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La méthode Bezos : seriez-vous capable d'appliquer les 3 principes qui ont permis à Jeff Bezos de devenir le nouvel homme le plus riche du monde ?
©Reuters

Gestion

Jeff Bezos, le patron de l'entreprise Amazon est devenu l'homme le plus riche du monde pendant une journée selon les calculs de Forbes avant de repasser derrière Bill Gates à la clôture de Wall Street. Si vous voulez le concurrencer au classement veillez à suivre, à son instar, ces trois astuces de management.

Aurore Haas

Aurore Haas

Ancienne consultante chez McKinsey & Company et directrice de projets au sein de General Electric, Aurore Haas est professeure de Stratégie et de Knowledge Management à Skema Business School. Ses travaux de recherche portent en particulier sur la création et le partage des connaissances et de la data dans l’entreprise.

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Atlantico : Jeff Bezos, le directeur d'Amazon suit trois principes pour pouvoir prendre des décisions rapidement. L'une des choses est de ne pas attendre d'avoir toute les informations pour prendre une décision, accepter de ne pas être d'accord avec tout le monde et accepter que des accords ne sont pas toujours possibles. En quoi est-ce que ces trois principes permettent de prendre de bonnes décisions rapidement ? 

Aurore Haas : La première question que l’on pourrait se poser, c'est de savoir si ces trois principes peuvent s’appliquer dans toutes les situations. Pour que ces principes fonctionnent, il faut que l'organisation sache s'adapter en cas de mauvaise décision. L'entreprise doit être agile et avoir mis en place des processus d'apprentissage de type "Test and learn" (tester et apprendre de ses erreurs). C'est un préalable à mettre en avant. Pour les autres, les entreprises plus lentes, qui ont du mal à apprendre de leurs erreurs, qui n'acceptent pas l'expérimentation, ce type de processus peut conduire plus rapidement à l'échec. Dans le cas d'une entreprise agile, ces trois règles peuvent cependant être intéressantes.

Ces règles ne sont pas très innovantes. Jeff Bezos veut avoir 70% de l'information avant de prendre une décision, cela renvoie avant tout à la règle des "80-20", c’est-à-dire que les responsables estiment pouvoir prendre une décision dès lors qu'ils possèdent 80% des informations nécessaires. Les 20% restants correspondent à des redondances par rapport à ce que le manager sait déjà. C'est un niveau de détail supplémentaire qui n'est pas décisif. Cette règle est utilisée depuis 20 à 30 ans dans le management des entreprises. Les consultants l'utilisent souvent. Après, pourquoi utiliser ce seuil, c'est un autre sujet. En fait, cela correspond au principe de Pareto qui date de la fin du 19ème siècle. La règle "70-30" pour Jeff Bezos et « 80-20 » de façon générale est testée depuis longtemps par la recherche.

La règle sur le désaccord correspond plus à une invitation à l'adresse des managers à être plus attentifs aux apports de leurs collaborateurs et être plus ouverts. Mais un bon manager le fait régulièrement. Il ne pense pas détenir toute la vérité et tient compte de l’avis des collaborateurs qui sont plus proches du terrain et de la réalité de l'entreprise. Ce principe permet entre autres d'éviter des phénomènes de type "groupe think", c’est-à-dire, des réflexions d’équipe où le conformisme de la pensée domine. Ce phénomène mène à moins d'innovation et de créativité.

La dernière règle est assez étonnante parce qu'elle dit également que : "au lieu de discuter, si un accord est impossible, allez voir la hiérarchie". Ce n'est pas une révolution non plus dans la mesure où c'est ce qui se fait dans la plupart des entreprises. Quotidiennement, quand il y a un souci entre les équipes, qu'il y a une décision à prendre, on se réfère aux managers. C'est cependant l'occasion de se poser la question de savoir si l'accès aux managers est facile. De plus, les différentes équipes au sein d'une entreprise doivent faire attention à ne pas surcharger les managers avec ce type de prise de décision. Les managers n'ont pas à arbitrer constamment entre les différends entre les équipes, cela peut leur prendre du temps et amener une moins bonne prise de décision.

Est-ce que cette méthode de management est à la portée de tous ? Dans quels cas peut-elle s'avérer efficace et dans quels autres cas elle peut s'avérer contre-productive pour une entreprise ? 

Pour que cette méthode fonctionne, il faut être attentif à plusieurs principes. Tout d’abord, l'entreprise doit être en mesure de réagir rapidement en cas de mauvaise décision. L'agilité au sein d'une entreprise ne s'improvise pas. L’entreprise doit repenser sa culture interne. Des processus d'apprentissage doivent être mis en place. L’entreprise doit notamment pouvoir apprendre des erreurs commises afin de rebondir. Dans ce cadre, les personnes qui prennent les mauvaises décisions ne seront pas nécessairement sanctionnées. On leur laissera le temps de tester de nouvelles idées. Après, tout dépend de l'enjeu de la prise de décision. Celui-ci est intimement lié au secteur de l'entreprise. Il ne faut pas oublier qu'une entreprise comme Amazon est située dans le commerce en ligne, la distribution, le pire serait qu'un colis ne soit pas livré à temps ou à la bonne personne. On est loin des secteurs qui touchent à la sécurité ou à la santé, où des vies peuvent être en jeu. Là, la rapidité ne doit pas l'emporter au détriment de la réflexion. Les chantiers d'Areva ou les décisions prises pour les hôpitaux sont deux situations complètement différentes et la prise de décision dans ce cadre nécessite de prendre le temps de la réflexion. Les conséquences d'une mauvaise décision peuvent-être beaucoup plus graves dans ces contextes, et on ne comprend les conséquences des décisions que des années plus tard. 

Peut-on distinguer une différence de style dans le management de grandes entreprises françaises et américaines ? Les entreprises françaises utilisent-elles ces mêmes méthodes pour bâtir leur succès ?

Il y a de grandes différences dans le management entre les entreprises américaines et françaises. Cela s'applique par exemple pour le rapport à la hiérarchie, le rôle que peut jouer le groupe dans la prise de décision. Sans aller jusqu'aux Etats-Unis, les Français ont un style bien particulier par rapport à leurs voisins européens. En France, la prise de décision sera très hiérarchique alors qu'aux Pays-Bas, on est plus dans le consensus. Cela ne veut pas dire pour autant que ces principes de management ne peuvent pas s'appliquer dans des entreprises françaises. Elles gagneraient à être plus réactives et plus agiles, en particulier dans les nouvelles technologies. 

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