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Le Brexit : David Cameron a-t-il remporté la grande victoire qu'il prétend ? On peut en douter...
©Reuters

Yes or No?

David Cameron s'est déclaré "très satisfait" de l'accord entre les pays de l'Union européenne sur le nouveau statut du Royaume-Uni. Mais est-ce une telle victoire diplomatique ? Sur de nombreux points, le Royaume-Uni n'a pas obtenu ce qu'il demandait...

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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C'est dans la soirée du vendredi 19, à la dernière heure, que les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne ont annoncé un accord unanime avec la Grande-Bretagne. David Cameron avait promis dans sa campagne de réelection une renégociation des termes de l'accord de son pays avec l'Union européenne, suivie d'un référendum pour savoir si la Grande-Bretagne restait dans l'UE ou non. Pour Cameron, soit l'UE consentait à un nouvel accord, soit le Royaume-Uni devait partir. A entendre David Cameron, cette fut pour lui un triomphe diplomatique : il a obtenu ce qu'il voulait et, en conséquence, il ferait campagne contre le Brexit dans le référendum britannique. 

Pourtant, tout le monde n'est pas de cet avis. Le premier ministre belge a mis les pieds dans le plat, déclarant que "Nous sommes très, très loin de la position britannique de départ." 

Qu'en est-il réellement ? 

Politico Europe a préparé une infographie qui recense ce qu'il en est réellement. Elle fait la liste de : ce que les Conservateurs avaient promis pendant leur campagne ; ce que David Cameron avait proposé ; la réponse de Donald Tusk, président du Conseil européen ; et ce qui fut dans l'accord final. 

Cameron avait demandé une renégociation sur quatre sujets : la gouvernance économique, la souveraineté, la compétitivité, et l'immigration.

Gouvernance économique

La Grande-Bretagne avait trois demandes principales : une pause de l'intégration économique, ne pas avoir à participer à de quelconques efforts de "renflouages", de banques ou de pays de la zone euro, et avoir sa souveraineté en matière de réglementation financière, sujet très important étant donné la City. 

Sur le renflouage, la position britannique l'a emporté. Sur l'intégration économique, c'est en demie-teinte : un pays non membre de la zone euro ne "peut pas empêcher" l'intégration économique des pays membres de la zone euro. Et, surtout, sur la réglementation financière, c'est la position européenne qui l'a emporté. La réglementation financière se fera à partir d'un "système de règles unique" ; si la Grande-Bretagne pourra avoir sa propre réglementation, celle-ci devra se conformer au droit européen. La Grande-Bretagne n'a pas de droit de véto ; elle peut seulement demander au Conseil européen une "discussion" des règles européennes qui peuvent impacter sa "stabilité financière". 

Or, l'idée qu'une réglementation financière unique mettrait en difficulté la City, et donc la compétitivité britannique, est un des grands arguments des partisans du Brexit. Gageons qu'ici Cameron n'a pas remporté la partie.

Souveraineté 

Dans sa campagne électorale, le Parti conservateur britannique avait promis de grandes choses : réformer la bureaucratie européenne ; donner aux parlements nationaux un droit de véto sur les règles européennes ; et se retirer de l'engagement d'"union toujours plus forte" présent dans les traités de l'Union. Cameron avait demandé la fin de l'engagement d'"union toujours plus forte" ainsi que la reconnaissance de la souveraineté de la Grande-Bretagne dans le domaine de la sécurité nationale. 

L'accord final exempte effectivement la Grande-Bretagne du principe d'"union toujours plus forte" et accepte le principe que le Royaume-Uni refuse plus d'intégration. Cependant, il ne dit rien sur la sécurité nationale et n'offre la possibilité d'un droit de véto sur les règles européennes qu'avec l'accord d'autres pays. 

Compétitivité

Le Parti conservateur avait promis une réforme en profondeur de la Politique agricole commune (PAC) et des fonds structurels européens. Cameron, lui, avait seulement demandé un "objectif de simplification administrative" et un "engagement clair et de long terme pour accroître la compétitivité". 

Que dit l'accord final ? Que "tous les Etats-membres implémenteront complètement et renforceront le marché interne", et promet des "avancées concrètes" pour améliorer la réglementation, ce qui ne veut pas dire grand-chose...

Immigration

Le sujet de l'immigration est très important au Royaume-Uni, comme dans de nombreux autres pays. Comme on le voit à Calais, le Royaume-uni est une cible privilégiée de migrants de nombreux horizons, y compris de l'intérieur de l'Union européenne. Or, le public britannique voit d'un mauvais oeil que des ressortissants de pays étrangers, souvent plus pauvres, puissent venir au Royaume-Uni et, notamment, avoir le droit en tant que citoyens européens de recevoir des prestations sociales. 

Cameron avait notamment demandé que le Royaume-Uni soit dispsensé de verser des allocations familiales aux étrangers dont les enfants vivaient à l'étranger, et qu'un migrant doive travailler au Royaume-Uni pendant 4 ans avant de pouvoir recevoir des prestations sociales. 

L'accord final prévoit que les allocations familiales soit indexées au niveau du pays d'origine de la personne, pour les nouveaux migrants, et pour tous les migrants à partir de 2020. L'accord prévoit également un "mécanisme d'alarme" pour arrêter les prestations pour les migrants dans des circonstances exceptionnelles ; ce mécanisme ne pourra être utilisé qu'une seule fois, pendant sept ans. 

Un accord en demie-teinte

David Cameron n'a pas rien obtenu. Il a obtenu quelques victoires symboliques, comme la dispense du Royaume-Uni de la clause d'"union toujours plus forte", et la reconnaissance officielle de la volonté du Royaume-Uni de ne pas participer à l'intégration. Sur la compétitivité il n'a obtenu que de vagues promesses, et sur l'immigration, il a obtenu un compromis. Mais il a également clairement perdu sur des dossiers clés, comme la réglementation financière, où le principe du droit européen continue de s'appliquer, et la possibilité d'un droit de véto sur les règles européennes. 

Est-ce que cet accord convaincra les britanniques de rester dans l'Union européenne ? David Cameron vient d'annoncer que le référendum se tiendra le 23 juin...

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