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Le cadeau de Noël à la gauche française : les livres de Piketty, pour comprendre les bienfaits de la retraite par points combinée à la capitalisation
©JOEL SAGET / AFP

Atlantico Business

La gauche française n'a sans doute pas compris qu'en encensant Thomas Piketty, elle consacrait un des meilleurs avocats en faveur des fonds de pension et de la retraite par points. Thomas Piketty se tait et ne se mêle pas du débat, mais laisse lire ses analyses.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Thomas Piketty se gardera bien de prendre part au débat sur la réforme des retraites en France sauf à prendre le risque d’être écartelé entre ses amitiés politiques et ses convictions d’économiste. Il restera dans une posture d’intellectuel ou de pédagogue.   

Thomas Piketty, professeur à l'Ecole d’économie de Paris est aujourd’hui un des économistes français les plus connus à l’étranger et notamment aux Etats-Unis. En moins de deux bestsellers, il est devenu une véritable star dans le monde universitaire et le monde des affaires qui est toujours en quête d’idées nouvelles ou d’explications pertinentes de la situation. Or, ce succès le met dans une posture un peu embarrassante par rapport à la question des retraites. D’un coté, il ne peut que se déclarer solidaire de tous ceux qui se battent pour un monde meilleur, mais il ne peut pas approuver leurs méthodes et ce pourquoi il se battent, à savoir la protection du système de retraite par répartition et contre le régime de calcul par points. Tout ce qu’il a écrit et lui a valu une reconnaissance internationale va à l’encontre de ce que ses propres amis de gauche répètent à longueur de jours de grève.

Thomas Piketty s’est fait connaître dans le monde entier en analysant de façon très sérieuse l’évolution de l’économie après près de vingt années de mondialisation accélérée.

Sur la base d’informations statistiques dont tous les experts louent la pertinence, Thomas Piketty a dénoncé une aggravation spectaculaire des inégalités dans le monde en démontrant que ces inégalités étaient imputables à la différence de rentabilité et de rémunération entre le facteur capital et le facteur travail.

En clair, si le libre échange fondé sur l’économie de marché a permis aux pays émergents de sortir de la misère, cette globalisation a aussi paupérisé une partie des classes moyennes occidentales qui se sont retrouvées sans travail et déclassées. D'où la montée des populismes dans la plupart des pays occidentaux. D'où la montée des mouvements extrémistes, d'où le Brexit, d'où Donald Trump aux USA et la montée en puissance des poussées protectionnistes.

Mais parallèlement, les inégalités se sont creusées à l’intérieur même des pays émergents et entre les pays émergents et les pays occidentaux.

Dans les pays émergents, le fossé entre les très riches et les très pauvres s’est creusé.

Dans les pays développés, le gap entre les riches et les pauvres aussi.

La raison profonde de ces inégalités se trouve dans l’augmentation spectaculaire des rendements du capital. Les détenteurs d’actifs financiers ou immobiliers se sont donc considérablement et rapidement enrichis dans le monde entier.

C’est une évidence. Il suffit de reprendre l’évolution des prix de l’immobilier depuis vingt ans, les cours de bourse depuis dix ans.

La financiarisation de l‘économie doublée de la productivité des actifs a accéléré l’accumulation du capital entre les mains d’acteurs moins nombreux qu’auparavant.

Pour Thomas Piketty, cette survalorisation du capital et l’enrichissement de ceux qui le possèdent sont inhérents au système capitaliste mondialisé. Ce qui crée des menaces de déséquilibres et des risques de bulles ou de crises sociales.

Les différents outils de correction à ce phénomène ont été analysés en détail par la plupart des responsables politiques.

La droite américaine conservatrice s’est laissée tentée par le protectionnisme, mais on voit bien que les tentatives de Donald Trump de se replier sur lui même n’aboutissent qu’à un ralentissement général et que ce ralentissement est porteur de risques plus graves encore (immigration massive et risques de conflits terroristes).

Les mouvements de gauches ont ressorti les outils fiscaux pour essayer de réalimenter la pompe à redistribuer les revenus. Sauf que l’augmentation des impôts de ceux qui accumulent beaucoup a évidemment un effet dissuasif sur le programme d‘investissement.

Restent deux stratégies qui valent la peine d’être expérimentées et qui sont cousines germaines.

La première passe par l’intéressement ou la participation à grande échelle. C’était la grande idée du Général de Gaulle, c’est l’aventure dans laquelle partent les GAFA. Redistribuer au plus grand nombre de salariés une part de l’enrichissement en capital

La deuxième stratégie est d’emprunter la voie des fonds de retraite par capitalisation. Permettre à chaque salarié de récupérer par le biais des fonds de pension une partie de la richesse créée. Et celle qui sera créée dans l’avenir.

Dans les deux cas, les fonds d’investissement et les fonds de pensions sont à la manoeuvre.

Ce scénario a trois avantages :

D’abord, il permet de redistribuer la richesse accumulée à ceux qui ont contribué à son accroissement.

Ensuite, il permet à l’industrie de sécuriser les financements d’investissement.

Enfin, il apporte une solution aux problèmes de financement de la retraite en dehors des aléas démographiques.

Toute la mécanique de Piketty suit ce scénario. Sur le plan politique et par rapport à ce qui se passe en France, c’est une mécanique qui apparaît très politiquement incorrecte en France, même à gauche.

La gauche française politique et syndicale n’accepte pas un calcul de la retraite par points et encore moins d’ouvrir la porte aux retraites par capitalisation. La gauche française a du mal avec le concept d’universalité, elle préfère cristalliser son énergie dans la protection des régimes spéciaux alors qu’il serait si simple de prendre en compte les raisons pour lesquelles on avait mis sur pieds de tels régimes particuliers et de vérifier si elles tiennent encore debout et participent à l’intérêt général.

On comprend que Thomas Piketty soit gêné par le positionnement de ses amis politiques. Mais on comprend beaucoup moins bien que la gauche ait fait le succès de ses livres. Il va peut-être falloir profiter de la trêve des fêtes de fin d’année pour relire ces livres-là. Si trêve il y a, bien sûr !

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