La radicalité, seule issue pour la gauche face à Emmanuel Macron ?<!-- --> | Atlantico.fr
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manifestation féministres Christophe Girard mairie de Paris
manifestation féministres Christophe Girard mairie de Paris
©BERTRAND GUAY / AFP

Le "en même temps" pertinent

A la suite de la démission de Christophe Girard, Virginie Martin revient sur le climat politique et idéologique au sein de la gauche. Elle évoque également le bilan du chef de l'Etat et les enjeux pour le scrutin présidentiel de 2022.

Virginie Martin

Virginie Martin

Virginie Martin est Docteure en sciences politiques, habilitée à Diriger des Recherches en sciences de gestion, politiste, professeure à KEDGE Business School, co-responsable du comité scientifique de la Revue Politique et Parlementaire.

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Atlantico.fr : L'adjoint chargé de la culture à la mairie de Paris Christophe Girard vient d'être poussé à la démission par des féministes et écologistes de la majorité d'Anne Hidalgo. Cet événement laisse-t-il présager des règlements de compte violents à suivre au sein de la gauche en vue de l’élection présidentielle en 2022 ?

Virginie Martin : Il faut voir, dans cette demande de démission, un changement de braquet chez celles et ceux qui défendent les causes telles que le féminisme. Le féminisme qui s’excuse d’être féministe a vécu, il est terminé, il fait partie du monde d’avant. Il y a aujourd’hui un gap entre celles et ceux qui acceptent Matzneff, Polanski, Darmanin et j’en passe et celles et ceux qui ne veulent plus de ce monde là. 

Un monde construit autour du Male Gaze, c’est à dire du point de vue masculin. 

Dans une sorte d’empowerment bien légitime, les « minorités » veulent compter autant que les autres. Les travaux de la philosophe Judith Butler ne disent pas autre chose.

La gauche doit juste comprendre cela. Ni plus, ni moins. Il n’y a en fait rien d’outrancier à se faire pleinement entendre, à dire – par exemple - que dans un monde lesbien les femmes peuvent potentiellement se sentir plus confortables, car libérées de l’injection masculine-sexualisée. Virginie Despentes l’a dit depuis bien longtemps. 

C’est bizarre, comme notre société accepte que certains ministres trouvent les blagues sexistes sympas, que certains s’adonnent à des concours de drague à l’Assemblé nationale, mais que notre société ne soit pas capable d’accepter que des Noirs ou des femmes aient pleinement envie de parler de LEUR point de vue, de leur retour d’expérience. 

Si la gauche ne comprend pas cela, alors elle est de droite ! J’ai écrit un livre, sur l’universalisme des différences : le socle commun oui, mais dans le respect réciproque des différences. C’est la condition éthique pour que chacun ait une vie bonne, comme Paul Ricœur pouvait l’écrire. 

D'un point de vue historique, que laisse présager cette tendance à la radicalité pour l'avenir de la gauche ? L'alliance avec les mouvements écologistes qui comptent en leurs membres de nombreux radicaux est-elle une stratégie électorale gagnante ?

Qu’est ce que la radicalité aujourd’hui ? Est-ce que la zemourisation de la société n’est elle pas une radicalité ? Est-ce que nommer Ministre de l’intérieur, une personne ayant reconnu avoir échangé des faveurs politiques contre du sexe, n’est il pas radical ? Est-ce que le tout communication de ce gouvernement vidé de sa substance politque n’est pas une forme de radicalité ? Que dire de toutes ces postures qui perdent l’objectif du politique : à savoir le vivre ensemble. 

Le « en même temps » pertinent ce n’est pas être « et de gauche et de droite », le « en même temps » devrait être la recherche du commun : en même temps comprendre les Gilets jaunes et en même temps les combats féministes ou le malaise des handicapés ou que sais-je encore ? Le véritable « en même temps » c’est la recherche d’un commun qui se délite. 

Bien sûr, électoralement, la gauche craint d’assumer ce type de discours. Pourtant, cette même gauche arc-en-ciel gagne Marseille, Grenoble, Lyon, Bordeaux…. Ces discours aujourd’hui résonnent auprès d’une partie de la jeunesse, est-ce que cela n’est pas une signe ? Mais cette jeunesse est peu sur les plateaux TV, et les opinions se construisent dans un brouhaha médiatique compliqué à pourfendre. Cette gauche là existe, elle ne sait plus comment se raconter. 

L’extrême fragilisation des partis traditionnels, LR ou le PS, voulue et orchestrée par Emmanuel Macron, est d’une très grande dangerosité pour notre oxygène démocratique. La démocratie a besoin d’une droite solide et responsable, elle a tout autant besoin d’une gauche bien ancrée et forte. Les oppositions sont aujourd’hui encore dans le chaos : en manque de leader, de structure, de relais médiatiques et intellectuels et parfois d’argent. 

Dans ce contexte, la frilosité politique peut être une solution – on peut penser à Olivier Faure ou à des gens comme Raphaël Glucksman - ou à l’inverse, pour exister et se faire entendre, il faut frapper fort et être outrancier. 

La gauche classique doit choisir son camp ; ou elle reste chez Emmanuel Macron, quels que soient ses choix politiques ; soit elle assume cette gauche arc-en-ciel Macron incompatible. 

Le phénomène de dénonciation et de stigmatisation dépasse le champ de la gauche et s'observe également à droite. Quelle stratégie les partis traditionnels français doivent-ils adopter pour pouvoir exister en 2022 ?

Les partis politiques traditionnels doivent vraiment retrouver leur ADN originel – adapté bien sûr au goût des années 2020. Ils ont, à mes yeux, un grand avantage : c’est la faiblesse politique et philosophique d’Emmanuel Macron. Le candidat Macron avait écrit, en 2016, un livre truffé de lieux commun sans aucune colonne vertébrale. En 2017, le nouveau président se disait libéral à la fois économiquement et sur les questions de société ; il est aujourd’hui finalement plutôt stato-financier et conservateur-traditionnel. 

Au-delà de cela, il a, à ce jour un bilan plutôt médiocre : échec cuisant des négociations sur le réforme des retraites via Jean-Paul Delevoye, crise des Gilets Jaunes qui n’aurait jamais dû s’enkyster, Covid-19 non anticipé avec une communication gouvernementale désastreuse, chiffres de l’insécurité qui ont atteint les niveaux records des années 60, négociation Européenne peu bénéfique pour la France, municipales catastrophiques… Tout cela émaillé des affaires Benalla, Griveaux, Buzyn, Darmanin et de la relative médiocrité de certains ministres ou porte-parole. La conséquence est que de nombreux députés, qui avaient cru à la macronie, ont fait sécession, c’est par exemple Frédérique Dumas ou plus récemment le groupe autour d’Aurélien Taché. 

Tout cela pour dire, que si les partis traditionnels avaient une sincère volonté de jouer leur rôle d’opposants ; ils pourraient être largement audibles. Mais… ont-ils cette volonté ? Ils semblent tous un peu anesthésiés ; beaucoup semblent préférer faire du miel, soit cultiver tranquillement leur mandat local… 

Faute de combattants, il n’y aura donc pas de lutte politique. Et Emmanuel Macron peut continuer à avancer, même si lui même ne semble pas connaître son chemin. 

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