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La lutte contre l'homophobie réussira-t-elle à éviter les mêmes travers que la lutte contre le racisme ?
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Effet miroir

Manuel Valls a déclaré qu'il souhaitait condamner plus fortement les actes homophobes. La lutte contre l'homophobie peut-elle basculer dans le communautarisme, comme a pu le faire la lutte contre le racisme ?

Patrick Lozès

Patrick Lozès

Patrick Lozès a fondé le CRAN (Conseil représentatif des associations noires) et en était le président jusqu'en mai 2011. Diplômé de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris, il est l'auteur de Les noirs sont-ils des Français à part entière ? (Larousse, 2009).

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Atlantico : Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a déclaré qu'il souhaitait " incriminer davantage par la loi le discours et les actes homophobes". En voulant renforcer la loi, existe-t-il un risque de tomber dans les même travers que la lutte contre le racisme ? Lesquels en particulier ? Et pour quelles raisons ?

Patrick Lozes : En proposant dans le sillage de la loi sur le mariage des personnes de même sexe, "d’incriminer davantage par la loi le discours et les actes homophobes", le ministre de l’Intérieur prend le risque de précipiter la lutte contre l’homophobie dans les mêmes travers que la lutte contre le racisme.
La tentation qui consiste à chercher du racisme partout y compris là où il y a plutôt de la maladresse est contre-productive pour l'antiracisme. Voir le racisme là où il n’y en a pas, conduit à déplacer du mauvais côté le curseur de la nécessaire indignation de la société contre le racisme.
Je tire aujourd’hui la sonnette d’alarme pour la lutte contre l’homophobie. Considérer que les opposants à la loi sur le mariage des personnes de même sexe sont forcément homophobes, ne rend pas service à la lutte contre l’homophobie.
La lutte contre l’homophobie a été particulièrement efficace ces dernières années, et c’est une bonne chose, mais je crains que le mariage des personnes de même sexe ne présage une victoire à la Pyrrhus car la manière dont ce mariage a été présenté et obtenu rend beaucoup moins sympathique à beaucoup de nos concitoyens la lutte contre l'homophobie pourtant fort légitime.

A trop crier au loup, on finit par ne plus y croire. C’est valable aussi dans la lutte contre les intolérances !
J’appelle le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, la garde des Sceaux Christiane Taubira et la ministre du Droit des femmes Najat Vallaud-Belkacem à ne pas faire un cadeau empoisonné à la lutte contre l’homophobie !

Est-ce que sur-médiatiser les actes homophobes ou racistes, réveille et engendre encore plus de violences ? Dans quelles mesures ?

La médiatisation participe du processus de reconstruction après une agression en indiquant le caractère inacceptable de l’acte homophobe ou raciste. La médiatisation rend compte de l’indignation que suscite cet acte. Cependant la sur-médiatisation n’aide pas la victime, elle écorne même l’empathie à l’égard de la personne agressée.
La sur-médiatisation engendre de l’incompréhension. Les excès sont rarement bénéfiques.

Comment l'éviter ?

La sur-médiatisation qui ne vient pas d’un seul média est un phénomène difficile à mesurer pendant qu’il est en cours et dont on ne s’aperçoit que lorsqu’il est déjà trop tard. Sans qu’il faille prôner la censure, une des solutions consiste à favoriser l’expression des points de vue divergents sur le traitement médiatique des actes homophobes ou racistes.
Il y a des activistes pour lesquels il n’y a aura jamais d’excès lorsqu’il s’agit de lutter contre le racisme, de même, il est des personnes pour lesquelles l’homophobie est une cause pour laquelle la fin justifie tous les moyens. Pour ces activistes-là, peu importent les conséquences, toutes les bornes doivent être franchies le plus rapidement possible. En ignorant les dégâts collatéraux, ces jusqu’auboutistes deviennent paradoxalement  les pires ennemis de la lutte contre le racisme et l’homophobie.
La lutte contre le racisme ou l’homophobie ne devrait pas être la chasse gardée des plus extrémistes ni de ceux qui estiment qu’il faut une phase d’hyper visibilité qui est censée accélérer l’acceptation et la reconnaissance avant de laisser la place à l’invisibilité qui serait la finalité. Même dans la lutte contre le racisme et l’homophobie, la diversité des opinions est indispensable.

Comment trouver le bon équilibre pour lutter contre l’homophobie ou contre le racisme ? Ou fixer les limites de la loi ?

Aujourd’hui le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit. Toutes les intolérances peuvent-elles devenir des délits sans que l’on ne porte atteinte à la liberté d’expression ? La question mérite d’être posée.
On sait que les luttes contre le racisme et l’homophobie s’inspirent mutuellement, le législateur devrait donc analyser les effets des lois sur le racisme et faire preuve de vigilance autant que de sagesse avant de légiférer à nouveau sur des questions réputées proches.
Propos recueillis par Manon Hombourger

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