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Le Gouvernement ne réussira pas sans les territoires
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Tribune

Tribune de François Sauvadet, ancien ministre et vice-Président de l'UDI.

François  Sauvadet

François Sauvadet

François Sauvadet est Président du Conseil Général de Côte d'Or, vice-président de l'UDI et ancien Ministre de la Fonction Publique.

 

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Après avoir déçu les élus régionaux et fâché les élus départementaux, Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont fait le grand chelem avec les maires. Trois à la suite.

Les deux têtes de l'exécutif ont en effet réussi le tour de force de mécontenter et décevoir les représentants des communes.

Alors que les mauvaises nouvelles s'accumulent pour les collectivités locales depuis 2012, les maires espéraient que le Chef de l'Etat les avait entendus et qu'il ne viendrait pas les mains vides en conclusion de leur congrès annuel.

Les maires sont donc déçus.

Comme les présidents de région et les présidents de département avant.

Les patrons des régions furent les premiers à faire part de leur malaise. Fin septembre, à l'occasion de leur 13ème congrès, ils avaient fait front commun pour dénoncer la décision du Gouvernement de supprimer le fonds de 450 millions mis en place en 2016 pour leur permettre de financer leurs nouvelles compétences économiques.

Pour protester contre des décisions unilatérales et injustes, les présidents de région ont alors annoncé leur intention de boycotter la prochaine Conférence nationale des territoires. Hervé Morin, nouveau président de l'Association des régions de France, a beau avoir prôné la reprise du dialogue, le boycott de la CNT est toujours envisagé.

Les présidents de département leur ont emboîté le pas. Lors du congrès de l'ADF, à Marseille, les jeudi 19 et vendredi 20 octobre, les élus départementaux avaient fait part de leurs inquiétudes quant au financement des allocations individuelles de solidarité et à l'accueil de mineurs non accompagnés. Ils espéraient être entendus et avaient fondé de grands espoirs dans l'intervention d'Edouard Philippe.

La déception des élus départementaux fut donc à la hauteur de leurs attentes. Immense.

Dernière étape de l'incompréhension croissante entre l'exécutif et les élus locaux, le 100ème congrès de l'AMF n'a fait que confirmer les premières impressions désagréables.

Ni Emmanuel Macron ni Edouard Philippe n'ont véritablement entendu les cris d'alarme lancés par les représentants des collectivités locales.

Au final, qu'est-il ressorti de ce troisième rendez-vous entre l'exécutif et les locaux ?

Rien. Ou pas grand-chose.

Emmanuel Macron n'a rien annoncé de nouveau et rien cédé sur l'essentiel.

Droit dans ses bottes, le Chef de l'Etat a confirmé sa volonté d'exonérer 80% des ménages de la taxe d'habitation. Il l'avait dit durant la campagne. Il met sa promesse en œuvre.

Tant pis si la mesure est injuste, comme il l'avoue lui-même. Tant pis si 20% des ménages vont payer deux fois l'impôt, en continuant de régler la taxe et via la compensation que versera l'Etat. Tant pis si l'autonomie fiscale des communes est mise à mal. Tant pis si la disposition suscite la colère des maires qui savent d'expérience que la compensation financière promise par l'Etat n'est jamais au rendez-vous. Tant pis si le risque existe que le Conseil constitutionnel censure le dispositif.

Tout au plus le Président a-t-il annoncé une refonte en profondeur de la fiscalité locale. Une réforme qu'il veut "ambitieuse et cohérente" pour garantir aux élus une "autonomie financière et fiscale". Le programme est alléchant et les perspectives enthousiasmantes. Les élus locaux de tous bords réclament cette réforme depuis des lustres. Mais en annonçant un texte pour 2020, Emmanuel Macron jette un doute sérieux sur sa capacité à la mettre en oeuvre.

Le Chef de l'Etat n'a rien cédé sur la baisse des dépenses à hauteur de 13 milliards d'euros. Il a eu beau jeu de rappeler aux maires que le "contrat" ne serait imposé qu'aux grandes collectivités, foulant au pied le principe constitutionnel de libre-administration des collectivités locales, et que plus de 99% des communes ne seront pas concernées.

Il oublie de dire que les Départements et les Régions financent très largement les initiatives communales. Si les collectivités départementales et régionales sont de nouveau contraintes de serrer des budgets déjà exsangues, les maires seront les premiers touchés. De nombreux projets municipaux seront donc directement impactés par une nouvelle purge financière des départements et régions.

Emmanuel Macron a promis qu'il ne toucherait pas aux dotations financières. A condition toutefois que les collectivités concernées respectent les termes de la "contractualisation" imposée par l'Etat. Faute de quoi le bâton de la réduction des concours financiers sera de nouveau agité. Tous les élus en sont bien conscients.

Et à part ça ?

Rien sur les contrats aidés. Rien sur le sentiment ambiant de recentralisation des politiques publiques. Des généralités et du flou sur tout le reste.

Des généralités quand Emmanuel Macron a assuré qu'il n'était pas dans son intention d'impulser un nouveau big-bang territorial. Il a promis, comme tous les autres, de lutter contre l'inflation normative. Avec les résultats que l'on connaît depuis des années.

Il a redit son intention de limiter les mandats dans le temps. Avec une application dès 2020. Et donc une limitation effective en… 2038.

Du flou sur l'Agence de cohésion des territoires dont personne n'a vraiment compris à quoi elle allait servir.

Du flou sur le logement et l'eau avec l'annonce d'une "conférence de consensus" et d'"assises de l'eau". De nouvelles concertations, donc, qui ne mangent pas de pain, ne coûtent rien et permettent de gagner du temps.

Du flou enfin avec sa volonté de "moderniser la fonction publique territoriale". Mais encore ?

La surdité d'Emmanuel Macron à l'égard des territoires est évidente. Elle saute aux yeux depuis qu'il a accédé à l'Elysée en mai dernier. Elle peut s'expliquer, à défaut de se comprendre.

Le Chef de l'Etat n'a jamais été élu local. Il n'a jamais participé à la vie d'une commune, d'un département ou d'une région. Il n'a jamais eu à gérer des plans d'urbanisme, des problématiques d'aide sociale à l'enfance, de transports scolaires, de routes, lycées et aides aux agriculteurs. Il a par ailleurs une vision métropolitaine de l'aménagement du territoire. Une vision parisienne et technocratique.

Emmanuel Macron n'est pas dans l'écoute. Il est dans l'incantation. Quand il parle de dialogue, de concertation ou de pacte, c'est de la pure communication. "Je décide, ils exécutent" est sa ligne de conduite à l'égard des représentants des collectivités locales.

Emmanuel Macron est continuellement dans la stratégie. En témoigne son invitation lancée à quelque 1.500 maires, mercredi 22 novembre. Plus d'un millier d'élus locaux conviés à l'Elysée pour une séance de "pédagogie". En fait, une séance de câlins agrémentée de fines bulles et de petits fours. Un moyen de diviser les maires et de s'assurer un auditoire paisible lors de son discours de clôture.

Edouard Philippe, non plus, n'a pas entendu la colère des maires. Mais la déception est encore plus grande pour le locataire de Matignon. Le Premier ministre a été un élu local. Maire, conseiller général, conseiller régional, il a occupé tous les mandats locaux. Il connaît donc les problématiques que tous défendent aujourd'hui.

Il sait que les communes, départements et régions sont des acteurs économiques essentiels puisqu'ils sont à l'origine de 75% des investissements publics réalisés chaque année dans le pays.

Il sait que les collectivités sont des maillons essentiels pour créer et maintenir le lien social dans les territoires.

Il sait que les acteurs locaux sont souvent le dernier rempart contre la désertification des zones rurales.

Il sait que les services publics locaux représentent la plupart du temps la dernière présence publique dans les campagnes.

Edouard Philippe a été un élu local. Il sait tout cela. Il a tout oublié.

Au final, ce 100ème congrès de l'AMF a confirmé ce que tous les élus locaux redoutaient depuis des mois : Emmanuel Macron ne voit pas les collectivités et les territoires comme des partenaires. Il ne les voit pas comme des acteurs essentiels avec qui il pourrait co-construire ses réformes et ses politiques publiques.

C'est bien dommage car je suis convaincu que le Gouvernement ne réussira pas sans les territoires.

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