La pollution de l’air est-elle en train de nous faire perdre notre odorat ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des personnes se déplaçant à Lahore, au Pakistan, lors d'un épisode de pollution.
Des personnes se déplaçant à Lahore, au Pakistan, lors d'un épisode de pollution.
©Arif ALI / AFP

Impact sur la santé

Selon une nouvelle étude, le risque de développer une anosmie, la perte d’odorat, est multiplié par 1,6 à 1,7 en cas de pollution particulièrement forte.

Moustafa Bensafi

Moustafa Bensafi

Chercheur du CNRS au Centre de recherche en neurosciences de Lyon.

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Atlantico : Dans des environnements particuliers, industriels notamment, l’exposition aux particules fines a déjà été associée à un dysfonctionnement olfactif. Pourtant, selon plusieurs études, cette pollution aurait des effets bien plus importants au quotidien. Qu’en est-il réellement ? 

Moustafa Bensafi : Il existe plusieurs hypothèses. Les particules fines pourraient agir sur notre odorat en altérant le fonctionnement de la muqueuse olfactive dans notre cavité nasale. En inspirant, le nez attire des molécules volatiles mais aussi des particules très fines. Ces dernières pourraient altérer le fonctionnement de l’épithélium olfactif, qui comporte les neurones olfactifs. Le fonctionnement de ces neurones pourrait ainsi être perturbé. Selon des hypothèses vieilles de plusieurs années, les particules fines auraient aussi la possibilité de rentrer directement dans le cerveau. Enfin, nous nous demandons si ces particules fines affectent l’odorat dès les premières expositions ou après des expositions répétées, ce qui est d’une certaine manière plus vicieux puisqu’on ne réalise pas la perte. Selon les retours de nombreux patients, quand la perte est progressive, mais il est très compliqué de savoir si elle intervient après plusieurs mois ou plusieurs années. En somme, nous explorons plusieurs facteurs explicatifs mais de nombreuses inconnues demeurent.  

Selon l’étude, le risque de développer une anosmie - la perte d’odorat - est multiplié par 1,6 à 1,7 en cas de pollution particulièrement soutenue. Disposons-nous de données allant dans ce sens en France ? 

Cette étude a eu lieu à Baltimore. Mais une étude réalisée dans une ville précise ne correspond pas forcément à ce qu’on peut vérifier ailleurs dans le monde. En France, si nous avons déjà mené des études à grande échelle sur la perte de l'odorat, l'impact de la pollution reste flou et il n’existe pas d’étude qui démontre une anosmie causée par des particules fines. Dans le cadre d’une étude à grande échelle, il faudrait savoir ou les gens vivent, depuis combien de temps, quel âge ils ont, est-ce qu’ils ont des troubles olfactifs … Un grand nombre de facteurs entrent en compte. Ce croisement de données, après un test des individus, nous permettrait de nous faire une idée de l’effet de la pollution aux particules fines sur les performances olfactives. Enfin, on pourrait suivre les gens sur une dizaine d'années, idéalement entre 50 et 60 ans, ou intervient souvent la perte d’odorat. C’est ce qu’on appelle une étude longitudinale.  

Les effets de la pollution sur l’odorat sont-il sous-estimés ? 

C’est encore pire, puisqu’on ne parle même pas de l’effet de la pollution sur l’odorat ! On devrait en parler puisque si les effets de la pollution sont encore mal connus, ils ont largement été suggérés par des publications scientifiques. Réaliser de telles études est donc un devoir vis-à-vis du grand public et il faut également que les décideurs politiques soient au courant de ces enjeux. Enfin, il faut bien savoir que la pollution aux particules fines n’est pas seulement liée à des problèmes respiratoires, mais peut aussi toucher à des fonctions sensorielles. Il s’agit donc d’un enjeu de santé publique majeur. 

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