La peur des canicules a-t-elle changé les habitudes de vacances des Français ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Des touristes se rafraîchissent sur une plage de la ville de Nauplie, à environ 200 km au sud-ouest d'Athènes lors d'une vague de chaleur en Grèce, le 14 juillet 2023.
Des touristes se rafraîchissent sur une plage de la ville de Nauplie, à environ 200 km au sud-ouest d'Athènes lors d'une vague de chaleur en Grèce, le 14 juillet 2023.
© Louisa GOULIAMAKI / AFP

Destinations touristiques

Le sud de l'Europe est actuellement touché par une vague de chaleur extrême, notamment en Espagne et en en Grèce. Un pic à 45 °C est attendu ce week-end à Athènes.

Sylvain Trottier

Sylvain Trottier

Sylvain Trottier est fondateur de l'association Conséquences qui analyse et décrypte les impacts du changement climatique sur le quotidien des Français, au plus près des territoires, des régions, avec des alliances, des partenaires et des voix nouvelles.

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Atlantico : Selon une étude de l’IFOP, 56% des Français disent envisager un changement de leurs habitudes de vacances en raison des vagues de chaleurs et des canicules observées de plus en plus régulièrement en France. Pour autant, 47% d'entre eux soutiennent aussi qu'ils ne modifieront pas leur façon d'aborder les congés estivaux. Peut-on dire, aujourd'hui, que les canicules inquiètent les Français au point de les pousser à changer leur habitude ?

Sylvain Trottier : Alors, ce qu'on constate dans la réponse à cette question et dans ce sondage, c'est qu'il y a un signe important. Plus de la moitié des Français estimaient au mois de mai qu'ils pourraient changer leurs habitudes en raison du changement climatique cet été. Il est important de noter que cela ne se limite pas seulement à la canicule ou aux vagues de chaleur même si cela représente sans doute ce que les gens s’imaginent.

On peut également envisager d'autres conséquences telles que la sécheresse qui a affecté les sites touristiques l'été dernier, les potentielles restrictions d'eau, les incendies et les vagues de chaleur touchant plusieurs régions, en particulier dans le sud du pays. Occitanie, PACA, etc. ces régions ont été confrontées à des événements extrêmes. Il faudrait donc réexaminer cette question dans les années à venir pour évaluer les évolutions et observer concrètement s'il y a une baisse de réservations dans certaines régions et des montées dans d’autres.

Il convient également de prendre en compte le contexte inflationniste, la question du pouvoir d'achat, etc., qui influent également sur les choix de destinations de vacances.

Et quelles conséquences concrètes cela a-t-il sur les choix des vacanciers ?

 En ce qui concerne les stratégies d'adaptation, on observe deux approches distinctes. D'une part, il y a des personnes qui envisagent de partir à des périodes différentes de l'année. En examinant plus en détail les réponses au questionnaire, cela semble être principalement des personnes indépendantes, comme les personnes âgées ou les jeunes sans enfants. D'autre part, 26% des répondants déclarent changer de destination pour éviter la chaleur et les potentielles sécheresses causées par le changement climatique.

Comment se manifestent ces éventuels changements d'habitude, au cœur de l'été ? Faut-il s'attendre à une évolution des lieux touristiques les plus visités ?

L'interprétation que nous en faisons est la suivante : l'année 2022 a été un véritable tournant en ce qui concerne les événements extrêmes liés au changement climatique qui peuvent frapper le territoire. Cependant, il est important de rappeler que nous avons souvent une mémoire courte concernant les canicules et les vagues de chaleur. Nous en avons connu chaque été depuis 2015, à l'exception de 2021. La majorité de ces canicules et vagues de chaleur ont principalement touché les régions du sud du pays.

Ainsi, nous avons connu des canicules précoces ou tardives, certaines se produisant en septembre, d'autres en juin, et d’autres en plein milieu de l’été. Certaines atteignant des records de chaleur. Par exemple, en 2019, nous avons enregistré une température de 46 degrés dans l'Hérault. Il y a donc une accumulation qui pourrait faire que les Français commencent à comprendre que le changement climatique est une réalité sérieuse qui s'installe durablement et s'intensifiera dans les années à venir. 

Est-ce qu'on a d'autres indicateurs de ce type ? Outre les seules réservations et les éventuelles chutes de réservation, y-a-t-il d'autres indicateurs qui permettent d'identifier le nouveau comportement des françaises et des Français en matière de de congés ?

Dans notre étude, nous avons un autre indicateur qui, bien qu'il soit relativement faible, donne des réponses. Nous avons posé la question de savoir si les Français pensent que le changement climatique aura un impact sur l'attractivité touristique de leur région. Cette question n'est pas évidente car je ne pense pas que la plupart des Français se posent ce genre de question spontanément. 

Cependant, ce que nous avons observé, c'est que certains départements, comme la Bretagne et la Normandie, semblaient être plus optimistes que la moyenne et estimaient que cela aurait une influence positive. Nous avons testé cette question à la fois auprès d'un panel national de Français et auprès d'un panel de Français vivant dans la région PACA. Nous voulions justement pouvoir comparer les réponses. Il s'avère que 36% des habitants de la région PACA pensent que le changement climatique aura une incidence, contre 28% pour l'ensemble des Français.

Cela indique une certaine prise de conscience de l'impact que ces vagues de chaleur et ces sécheresses pourraient avoir, surtout dans la région PACA. Ils ont sans doute conscience que les été à venir vont être de plus en plus chauds, que le risque d'incendie va augmenter, et les habitants de PACA ont une très forte sensibilité au risque incendie. Ils savent que leur région est aux premières loges des changements climatiques et des impacts de ces dernières, notamment en été.

Mais, en tout cas, les changements climatiques vont modifier le paysage et l'activité touristique du pays, c'est une certitude et les habitants le savent. Les touristes ne viendront plus, ou en tout cas pas au moment fort de l’année.

Quelles sont les destinations qui pourraient se dépeupler, en France ? A-t-on une idée de l'impact économique sur ces dernières ?

Une autre étude qui est sortie récemment mentionnait les départements bretons, normands et de la Picardie, notamment la baie de Somme et le Nord-Pas-de-Calais. Ces lieux correspondent à une double réalité climatique et économique.

Est-ce que on a une petite idée de l'impact économique sur les départements du fait de ces changements d'habitude des Français ?

Non, ce sont des données qu'on n'a pas du tout. Et en plus à priori c'est des questions qu’on ne se posait pas encore il y a quelques temps donc on n’a pas fait les premières études. On aura un premier bilan touristique en septembre qui permettra sans doute d’y voir plus clair. Je pense que la Bretagne va exploser. Mais ce ne sera pas non plus une baisse drastique en PACA. 

En dehors du potentiel changement de leur destination de vacances préférée, faut-il s'attendre à des bouleversements de comportement ?

Eh bien, concernant l'eau, c'est clair que c'est considéré comme une forme d'adaptation ou de changement de comportement. On constate que les Français ont pris conscience de l'impact très important du changement climatique sur l'accès à l'eau et les ressources en eau. C'est donc l'un des comportements qu'ils sont prêts à changer massivement en défense de l'environnement. Cela concerne non seulement les vacances, mais aussi leur vie quotidienne. Ils cherchent à réduire leur consommation d'eau, à utiliser des récupérateurs d'eau, et ainsi de suite. C'est quelque chose qui s'est développé de manière significative ces derniers mois, principalement en raison de la sécheresse prolongée que nous connaissons depuis janvier 2022. 

Les Français prennent donc conscience que la ressource en eau se raréfie. Ce changement de mentalité s'est opéré relativement rapidement, ce qui est plutôt une bonne nouvelle et témoigne d'une prise de conscience de la nécessité de la sobriété dans les années à venir.

Lorsque nous avons commandé cette étude, nous nous sommes également dit que l'été était une saison fortement impactée par les changements climatiques, comme le confirment les données scientifiques. Nous nous attendons à ce que les étés à venir fassent que 2022 soit considéré comme normal voir frais.

Il semble que cette prise de conscience commence à s'installer chez les Français, et c'est pourquoi nous constatons des signaux faibles indiquant qu'ils commencent à anticiper que cette situation ne va pas changer du jour au lendemain. 

En effet, la tendance des étés chauds et des périodes de sécheresse se répète depuis plusieurs années, ce qui indique une tendance lourde. Les Français, malgré les débats entourant les solutions à apporter, ont une réelle conscience de l'engagement du changement climatique. Il est donc nécessaire de s'adapter à cette réalité.

Sylvain Trottier est fondateur de l'Association Conséquences

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