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Des éoliennes et une sous-station électrique sur le premier parc éolien offshore français au large des côtes de la Turballe, dans l'ouest de la France, le 30 septembre 2022.
Des éoliennes et une sous-station électrique sur le premier parc éolien offshore français au large des côtes de la Turballe, dans l'ouest de la France, le 30 septembre 2022.
©DAMIEN MEYER / AFP

Transition énergétique

Les défaillances des câbles sous-marins pourraient limiter les projets d'implantations d'éoliennes offshore.

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Atlantico : Le Global Underwater Hub (GUH) mène une lutte contre les défaillances des câbles sous-marins et affirme que ces derniers pourraient faire dérailler les ambitions mondiales de l’éolien offshore. Comment l’expliquer ?

Damien Ernst : Il faut bien comprendre la réalité de ces câbles sous-marins. Avec les éoliennes, il y a des câbles qui ramènent la puissance des éoliennes directement sur terre ou cela passe par une plateforme intermédiaire. Avec un gros câble, il est possible de ramener la puissance de différentes fermes éoliennes. Des plateformes offshore peuvent centraliser les câbles. Mais cela repose sur des opérations délicates à faire. D’autant plus que les câbles sont dans un milieu aqueux, corrosif. Il y a également des risques de perturbateurs extérieurs sur les câbles comme les ancres des bateaux ou le fait que les câbles se croisent sous l’eau. Dans la zone où  le câble passe de l’éolienne et va dans le fond de l’eau, il peut y avoir également une  tension mécanique très forte sur ce dernier. Le problème va se poser notamment pour les nouvelles éoliennes offshore. Elles seront progressivement installées dans des zones où la  profondeur de l’eau sera de plus en plus grande. Ces technologies-là ne sont pas encore très bien maîtrisées.

Au regard de ce contexte, ces pièces d’ingénierie font un peu peur en termes de fiabilité. Il n’y a pas un grand recul sur ces technologies. Il peut y avoir des surprises avec des défaillances après une dizaine ou une quinzaine d’années. Si vous voulez assurer ces pièces d’infrastructure, les assureurs sont craintifs et font jouer une clause liée à l’incertitude et au danger qu’ils ne peuvent pas nécessairement apprivoiser et quantifier de manière correcte. Cela entraîne une explosion des coûts en assurance.

La multiplication de ces défaillances sur les câbles sous-marins pourrait-elle faire dérailler les projets de champs d’éoliennes en mer ?

Les défaillances, la complexité des ouvrages et les coûts d’assurance se répercutent sur la facture du consommateur.

Lorsque l’on voit le prix de l’éolien offshore de 40 à 50 euros par MWh, cela correspond au prix pour la production du mégawatt-heure. Mais lorsque l’on arrive à la grille offshore pour ramener ces MWh sur terre, l’investissement est déjà de 10 à 20 euros par mégawatt-heure. Cela devient donc un investissement significatif et qui n’est pas négligeable par rapport aux prix de production de l’éolien.

Il y a une malédiction de l’éolien offshore. Plus l’éolien offshore se développe, plus le prix des connexions va augmenter. Cette technologie se développe d’abord près des côtes avec une distance approximative fixée à 10 kilomètres. Mais en réalité, elle finit par se développer de plus en plus loin des côtes, et le coût des câbles va alors augmenter avec la longueur.

Plus les éoliennes seront loin des côtes et plus la mer sera profonde, plus les technologies pour installer les éoliennes seront coûteuses. Il faudra ensuite passer à des éoliennes flottantes, amarrées au sol sur une grande profondeur. Cela va générer un coût supplémentaire.

Contrairement au photovoltaïque, l’éolien offshore souffre de ce problème-là. Plus l’éolien offshore sera développé, avec des technologies de mieux en mieux maîtrisées et avec des économies d’échelle liées au nombre d’éoliennes fabriquées, plus il sera difficile d’échapper à cette malédiction-là et à cette dérive des coûts.      

Quelles pourraient être les conséquences de ce phénomène ? Cela peut-il remettre en cause les objectifs mondiaux de zéro émission nette pour 2050 ?

Lorsque l’on n’est pas un spécialiste du secteur de l’énergie, il est possible de s’enthousiasmer très rapidement par rapport à l’éolien offshore. Mais lorsque vous faîtes de l’ingénierie, vous remarquez que les défis liés à l’éolien offshore sont considérables. C’est la raison pour laquelle de nombreux projets d’éoliennes offshore ont été annulés récemment, notamment aux Etats-Unis. Des projets de parcs éoliens offshore, portés par le géant danois Orsted, ont été abandonnés à cause du coût et notamment avec l’inflation des matières premières et suite à une meilleure compréhension des difficultés techniques et des surcoûts associés à ce type de projets.

Pour l’éolien offshore, les projets vont se développer nettement moins vite que prévu. Les parcs éoliens seront de plus en plus éloignés des côtes et cela entraînera une flambée des coûts. Cela va amplifier les problèmes de coûts liés à l’installation des éoliennes et liés aux câbles qui sont plus longs car ces éoliennes sont installées dans une mer plus profonde ou sur un site plus éloigné.

L’éolien offshore reste donc un domaine assez délicat en termes de coût.  

Quelles solutions s’offrent à nous pour assurer la bonne tenue des câbles sous-marins, et donc des projets éoliens offshore ?

La meilleure manière de s’assurer que ces projets soient bien faits et que ces installations soient suffisamment robustes est de prendre des projets qui ont déjà été faits. Il va falloir scruter avec attention l’évolution des parcs éoliens offshore qui sont installés. Il sera aussi nécessaire de mutualiser les connaissances et être en capacité de tirer des leçons des erreurs.

Pour les prochaines fermes offshore qui vont être installées, il n’est pas impossible d’exclure qu’il y ait des mauvais retours d’expérience après une période de 5 ou 10 ans. Des incidents pourraient survenir. Les câbles pourraient s’abîmer et se briser.

Un phénomène inquiète particulièrement pour les câbles qui arrimeront les éoliennes offshore. Il concerne les vibrations dans ces câbles. Les pièces mécaniques qui vibrent ont tendance à s’user plus rapidement. Ces phénomènes peuvent menacer ces infrastructures-là. L’ingénierie n’est pas quelque chose de magique. Cela nécessite un apprentissage continu et une quête vers les améliorations potentielles.

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