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Le financement de la sortie de crise peut être assuré par la banque centrale
©Boris Roessler / POOL / AFP

Sauvetage

Sébastien Cochard évoque les conséquences de la crise du Covid-19 et l'aide financière apportée par l'Etat à l'économie et aux ménages. Ces décisions vont générer un saut dans le niveau d’endettement de l’ordre de 20% du PIB. Sébastien Cochard aborde aussi le rôle et le soutien de la BCE.

Sébastien Cochard

Sébastien Cochard

Sébastien Cochard est économiste, conseiller de banque centrale. Il exprime ses vues personnelles dans Atlantico.

Twitter : @SebCochard_11

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Depuis deux cents ans, en temps de paix, il n’y a pas d’équivalent à la crise économique actuelle. Après avoir ordonné le confinement, le gouvernement a eu le bon réflexe de chercher à protéger le tissu économique et social en apportant des financements de substitution aux ménages et aux entreprises pour « faire le pont ». Ce soutien financier de l’Etat aura une conséquence : un saut dans le niveau d’endettement de l’ordre de 20% du PIB.

Face à cela, devons-nous anticiper des plans d’austérité drastiques et de matraquage fiscal pendant deux décennies ? Des excédents budgétaires primaires colossaux qui tueront toute possibilité de croissance ? La réponse est : non, surtout pas.

C’est pourtant ce que semble promettre le gouverneur de la Banque de France, M. Villeroy de Galhau. Lors de son audition au Sénat, le 15 avril dernier, il déclare « Le traitement des dettes publiques supposera nécessairement un effort budgétaire rigoureux, avec des dépenses publiques enfin plus sélectives ». Il en profite pour rappeler l’unicité de son mandat « assurer la stabilité des prix » et implore de respecter « l'indépendance de la Banque centrale ».

Le gouverneur se fait ainsi l’écho de demandes que l’Allemagne pousse actuellement dans l’ensemble des cénacles internationaux (UE, FMI, G20) : 1/ remettre les finances publiques dans leur situation d’avant-crise (austérité radicale) ; 2/ que les banques centrales respectent strictement leur mandat et 3/ que l’indépendance des banques centrales soit préservée.

Prenant la dimension de la crise, la BCE, à l’instar de la Réserve fédérale américaine, des banques centrales japonaise et britannique, a pourtant rapidement répondu présent. Elle a ainsi lancé le 18 mars une première enveloppe de son « programme d’achats d’urgence face à la pandémie » (PEPP en anglais) qui a toute latitude de racheter des dettes publiques des Etats membres.

En mettant ensemble les différents programmes de la BCE existants, environ 200 milliards d’euros de dette française (8% du PIB) pourraient être immédiatement rachetés par la BCE (80% de ces montants rachetés en réalité par la Banque de France). Cette première enveloppe sera suivie par d’autres : aux Etats-Unis la Réserve fédérale s’est ainsi engagée à des rachats « sans limites », suivie depuis peu par le Japon.

Ces pratiques de rachat de dette par la banque centrale ne sont pas nouvelles. La logique Maastrichtienne de leur interdiction a été abandonnée en 2015, avec le lancement de l’assouplissement quantitatif. Fin 2019, en application de cette politique, environ 32% du total de la dette publique française avait été racheté par l’eurosystème : 6% par la BCE et 26% par la Banque de France. Quand des titres au sein de ces détentions arrivent à maturité, d’autres sont rachetés afin de maintenir l’encours proche de 33%, limite auto-imposée par la BCE.

Cette sortie du marché d’un tiers de la dette française a été financé par de la pure création monétaire, la « planche à billets », sans aucun impact sur l’inflation, que la BCE essaie au contraire désespérément de rapprocher de 2% mais qui n’arrive pas à se maintenir au-dessus de 1%.

Afin de pouvoir affronter la crise actuelle, la dette française détenue par l’eurosystème devrait ainsi monter rapidement vers 50% du total, puis sans doute 60%. Cela permettrait une sortie économique par le haut, sans coût pour le contribuable et sans aucun risque d’inflation. Encore une fois : dans un contexte de récession mondiale, nous sommes au contraire soumis au risque de la déflation.

Le montant détenu par la Banque de France, entité dans le périmètre de l’Etat, devrait être retiré comptablement du total de la dette publique française, puisque la main gauche détient ce qui a été émis par la main droite. Et ce d’autant plus qu’il serait totalement injustifiable, économiquement et politiquement, de remettre ces montants sur les marchés.

Mais ce pas comptable est un pas de trop : l’Allemagne ne peut l’accepter. Mme Christine Lagarde s’est ainsi empressée d’affirmer le 9 avril que non, il n’y aura pas d’annulation des dettes rachetées par les banques centrales. Une « ambiguïté constructive » a d’ailleurs été ménagée depuis 2015 par la BCE, afin de laisser planer le doute sur la possibilité ou non du retour de cette dette sur les marchés.

La cour constitutionnelle allemande, hébergée à Karlsruhe, serait pourtant sur le point de statuer le 5 mai prochain que les rachats de dette publique, en particulier sans plafonds, sont bel et bien du financement monétaire des Etats, strictement interdits par les Traités. 

Rendez-vous donc le 5 mai. Un petit groupe de juges allemands nous révèlera notre destin ce jour-là.

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