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Le capitalisme est en crise mais la mondialisation n’est pas au premier rang des coupables
©Reuters

Bouc émissaire

Bien que le mondialisation soit devenue le coupable idéal de tous les problèmes de l'économie française, il semble bien que la situation difficile de la France découle plus de ses propres erreurs politiques (dont celles de l'Europe).

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Depuis plusieurs années, les responsables politiques pointent la mondialisation comme étant la source de tous les maux qui frappent les pays occidentaux, notamment sur la question des inégalités. En quoi cette accusation peut-elle masquer une part de nos propres responsabilités ?

Nicolas Goetzmann : Ce que nous appelons mondialisation aujourd'hui correspond à l'extension du phénomène aux pays émergents. Avant les années 2000, les échanges entre pays "développés" permettaient à chacun de profiter de la croissance mondiale, sans en subir trop lourdement les conséquences en termes d'emplois. Puis, notamment en 2001, avec l'entrée de la Chine dans l'OMC, la mondialisation est entrée dans sa phase moderne, c’est-à-dire à une forme de compétition entre pays émergents et les pays les plus développés. Conformément à la théorie (Stopler-Samuelson dès les années 1940), une telle compétition s'est révélée destructrice pour les emplois les moins qualifiés au sein des pays ayant des coûts de production plus élevés. Ces effets ne sont pas vraiment une surprise, même si la rapidité et l'intensité du processus ont pu surprendre. À partir de là, ce n'est pas la mondialisation en elle-même qui est à remettre en cause, parce que la croissance mondiale des années 2000 a été très forte, et a permis d'extirper un grand nombre de personnes de la pauvreté.

Le choc subi par les pays occidentaux peut donc se diviser en deux parties. D'une part, rien n'a été prévu dans les pays occidentaux pour se prémunir d'effets qui pouvaient pourtant être anticipés par les pouvoirs publics ; c’est-à-dire la désindustrialisation. L'enjeu était de proposer des alternatives aux personnes subissant le coup de la compétition industrielle, en les soutenant, en leur apportant une formation, et en favorisant les investissements dans des zones les plus touchées : la Rust Belt aux États Unis, la Lorraine ou le Nord en France. D'autre part, la crise de 2008 a eu un impact considérable sur nos économies. Et le mal dont nous souffrons aujourd'hui est bien plus le fait de cette crise-là, que des effets de la mondialisation. Cette crise a frappé une Europe qui s'est révélée peu capable de réaction en termes de stratégie économique. Les choix qui ont été faits, entre austérité et compétitivité, sont les véritables causes du mal actuel, bien plus que la mondialisation elle-même.

Comment faire la part des choses ? Quelles ont été les politiques les plus néfastes à nos économies, plus spécifiquement en France et en Europe ?

Entre la création de l'euro en 1999, et 2008, la croissance "nominale" européenne était en moyenne de 4% (croissance + inflation). Même chose en France, et le chômage, au milieu de l'année 2008, avait atteint son niveau le plus bas depuis 1983. Pourtant, entre 2000 et 2008, la vague de mondialisation avait été très puissante. Elle a commis des dégâts, notamment en termes d'inégalités,mais la situation globale de l'Europe et de la France s'est améliorée. Cela aurait pu être mieux, en permettant une meilleure redistribution, mais cela a correspondu à une forte phase d'expansion.

C'est 2008 qui a tout changé, d'une façon extrêmement brutale. Ce n'est pas la mondialisation en soi qui est ici en cause, mais les grandes Banques centrales, qui n'ont pas su faire face aux évènements, et les gouvernements qui ont mis en place des politiques contre productives en Europe. L'austérité, la compétitivité, toutes ces théories n'avaient aucun sens parce que la conjoncture ne s'y prêtait absolument pas. Ces politiques ont aggravé une situation, pourtant gérable, et l'ont transformé en une crise qui dure depuis 10 ans. Les Européens ont pris peur en raison de l'état de leurs déficits et de leurs dettes publiques, sans se rendre compte que la cause du mal était l'absence de croissance. Or, en voulant réduire leurs dépenses, ils ont anéanti les chances d'un retour de la croissance. Malgré l'évidence, ces choix font encore débat en Europe. La mondialisation et l'automatisation sont de lourds défis, mais il ne faut pas se tromper de coupable pour l'état de l'Europe aujourd'hui.

Dès lors, quelles sont les pistes à suivre permettant de concilier mondialisation et une prospérité économique partagée par le plus grand nombre ? 

L'économie européenne, avant d'être une "victime" de la mondialisation, est la victime de sa propre stratégie économique. L'Europe souffre d'un manque flagrant de demande, c’est-à-dire que la politique monétaire européenne, bien que celle-ci soit expansionniste, est encore bien trop timide par rapport aux fondamentaux du continent. L'Europe peut croître à un rythme de 4% en nominal, et certainement plus pendant une période temporaire, en prenant en compte l'effet de rattrapage nécessaire, pour effacer les stigmates de la crise. On voit, par exemple, le Japon connaître une croissance deux fois supérieure à son potentiel, grâce à une telle politique. Il s'agit de provoquer une surchauffe temporaire pour extraire le continent de sa torpeur, et ainsi favoriser la baisse du chômage, et l'investissement, c’est-à-dire une préparation pour la croissance future. Des politiques de relance de l'investissement public, des infrastructures, de formation, de renforcement de l'éducation sont également les clés pour préparer l'avenir, c’est-à-dire pour prendre en compte les défis imposés par la robotisation et la mondialisation. Or, il va être difficile de soutenir des programmes de dépenses publiques si la croissance n'est pas là pour les financer. C'est donc d'abord la croissance la priorité, avec la Banque centrale ; dans un second temps, cette croissance supplémentaire apportera aux États les moyens de financer, sans hausse du rapport "dépenses sur PIB" (et donc sans hausse de l'endettement) des programmes permettant un meilleur partage de la croissance. 

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