Le dessalement de l’eau est-il l'un des processus les plus viables pour faire face à une demande d'eau douce qui ne cesse de croître ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Environnement
Une usine de dessalement d'eau à l'Est de l'Arabie Saoudite.
Une usine de dessalement d'eau à l'Est de l'Arabie Saoudite.
©Fayez Nureldine / AFP

Stress hydrique

Le dessalement de l’eau est considéré comme l'une des solutions miracles pour répondre à la demande croissante en eau douce.

Myriam Ben Saad

Myriam Ben Saad

Myriam Ben Saad est Enseignant chercheur (Kedge Business School) et Chercheur associé (Université Panthéon Sorbonne).

Voir la bio »

Atlantico : Le dessalement de l’eau est considéré comme l'une des solutions miracles pour répondre à la demande croissante en eau douce. Cette technologie présente-t-elle des inconvénients ?

Myriam Ben Saad : Effectivement, le dessalement de l’eau est perçu comme l'un des processus les plus viables pour faire face à une demande d'eau douce qui ne cesse de croître notamment sous l’effet de la pression démographique. Aujourd’hui, les usines de dessalement peuvent fonctionner en continu et la production est infinie.  On compte près de 20 000 usines de dessalement dans le monde, avec une capacité de dessalement quotidienne d'environ 100 millions de m3. 

Mais, le dessalement de l’eau de mer est aussi une technologie qui est très couteuse, énergivore et qui rejette des quantités très importantes de gaz à effet de serre (GES). La construction de ces infrastructures nécessite des investissements très exorbitants, qui se chiffrent souvent en millions ! sans parler des systèmes d'adduction d'eau de mer en amont et de distribution d'eau douce en aval, ainsi que le traitement des déchets engendrés. Un autre problème majeur est lié à la consommation d’énergie et aux fluctuations des prix des énergies souvent fossiles. Les coûts de production sont fortement dépendants des prix de l’énergie, surtout pour les usines à osmose inverse, qui est la méthode la plus couramment utilisée, qui nécessite une énergie substantielle pour créer une pression suffisante pour pousser l'eau chargée de sel à travers les membranes pour la filtrer et pour produire de l’eau propre et consommable pour les ménages connectés aux réseaux. Les variations des prix de l'énergie, influencées par les incertitudes économiques (inflations, fluctuations des taux d’intérêt…) et les situations géopolitiques (guerre en Ukraine et dans les pays du moyen orient…) peuvent faire fluctuer les coûts de manière significative.

Au-delà des coûts économiques, existe-t-il des répercussions environnementales ?

Absolument, le dessalement est un processus dont les intrants et les extrants interagissent avec l'environnement. Les méthodes traditionnelles actuelles de cette technologie ont des impacts négatifs sur l’environnement et particulièrement sur l’écosystème marin. Les impacts significatifs sont classés en fonction des rejets de saumure, qui sont rarement valorisées. Pire encore, le rejet de cette saumure dans l'océan peut augmenter localement la salinité de l’eau, perturbant ainsi la faune et la flore marines surtout en Méditerranée, qui est considérée comme une mer fermée. Il y a également le rejet de produits chimiques, des émissions de polluants atmosphériques, de l'intensification de l'utilisation de l'énergie et de la pollution sonore. La question est de savoir, comment pouvons-nous réduire les coûts et impacts environnementaux tout en maximisant l’efficacité de cette technologie vitale ?

 L’impact environnemental est non négligeable notamment au travers des rejets des saumures dans les environnements marins côtiers. Existe-t-il un moyen écologique pour dessaler l’eau de mer ?

La dimension écologique du dessalement est une approche fascinante qui vise simplement à minimiser les effets du dessalement et à préserver les ressources naturelles dans la mesure du possible. Le dessalement peut être utilisé pour la conservation des ressources naturelles en eau s'il est correctement géré. Aujourd’hui, des progrès récents de la technologie de dessalement ont permis d'aborder de nombreuses approches alternatives au dessalement, à savoir la mise en place d’usines de dessalement alimentées par des sources d’énergies bas carbone (champs de panneaux solaires, éoliennes), la mise en place de systèmes de gestion de l’environnement pour minimiser les impacts environnementaux tels que la pollution de l’eau et de l’air, la diminution de l’utilisation de produits chimiques coûteux et potentiellement toxiques pour le traitement de l’eau, l’utilisation de méthodes de dessalement moins consommatrices d’eau brute, et enfin, la surveillance régulière des émissions pour garantir la conformité aux normes environnementales.

Il est donc important de trouver un équilibre entre les coûts environnementaux et les coûts énergétiques pour garantir la durabilité de la technologie du dessalement.

Selon l'UNESCO, le stress hydrique augmente les risques de conflits locaux et transfrontaliers, le dessalement de l’eau peut-il être un moyen de coopération ?

Les ressources en eau et leurs infrastructures sont très rarement les uniques causes d'un conflit armé, mais elles peuvent aggraver les différends, et pire encore, constituer des armes potentielles. Les pays très sensibles au réchauffement climatique et fortement exposés au stress hydrique s’accompagnent de risques géopolitiques accrus. Les barrages font l’objet de fortes tensions, c’est le cas du barrage de la Renaissance qui cristallise les tensions entre l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie. Il y a aussi le cas des barrages turcs sur l’Euphrate et le Tigre qui impactent la Syrie et l’Irak. Bien que moins étudiées, les infrastructures de dessalement de l’eau sont également au cœur de négociations entre les États de la région méditerranéenne, comme en témoigne la Jordanie.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !