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Le gouvernement apparaît divisé et incapable de prendre une décision sur de nombreux dossiers.
Le gouvernement apparaît divisé et incapable de prendre une décision sur de nombreux dossiers.
©Flickr

Commissionnite

Alors que Cécile Duflot et Manuel Valls continuent de s’écharper sur la question des Roms sans que l'exécutif ne bouge un cil, le gouvernement ne parvient pas non plus à prendre une décision sur le travail du dimanche.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Atlantico : Aussi bien sur la question des Roms qui a opposé Cécile Duflot et Manuel Valls que sur le dossier du travail le dimanche, le gouvernement apparaît divisé et incapable de prendre une décision. L'exécutif est-il en train de se condamner à l'immobilisme ?

Christophe de Voogd : Oui et le projet de budget, totalement illisible, comme l'ont montré les réactions très divergentes des médias, en est le parfait symbole. On est condamné au mieux à la demi-mesure, au pire à l'immobilisme. François Hollande a sans doute voulu, sur tous les sujets, se démarquer de Nicolas Sarkozy en cherchant  à discuter, négocier et reporter les décisions. Après tout la délibération est le synonyme de la démocratie. Mais l'anti-sarkozysme ne constitue pas une politique. Il faut bien un jour décider pour le pays que l'on dirige...

François Hollande doit-il enfin choisir une ligne ?

On a peut-être atteint un point de non retour. Pour la première fois, les ministres poursuivent la polémique entre eux, ce qui n'était pas le cas par exemple durant la polémique Valls/ Taubira, où chacun a rangé les couteaux après une passe d'armes initiale. Cécile Duflot a fait appel à l'arbitrage du président de la République, ce qui, dix jours plus tôt, avec l'accord de la même Cécile Duflot, aura coûté son poste au patron des Verts !

Le destin de la participation écologique au gouvernement est donc clairement en jeu. A priori, l'intérêt des deux partis, EELV et PS, les experts nous le répètent à l'envi, est de restersoudés jusqu'aux municipales. Mais on peut aussi émettre l'hypothèse que, devant l'effondrement du Parti socialiste dans les sondages, Cécile Duflot, en pure politique qu'elle est, est en train de mettre un deuxième fer au feu : changer de stratégie et jouer la carte de l'alternative à gauche. Il lui reste quelques mois pour savoir quelle option est la plus payante : l'alliance avec le PS ou la dissidence.

Face aux remous provoqués par une décision de justice interdisant à Castorama et Leroy Merlin d'ouvrir leurs magasins franciliens le dimanche, le gouvernement a confié une mission à Jean-Paul Bailly destinée à "clarifier le cadre juridique" dutravail le dimanche. A chaque nouveau problème, le gouvernement semble recourir à une nouvelle commission. Est-ce une manière de gagner du temps ?

La "commissionnite" n'est pas une exclusivité de ce gouvernement. Les commissions ont fleuri sous tous les présidents et c'est finalement un mode de gestion très français. Il ne faut donc pas  jeter toutes les commissions avec l'eau du bain. Là encore la délibération est une bonne chose. mais il en existe différents types :

  • Les commissions "réflexion" peuvent être indispensables sur les sujets complexes comme l'éthique. Personne ne reproche d'ailleurs au gouvernement de ne pas trancher dans le vif sur un sujet comme la PMA.
  • Il y a aussi les commissions "convenance personnelle", destinées à occuper des politiques hors- jeu ou des hauts fonctionnaires désœuvrés.
  •  Les commissions "gagnons du temps", typique du timing anti-Sarkozy de François Hollande. Pourquoi pas une commission prochaine sur les Roms? C'est une gestion du temps qui ne manque pas de subtilité, car la surréaction sarkozienne au moindre fait divers a lassé l'opinion. Avec cette limite inquiétante : le président Queuille (un Corrézien...) avait coutume de dire qu'il n'existait pas de problème que l'absence de solution ne permettait de résoudre...
  • Les commissions "embarras", lorsque le gouvernement ne sait vraiment plus quoi faire, à cause des pressions contradictoires des lobbies. C'est le cas de la commission Jean-Paul Bailly qui a deux mois pour se prononcer.  Or le problème va se reposer dès dimanche prochain et appelle donc une réponse rapide. C'est d'autant plus surprenant que le cadre législatif actuel permet de prendre des décisions par décret sans changer la loi. Le gouvernement aurait les moyens de proposer une réponse rapide à un sujet simple. Les commentaires à ce sujet ne laissent pas de surprendre : est-il si difficile de déroger à l'obligation du repos dominical pour des salariés volontaires dans un pays qui croule sous le chômage? Mais voilà :  le sujet se heurte à l'aile gauche du PS et à l'establishment syndical. Problème politique donc et nullement technique, contrairement à ce qu'on lit un peu partout..

Finalement, qui prend réellement les décisions ? Le Premier ministre, le président de la République ?

Très régulièrement en France, on sous-estime le rôle du Premier ministre. Visiblement, dans ce gouvernement, Jean-Marc Ayrault emporte des arbitrages, comme on a pu le voir sur le dossier Florange, le crédit compétitivité-emploi ou les grands choix budgétaires. Contrairement au Président de la République et malgré son style un peu terne, il assume clairement une ligne social-démocrate : "produisons avant de redistribuer"!

On méconnait toujours l'imaginaire des hommes politiques : celui de François Hollande est déterminé par le précédent de l'"autre François", chez qui il a fait ses premières armes : on en verra, croyez-moi, bien d'autres illustrations dans les mois à venir. De même Jean-Marc Ayrault, professeur d'allemand, est très ancré dans l'imaginaire social-démocrate d'outre-Rhin, fondé sur un pragmatisme social-libéral,  à l'opposé de l'étatisme colbertiste à la française, si puissant à gauche, mais aussi à droite. 

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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