit elle ne suscite pas d'engouement, mais dans un contexte où tous les autres sont rejetés, le fait que cette personnalité ne souffre pas d'un rejet majoritaire lui permet de surnager. Ainsi, dans un paysage politique où le niveau de rejet et d'exaspération vis-à-vis des différents candidats est important, Alain Juppé est moins rejeté que les autres. On voit donc que la popularité d'Alain Juppé est une popularité de raison plus que de passion. 

A l'autre extrémité de l'éventail, François Hollande est de loin la personnalité dont les Français rejettent le plus l'élection (et donc, en ce qui le concerne, la réélection). Quasiment 3 Français sur 4 (73%) ne souhaitent en aucun cas qu'il soit élu. Par ailleurs, 36% des sympathisants PS ne souhaitent aujourd'hui en aucun cas qu'il soit élu, soit 1/3 de son électorat. Cela apparait comme un handicap assez insurmontable pour lui pour l'instant.

De tous les candidats testés, Alain Juppé est le seul à ne pas susciter le rejet de plus de 50% des Français. De son côté, François Hollande est la personnalité qui provoque la plus forte animosité : 73 % des Français ne souhaitent en aucun cas sa réélection, un score plus élevé que pour la candidate du Front national. Qu'est ce que cela traduit du climat de rejet et d'exaspération vis-à-vis du politique en France ? 

Bruno Cautrès : Il faut tout d’abord remarquer que pour l’ensemble des 12 personnalités politiques testées dans le sondage de l’IFOP les pourcentages de réponses marquant le souhait de ne les voir "en aucun cas" être élu président de la République sont élevés, voire très élevés : entre 73% (pour F. Hollande) et 42% (A. Juppé). Des personnalités qui n’ont jamais été ministres ou n’ont jamais eu de grandes responsabilités exécutives sont également touchées par ce rejet (N. Dupont-Aignan par exemple) ou encore des personnalités qui veulent incarner le renouveau (Bruno Le Maire avec un rejet de 60%, Emmanuel Macron avec 51%). Même Marie Le Pen, qui pourtant souhaite incarner la critique du "système", suscite un rejet de la voir être élue présidente de la République de 62%, un pourcentage presque équivalent à celui obtenu pour Jean-Luc Mélenchon (64%). Si le souhait de ne pas voir un homme politique être élu ne mesure pas l’intention de vote ou l’intérêt des électeurs pour cette personnalité, cet indicateur montre néanmoins bien le formidable rejet dont souffrent les élus. Les données du sondage de l’IFOP viennent en écho de la défiance politique que nous mesurons année après année dans le cadre du Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF. Malgré les différences dans le niveau du rejet, on ne sent aucun fort enthousiasme pour une personnalité politique. Le "désir d’avenir" ne semble pas être au rendez-vous de la présidentielle de 2017 ; il est frappant de constater que même les "nouvelles pousses" de la vie politique française n’obtiennent pas une adhésion à la hauteur du renouveau qu’ils pensent incarner. Nous sommes dans une époque de grande insatisfaction démocratique. Cette donnée devrait être fondamentalement prise en compte par celui ou celle qui sera finalement élu. 

Les personnalités dont l'élection à la présidence de la République suscite le moins de rejet sont premièrement Alain Juppé (42%), deuxièmement Emmanuel Macron (51%) et troisièmement François Bayrou (53%). Comment l'expliquez-vous ? Qu'est-ce que cela traduit de l'attente des Français en termes d'offre politique ? 

Jérôme Fourquet : Suite au meeting d'Emmanuel Macron, un débat a vu le jour sur la possibilité que Hollande se représente et que Macron soit candidat. 51% des Français ne voteraient pas pour le ministre de l'Economie (ce qui est quand même beaucoup). Mais cela signifie aussi qu'1 Français sur 2 n'exclut pas de le faire. Macron est après Juppé la deuxième personnalité la moins rejetée. Par ailleurs, il réalise des scores très proches de ceux de Bayrou, ce qui n'est pas étonnant, dans la mesure où les personnalités ayant des positions assez centrales ne suscitent certes pas d'engouement mais pas non plus d'antagonisme virulent. 

Bruno Cautrès : Notons tout d’abord que cet ensemble de trois personnalités se caractérise par le leur positionnement de centre droit ou de centre gauche. Il s’agit de personnalités perçues par les Français comme moins clivantes. Mais cette interprétation n’est pas totalement satisfaisante puisqu’une personnalité beaucoup plus clivante comme Arnaud Montebourg figure juste derrière avec un pourcentage de 54% de Français qui ne souhaitent en aucun cas qu’il soit élu président de la République. C’est donc davantage la posture d’outsiders ou de relative rupture avec leur camp qui semble leur bénéficier : le combat qui oppose Alain Juppé à Nicolas Sarkozy, celui de François Baryou contre le même Nicolas Sarkozy et plus globalement sa posture de briseur des institutions de la Vème république, tout comme dans le cas d’Arnaud Montebourg avec son exit spectaculaire du gouvernement en 2014 et son combat pour une VIème république. Enfin, inutile de dire, dans le contexte récent, qu’Emmanuel Macron veut également se poser en "briseur de codes" au sein de la gauche et en "trublion" du gouvernement. 

Au sein des sympathisants PS, ils sont 36% à ne souhaiter en aucun cas une réélection de François Hollande. Vers quel(s) candidat(s) cet électorat pourrait-il se replier dans l'hypothèse où François Hollande se représente ? 

Jérôme Fourquet : François Hollande bénéficie quasiment du même niveau de rejet au sein des sympathisants PS (36%) qu'Alain Juppé (33%) et François Bayrou (40%). Dit autrement, Juppé et Bayrou disposent d'un potentiel équivalent à celui de Hollande. Cela veut sans doute dire qu'une part non négligeable de l'électorat PS a déjà fait une croix sur Hollande et se prépare éventuellement à soutenir un candidat de substitution qui ne serait pas de sa famille politique d'origine, à savoir Bayrou ou Juppé.

Bayrou, pour l'instant, est prisonnier de sa promesse de soutenir Juppé. Si Juppé est le candidat LR, Bayrou n'a normalement pas vocation à faire campagne et se présenter. Lorsque Bayrou en 2007 a fait un score de 18,5% au premier tour, cela était en parti dû à l'apport d'électeurs de gauche qui ne se reconnaissaient pas en Ségolène Royal et estimaient que même si Bayrou ne correspondait pas entièrement à ce qu'ils pensaient, il était le moins éloigné de leurs idées et le seul à pouvoir barrer la route à Nicolas Sarkozy. Au sein de l'électorat PS, le rejet de François Hollande étant quasiment le même que celui de Juppé et Bayrou, un phénomène identique à celui de 2007 pourrait se produire : des électeurs de gauche pourraient choisir de voter soit pour Juppé soit pour Bayrou pour faire barrage à l'extrême droite et à la droite dure parce que selon eux, le PS incarné par François Hollande ne sera pas en mesure de faire ce travail.

Bruno Cautrès : Ce qui caractérise le groupe des sympathisants socialistes dans ce sondage, c’est la quête d’un candidat de remplacement pour François Hollande. Certes, au sein de ce groupe ils ne sont "que" 36% à ne souhaiter en aucun cas une réélection de F. Hollande (ce qui est en fait beaucoup). Mais on voit qu’ils ne rejettent Emmanuel Macron qu’à hauteur de 37% et plus frappant encore qu’ils ne rejettent François Bayrou qu’à 40% et Alain Juppé qu’à…33% ! Le sympathisants socialistes rejettent donc moins l’élection comme président de la République de l’actuel maire LR de Bordeaux que de l’ancien leader du PS…Quant aux candidats de la gauche, ils suscitent des taux très élevés (Cécile Duflot ou Jean-Luc Mélenchon) ou assez élevés (Arnaud Montebourg) de rejet par les sympathisants socialistes de leur élection comme président de la République. Il s’agit là d’une différence fondamentale avec les sympathisants LR qui n’expriment pas de fort rejet de voir Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy être élus et plus encore avec les sympathisants du FN dont seuls 12% (sans doute des sympathisants de Jean-Marie Le Pen plus que du FN) rejettent l’élection à la présidence de Marine Le Pen. 

Quels sont les autres enseignements de ce sondage ? 

Jérôme Fourquet : Un certain nombre de candidats : Dupont-Aignan, Duflot, Sarkozy, Mélenchon, Le Pen, enregistrent un rejet d'environ 2/3 des Français. Ces Français sont d'horizons divers, gauche et droite confondues. Il est intéressant de voir que Marine Le Pen souffre d'un niveau de rejet un peu moins important (3 points) que Nicolas Sarkozy. Là aussi, on peut en tirer un certain nombre d'enseignements. 

Il est également intéressant de voir comment les choses s'organisent chez les Républicains. Sur l'ensemble des Français, Nicolas Sarkozy est beaucoup plus rejeté qu'Alain Juppé (66% contre 42%). En revanche, ¼ de l'électorat LR ne veut pas de Nicolas Sarkozy et la même proportion ne veut en aucun cas entendre parler de Juppé. On voit donc que c'est assez polarisé. Néanmoins, ces scores, sont inférieurs à ce que l'on observe au sein des sympathisants PS au sujet de François Hollande. 

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