La malédiction des Halles de Paris plane toujours sur le site : la preuve par la Canopée<!-- --> | Atlantico.fr
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La malédiction des Halles de Paris (voir ci-dessus) a encore frappé.
La malédiction des Halles de Paris (voir ci-dessus) a encore frappé.
©Reuters

Enfer et damnation

Un architecte par ailleurs estimable, Berger, a embobiné le jury en présentant une "feuille légère aérienne et transparente en lévitation" qui flotterait sur le site. C’était évidemment impossible, et le résultat navrant et consternant est inauguré ces jours-ci.

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Serge Federbusch

Serge Federbusch est président d'Aimer Paris et candidat à l'élection municipale de 2020. Il est l'auteur de La marche des lemmings ou la 2e mort de Charlie, et de Nous-Fossoyeurs : le vrai bilan d'un fatal quinquennat, chez Plon.

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A tous ceux qui se demandent consternés comment l’énorme bubon à un milliard d’euros, tripaille comprise, inauguré hier aux Halles sous le nom de Canopée, a pu être construit ; comment ce couvercle gigantesque, grand comme la place des Vosges, couleur jaune pisseux, ce fatras de barres métalliques convulsives promis au destin de navire amiral des pigeons de Paris a pu emporter l’adhésion des édiles de la capitale, je dois un rappel historique et une confession.

Tout commence par le grand déménagement des dépouilles et ossements du cimetière des Innocents, remontant aux Mérovingiens, sous le règne de Louis XVI. Des centaines de milliers de Parisiens ou ce qu’il en restait furent déterrés pour prendre le chemin des catacombes en 1786 et 1786. Brrr. Les mystiques peuvent penser que ce sacrilège, cette profanation, eurent raison de la monarchie capétienne cinq ans plus tard.

Vint, après quelques décennies d’errements et la destruction d’un gros bâtiment lourdingue désigné par les Parisiens sous le sobriquet de Fort des Halles, l’heureuse parenthèse des halles de Baltard voulues par Napoléon III. Hélas, l’appétit des promoteurs et le souci de donner du travail aux entreprises qui étaient l’arme au pied à la Villette, scandale majeur de l’ère pompidolienne, eurent raison de ces élégantes structures métalliques quand le marché de gros fut délocalisé. En 1973, ce n’était plus que ruines puis qu’un énorme trou au coeur de la ville.

Paris eut droit alors à une succession de gestes mal jointifs : les pavillons de Willerval, les arcades de Vasconi et les treillages des Lalanne. Tout cela était confus et indigne du centre de l’une des plus belles villes du monde.

Jeune homme, je rêvais à leur destruction sitôt les avoir vu pousser. Le hasard de l’existence me donna la possibilité de transformer le rêve en réalité à partir de 2002 quand, au sortir du cabinet du maire de Paris, je fus nommé directeur général de l’entreprise en charge du dossier.

Une sorte de concours architectural un peu bâtard, dit marché de définitions, fut lancé. C’était à la mode à l’époque. Miracle ! Un projet sublime et étincelant en surgit : celui d’un architecte hollandais du nom de Rem Koolhaas. Il innovait formellement et fonctionnellement par une série de bâtiments connectant le sol et le sous-sol. Hélas, il déplaisait au gestionnaire du centre commercial, le groupe Unibail, qui s’employa à le torpiller avec une association de riverains dans le rôle de l’idiot utile.

Delanoë, maire de Paris qui ne pensait qu’à la com’ facile et craignait les décisions hardies, leur emboîta le pas. Même Le Monde et Libération l’étrillèrent sur le coup ! La société d’économie mixte que je dirigeais fut carrément dissoute peu après ...

Marri de son échec aux JO, le susdit Delanoë s’avisa pourtant un an plus tard qu’il faudrait un tralala architectural quelque part à Paris pour faire oublier ses déboires. On convoqua un concours international pour tenter de transformer le couvercle prévu par l’insipide architecte Mangin en une oeuvre d’art. Mais on ne transforme pas un crapaud en princesse quand on n’a pas de baguette magique.

Atteint par la malédiction des Halles, un architecte par ailleurs estimable, Berger, embobina le jury en présentant une «feuille légère aérienne et transparente en lévitation» qui flotterait sur le site. C’était évidemment impossible et le résultat navrant et consternant est inauguré ces jours ci.

Malgré les efforts de propagande énormes déployés par la mairie, les braves gens voient désormais l’imposture. Ils apprennent aussi que ce ratage a coûté une fortune et, qu’au passage, Unibail, qui n’avait qu’un bail emphytéotique est devenu pleinement propriétaire des lieux. Bref, c’est un échec architectural, urbain, financier, politique et humain.

La malédiction des Halles a encore frappé. Puisse un jour Paris en être délivré.

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