Le Bitcoin re-franchit la barre des 30 000 dollars : mais où en sont les cryptomonnaies ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Bitcoin a bénéficié d'une spectaculaire remontée, à partir de la mi-mars.
Le Bitcoin a bénéficié d'une spectaculaire remontée, à partir de la mi-mars.
©OZAN KOSE / AFP

Remontée spectaculaire

Le Bitcoin a dépassé ce mardi les 30.000 dollars, après être tombé autour de 15.000 dollars en novembre dernier.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : L’effondrement du Bitcoin a laissé penser à de nombreux observateurs que seule la monnaie fiduciaire était vraiment solide. Pourtant, la cryptomonnaie a bénéficié d'une spectaculaire remontée, surtout à partir de la mi-mars. Comment l’expliquer ?

Michel Ruimy : L’ampleur et la rapidité de la hausse des cours boursiers de l’écosystème sur une période aussi courte (moins de 4 semaines) a de quoi surprendre. Portée par le Bitcoin, la capitalisation boursière totale des cryptoactifs a atteint désormais environ 1 180 Mds USD.

Ce net regain d’intérêt s’explique par la montée des espoirs de nombreux investisseurs concernant la trajectoire de l’inflation aux Etats-Unis, qui devrait poursuivre sa décrue au cours des prochains mois. En effet, un reflux sensible de la hausse des prix aux Etats-Unis inciterait la Réserve fédérale des Etats-Unis (banque centrale américaine) à devenir moins strict en matière de politique monétaire. Elle pourrait ainsi cesser de relever agressivement son taux d’intérêt directeur voire finir, à terme, par l’abaisser.

Un scénario favorable, de nature à peser sur les taux à long terme… et, de ce fait, à soutenir le bitcoin et les autres cryptoactifs (Ethereum, Dogecoin, Ripple, Solana, Litecoin…) qui connaissent aussi de légères hausses de prix. Etant donné que ces devises virtuelles ne versent pas de revenu, elles pourraient bénéficier d’arbitrages favorables par rapport à un placement alternatif tel qu’une obligation d’Etat.-

Peut-on penser, suite à cette remontée, que le Bitcoin est plus fiable qu’annoncé jusqu’alors ?

Il convient de garder à l’esprit que le marché des cryptoactifs demeure, à ce jour, un marché volatil, non régulé. Il s’agit d’un environnement informatique qui a ses propres règles, qui peut s'avérer non adapté aux personnes qui ne sont pas suffisamment technophiles et averties

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Concernant le Bitcoin qui n’a pas de cours officiel, il est toujours un investissement risqué. Il n’offre aucune garantie (Il n’y a pas d’actifs sous-jacents pour agir comme un ancrage de sécurité) et n’a pas de valeur intrinsèque. En 2022, il a perdu près de 70% de son prix en raison notamment des turbulences sur le marché provoquées par l’effondrement de certains écosystèmes (blockchain Terra, Celsius, plateforme FTX).

De manière générale, que ce soit en termes de sécurité ou d’efficacité, les systèmes décentralisés comme le bitcoin offrent de multiples opportunités. Il y a fort à parier qu’ils trouveront de nombreuses applications dans le futur. En revanche, les ambitions fortes de ces actifs se heurtent au faible degré d’avancement des Etats et des marchés financiers dans le domaine : malgré certaines initiatives aux États-Unis (Arkansas, Montana, Texas), ils restent encore trop peu sûrs pour une utilisation à grande échelle et devront prouver leur stabilité sur le long terme pour attirer les plus gros investisseurs.

In fine, si la confiance envers des cryptomonnaies comme le Bitcoin se confirme, seraient-elles en mesure de remplacer la monnaie fiduciaire ? De quels facteurs extérieurs cela peut-il dépendre ?

L’effondrement des devises numériques en 2022, une série de faillites connexes et la perte de confiance de certains investisseurs ont altéré l’idée selon laquelle les jetons numériques pouvaient être utilisés comme réserves de valeur et moyens d’échange. A l’issue de cette « annus horribilis », certains ont considéré que la crypto avait perdu sa bataille contre la monnaie fiduciaire pour plusieurs raisons : une technologie ne crée pas un « argent de confiance » ; seule l’infrastructure juridique et historique derrière les banques centrales peut donner une grande crédibilité ; cette activité financière ne peut vraiment exister que « sous certaines conditions » ; les monnaies digitales développées par les banques centrales (MDBC) peuvent contribuer à l’efficacité de l’industrie.

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C’est pourquoi, en dépit de l’usage du Bitcoin comme monnaie à cours légal dans certains pays, il convient de ne pas s’emballer car la liste des obstacles à franchir est encore longue pour que celui-ci bâtisse son royaume. Notamment la régulation, de plus en plus stricte, toujours encline à protéger les consommateurs, qui garde à vue sa volatilité mais également sa décentralisation, qui permettrait le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme voire un moyen de lutte contre les sanctions internationales (Russie, Iran…).

Dans ce contexte, l’essor d’un cryptoactif pourrait passer par un modèle de blockchain unifiée dans le cadre d’un partenariat public-privé où une banque centrale renforcerait la confiance dans les MDBC.

Le Texas envisage actuellement de créer une crypto-monnaie adossée à l’or. A quel point est-ce dangereux ? Est-ce l’exemple que le monde de la crypto fait encore face à une forme de démesure ?

S’il existe déjà des tokens basés sur l’or émis par des sociétés privées (PaxGold, Tether Gold…), la spécificité de ce projet réside dans l’échelon territorial de sa mise en œuvre (Etat). L’initiative pro-crypto, portée par deux sénateurs texans, permettrait au Texas de donner naissance à une monnaie numérique, garantie par des réserves physiques d’or, gérées par le Texas Bullion Depository. Nulle précision technique n’a été faite sur la nature de la blockchain sous-jacente à ce stablecoin.

Or, les États-Unis sont devenus la principale destination des fermes de minage depuis leur expulsion de Chine (2021). Or, l’exercice de cette activité est énergivore. À Rockdale (Texas) par exemple, la plus grande ferme de minage consomme autant d’électricité que les 300 000 foyers les plus proches, réunis. Pire, la société WattTime a constaté que les centrales au charbon et au gaz naturel répondent à 85% de la demande que ces opérations ajoutent à leurs réseaux. Cette consommation supplémentaire d’électricité entraînerait une pollution au carbone équivalente à l’ajout de 3,5 millions de voitures à essence sur les routes américaines.

Au coût environnemental s’ajoute aussi le coût pour le contribuable américain. Selon le New York Times, la forte demande d’électricité au Texas a fait augmenter de 5% le prix pour les consommateurs résidentiels, soit une coût total supplémentaire annuel pour les Texans de 1,8 Md USD.

Sans compter que cette nouvelle industrie pousse aussi les autorités dans des situations embarrassantes. En février 2021, lors du passage de la tempête Uri, le Texas s’est retrouvé quasiment sans électricité et des dizaines de milliers de foyers, dans une obscurité glaciale. Dans le même temps, près d’Austin, une usine de minage continuait de fonctionner et consommait suffisamment d’électricité pour alimenter environ 6 500 foyers. L’opérateur du réseau électrique de l’État a ordonné de débrancher l’usine mais, l’Etat a dû, en contrepartie, indemniser la société sur la base de 175 000 USD par heure, en moyenne, pour avoir maintenu les ordinateurs hors-ligne. Au cours des quatre jours suivants, cette firme a engrangé plus de 18 millions USD pour ne pas fonctionner. Note payée par les Texans qui ont subi la tempête …

Cette remontée est-elle spécifique au Bitcoin ? D'autres crypto-monnaies jouissent-elles de la même hausse ? Quel est le panorama actuel ?

Après une année difficile, les conditions du marché pourraient être meilleures en 2023. Bien qu’un retour au marché haussier comme en 2021 soit peu probable, la reprise du bitcoin (BTC) au-dessus des 20 000 USD a permis à plusieurs autres cryptoactifs d’enregistrer des gains au début de cette année. Le prix de nombreux supports virtuels est, en effet, encore suffisamment bas pour que les investisseurs puissent réaliser des gains significatifs au cours des prochains mois, notamment à l’approche de la réduction par 2 du bitcoin (halving) en mars 2024.

Sans surprise, ce rebond inespéré redonne le sourire aux mineurs. Le krach avait profondément entamé la rentabilité des fermes de minage, poussant certains acteurs dans leurs retranchements et certaines sociétés phares de l’industrie, cotées en bourse, ont fait faillite. Avec la hausse de ces derniers jours, les mineurs ont pu rééquilibrer leurs activités : le coût moyen de production d’un Bitcoin, qui avoisine les 18 000 USD, laisse une belle marge aux mineurs. A contrario, si le cours venait à repasser sous les 17 000 USD, l’industrie pourrait à nouveau rencontrer des difficultés.

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