La Nupes, étrange enfant illégitime de Jean-Luc Mélenchon et d’Emmanuel Macron ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Luc Mélenchon présente le programme de la NUPES aux côtés de plusieurs figures majeures de la gauche comme Olivier Faure (PS), Julien Bayou (EELV) et Clémence Guetté (LFI)..
Jean-Luc Mélenchon présente le programme de la NUPES aux côtés de plusieurs figures majeures de la gauche comme Olivier Faure (PS), Julien Bayou (EELV) et Clémence Guetté (LFI)..
©Thomas SAMSON / AFP

Gauche Frankenstein

L’alliance électorale entre LFI, EELV, le PS et le PC fête ses un an ce dimanche.

Virginie Martin

Virginie Martin

Virginie Martin est Docteure en sciences politiques, habilitée à Diriger des Recherches en sciences de gestion, politiste, professeure à KEDGE Business School, co-responsable du comité scientifique de la Revue Politique et Parlementaire.

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Atlantico : La NUPES, l’alliance électorale entre LFI, EELV, le PS et le PC, fête ses un an ce dimanche. Alors que les polémiques et les conflits internes se multiplient (sur les européennes, sur les black blocs, etc.). Où en est la NUPES ? Quelle part de responsabilité tient Jean-Luc Mélenchon dans l’état de la gauche ?

Virginie Martin : Tout d’abord, il faut reconnaître à cet attelage, à cette forme de gauche arc-en-ciel d’avoir imposé certaines thématiques dans les médias : surtout sur les enjeux liés au féminisme et à l’écologie. Ces enjeux sont maintenant devenus incontournables - même si chacun des partis les traite à sa manière et… même si l’affaire Quatennens reste un couac dans les valeurs portées par l’intergroupe ; ces enjeux ont pris leur pleine place dans l’agenda médiatique.

Concernant l’alliance, c’est un peu plus complexe, de même que l’ombre omniprésente de Mélenchon.

Celui-ci est à la fois la dynamique et le plafond de verre de cette aventure.

Il est l’initiative de la mise en mouvement et en musique de cet intergroupe ; mais il joue aussi certainement une forme d’étouffoir, et trace une limite à l’expansion du groupe. 

Il est indispensable de peser, d’exister dans le grand tout médiatique, mais il faut aussi savoir incarner un leadership mesuré et respectueux. La présence de Jean-Luc Mélenchon garantit les feux des médias sur la NUPES – ou plutôt sur LFI – mais justement étouffe les leaderships à venir et met la lumière sur une LFI dominante.

Tout ceci dans un grand tout paradoxal puisque Jean-Luc Mélenchon ne cesse de fustiger l’hyper personnalisation de la Vème république, lui qui n’a de cesse de personnaliser, de « name brander » LFI.

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D’ailleurs, au sein de l’attelage Nupes nombreux sont ceux et celles qui évoquent aujourd’hui une camisole (Fabien Roussel), des pressions (Marine Tondelier) et qui expriment le besoin de retrouver une marge de liberté plus ample.

Les élections européennes approchent et avec elles deux éléments surgissent qui vont à l’encontre d’une liste commune pour cette échéance de 2024 : d’une part, les membres de l’équipage NUPES ne partagent pas exactement la même vision de l’Union européenne – même si comme le rappelle Manon Aubry LFI a adouci ses positions – d’autre part, le mode de scrutin à la proportionnelle incite fortement chaque membre à partir de manière isolée.

On le voit la NUPES est un effet bannière-tactique, mais pas encore tout à fait un effet de marque-programme solidifié. Le sera-t-elle un jour ?

Quelle est surtout la part de responsabilité d’Emmanuel Macron et du macronisme dans la situation de la gauche ?

Emmanuel Macron a joué avec le système français et a voulu enjamber le clivage gauche droite. Dans une dynamique de triangulation connue notamment chez Tony Blair : il est question d’aller au-delà des clivages, d’aller prendre les idées du camp adversaire et bien sûr de détruire toute idéologie pour atteindre des objectifs …. C’est ce que l’éminent Anthony Giddens conseillait à Tony Blair : ne pas s’encombrer des idéologies, rester flexible et souple et conserver le pouvoir…

Emmanuel Macron s’est largement inspiré de ces stratégies et a joué avec le système jusqu’a le dominer tactiquement et le détruire dans les urnes. 

C’est certainement là que réside le problème.

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En effet, en siphonnant la gauche de gouvernement et la droite de gouvernement il a détruit l’espoir d’une alternance à portée de main. 

Sans cette alternance espérée, réalisable, l’indulgence face au pouvoir en place n’est plus possible.

Le citoyen se sent comme menotté dans une situation intenable. Son camp n’arrivera jamais au pouvoir ; ou ce sera très difficile. 

Car, il est à noter, que le peuple qui refuse Macron n’a pas, dans la grande majorité, envie d’une matrice purement Mélenchon ou Le Pen. A la fin, l’élection se gagne plus ou moins « au centre », en tout cas via des partis dits de gouvernement et dont la fonction tribunitienne / conflictuelle n’est pas le cœur du logiciel ; d’où les deux victoires de Macron (et si le duel avait été JLM – Macron le gagnant aurait certainement été le même).

L’ultra fragilisation du clivage prive d’oxygène démocratique et radicalise mécaniquement les oppositions.

Pour s’opposer à celui – Emmanuel Macron - qui mordu à gauche et à droite, il est en effet mécaniquement nécessaire d’aller plus loin à droite (même si pour le RN la ligne est plus tortueuse) et plus loin à gauche. 

Mais ces radicalités ne faisant pas toujours adhésion, les électorats se trouvent coincés dans un système privé de sortie… et Macron passe et repasse.

Comment et pourquoi la destruction du clivage gauche droite, sciemment voulue par Emmanuel Macron, a-t-elle mené à l’état de la gauche, à la fois zombie et radicale, que l’on observe aujourd’hui avec la Nupes ?

Je ne suis pas sûre qu’elle soit zombie !

Mais elle manque d’une ligne claire, d’un programme commun, ou a minima d’un socle, d’un plus petit dénominateur commun. Certes, face aux (non) débats sur la réforme des retraites, le passage souhaité à la 6ème république, semble de plus en plus convaincre, mais ce n’est pas suffisant.

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Sur d’autres points, le bât blesse. 

Les dissensions sur l’Europe, le nucléaire, l’éco-féminisme, l’écologie, l’anti-capitalisme, la décroissance sont fortes et peut être irréconciliables. Le style et les méthodes peuvent aussi créer des divergences.

Mais quand EELV veut partir seul aux européennes - par exemple - on voit que LFI s’accroche à cet attelage à tout prix. Il faut comprendre que LFI n’a pas intérêt à se retrouver seule aux marges gauche de l’échiquier politique…. Une chose a été très peu dite : la présence d’autres partis a édulcoré l’image de LFI aux législatives de 2022…. Les insoumis le savent. La France Insoumise a besoin de cet attelage, peut être encore plus que les autres… même si la formation a toujours son bruyant leader et que le PCF, le PS comme EELV n’ont pour l’instant que des chefs en recherche de leadership…

Quel horizon la gauche a-t-elle face à cela et face à la persistance du macronisme ?

L’attelage NUPES est-il capable de s’ouvrir au PS façon Cazeneuve et réciproquement ? Là est peut-être la question et la solution. Mais ce cas de figure nous ramène à l’antienne des « gauches irréconciliables », voire pire puisqu’il est clair aujourd’hui, pour beaucoup au sein de la NUPES, que Cazeneuve et consorts ne sont pas de gauche. Dont acte.

La question de la ligne et du leadership reste donc entière.

De même que la nécessité absolue d’aller chercher des électorats manquants : et notamment celui de la classe ouvrière qui massivement soutient le RN. La classe ouvrière a muté, elle n’est plus celle qui votait pour le PC, elle est moins homogène, elle est précarisée par le chômage lié à la désindustrialisation… les temps ont changé et, si le syndicalisme cégétiste reprend de la vigueur à la faveur des débats actuels, il n’est pas certain que cette classe ouvrière se retrouve dans tous les replis de la NUPES et se détourne in fine du RN. L’articulation des questions sociétales, sociales et écologistes ne forment pas encore tout à fait un logiciel cohérent et séduisant pour certains électorats.

Plus globalement, le macronisme - et ses suites – a encore de beaux jours devant lui en ayant mécaniquement réduit les oppositions à leur radicalité.

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