Le CAC 40 retrouve son niveau de 2008 mais pas son plus haut : pourquoi ça révèle que la crise avait commencé bien avant la faillite de Lehman Brothers<!-- --> | Atlantico.fr
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La faillite de Lehman Brothers n’a pas été l’élément déclencheur de la crise, elle n’en aura été que le symptôme.
La faillite de Lehman Brothers n’a pas été l’élément déclencheur de la crise, elle n’en aura été que le symptôme.
©Reuters

Encore pire

Contrairement à une idée tenace, la faillite de Lehman Brothers n’a pas été l’élément déclencheur de la crise, mais le symptôme le plus saillant. La crise existait déjà en germes.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Dans un article du 14 février, Les Echos titrent "La bourse de Paris retrouve ses niveaux d’avant Lehman Brothers". En effet, les récents développements boursiers font apparaître un CAC 40 à 4 300 points, soit l’équivalent de son niveau précédent le 15 septembre 2008, date de la faillite de la banque américaine.

Mais contrairement à une idée tenace, la faillite de Lehman Brothers n’a pas été l’élément déclencheur de la crise, elle n’en aura été que le symptôme. En mai 2007, soit plus d’une année avant ce 15 septembre, la bourse parisienne s’élevait au-delà du niveau de 6 150 points. Au cours des 15 mois qui ont suivi, la bourse française verra ses cours chuter de 30 %, et ce avant même les événements de l’automne 2008.

La faillite de Lehman brothers n’aura été que la courroie de transmission d’une crise plus profonde à la finance, c’est-à-dire un puissant facteur de propagation, aussi bien internationale, qu’à ce qui est appelé "l’économie réelle". Mais ceci ne pouvait pas être regardé comme une surprise. En effet, quelques mois auparavant, Frederic Mishkin, alors membre de la Réserve fédérale des Etats-Unis, avertissait ses pairs :

"Je suis actuellement très, très inquiet, pour ne pas dire déprimé. Ceci parce que je crois que le type de scénario négatif du "livre vert" est très probable. Il y a en particulier deux scénarii qui sont traités séparément : la crise immobilière et le "credit-crunch". Je pense que ces deux phénomènes vont se produire de façon simultanée, car si les prix immobiliers baissent, cela crée encore plus de problèmes en termes d’évaluation du risque, ce qui signifie de plus gros problèmes pour le marché du crédit, ce qui nous entraîne vers un risque macroéconomique. L’économie réelle va en souffrir. L’incertitude gagne du terrain. Les écarts de crédit s’aggravent et vous obtenez un scénario noir. Cela nous mène au "credit-crunch". Ce dernier entraînera l’économie réelle et l’immobilier dans une spirale négative". "Il y a dans les médias beaucoup de discussions à propos du "découplage" des économies. Ce qui me semble raisonnable. Mais lorsque nous parlons de finance, il y a de très bonnes raisons de penser au recouplage car une perturbation financière aux Etats-Unis a de très bonnes chances de se propager à l’étranger".

Frederic Mishkin décrivait alors l’exact scénario de la crise de 2008, et ce dès décembre 2007. En qualité de membre de la FED, Mishkin proposait alors de baisser les taux directeurs américains de 50 points de base, soit une baisse très importante. Si importante que le marché aurait compris le message : "il se passe quelque chose de grave, mais vous pouvez compter sur nous, nous sommes conscients de la situation". Malheureusement, l’opposition à cette vision au sein de la Réserve Fedérale est encore dominante, et malgré la bienveillance de Ben Bernanke, la baisse de taux ne sera que de 25 points de base. Le marché comprend alors que la FED ne prend pas la mesure de la crise potentielle, et la synchronisation des évènements ne fera que s’accélérer à partir de cette date.

De son côté, et dans un autre monde, la BCE ira même jusqu’à relever ses taux directeurs en juillet 2008, venant poser la cerise sur le gâteau qui va provoquer l’indigestion générale. Dès lors que les autorités ont permis la propagation de la crise à la finance, sa viralité est devenue incontrôlable.

Lehman Brothers aura été un point marquant de la grande récession, et bien que la faillite soit généralement perçue comme une cause, elle n’est rien d’autre que la simple révélation de la crise au grand public. Car celle-ci était déjà là, et son développement n’a été rendu possible que par la coupable passivité des autorités.

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