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La jeunesse de NKM : une gothique au palais Bourbon
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Bonnes feuilles

Son visage s'impose dans l'imaginaire des Français, mais connaît-on vraiment Nathalie Kosciusko-Morizet ? Les auteurs Olivier Faye et Gaspard Dhellemmes retracent le parcours de celle qui a su s'imposer en moins d'une dizaine d'années comme l'une des rares femmes en mesure de conquérir un jour l'Elysée. Extrait de "NKM, la femme de premier rang" (2/2).

« Eh, dis donc, ta collègue il faut qu’elle badge ! » Face à l’impair commis par l’huissier du 101, rue de l’université, Stanislas Bosch-Chomont secoue la tête dans un mouvement de dépit. « Ce n’est pas ma collègue, c’est ma patronne… » Voilà à coup sûr l’image de Nathalie Kosciusko-Morizet bien collée dans la rétine de l’agent d’accueil pour les cinq années à venir. Ce n’est pas la première fois que le jeune attaché parlementaire assiste à ce genre de méprise. Comble de la vexation, sa député s’est même vue un jour bloquer l’entrée dans l’hémicycle par une de ses paires. « Le public n’est pas autorisé à entrer », lui avait lancé la gaffeuse. Il faut dire que dans cette Assemblée composée à 90 % d’hommes et dont la moyenne d’âge s’élève à 53 ans, la jeune élue détonne. Nouvelle venue atypique de cette rentrée parlementaire 2002, Nathalie Kosciusko-Morizet a fort à faire pour obtenir l’estime de ses aînés. Peu de députés ignorent que la jeune femme n’a pas été élue sur son nom, et doit sa présence au palais Bourbon à l’insistance de parrains très hautsplacés. Surtout, elle passe avec sa diction et son port aristocratique pour être un peu condescendante. « Le problème avec les X, c’est qu’ils comprennent trop vite et qu’on a l’impression qu’ils prennent tous les autres pour des cons… », se plaint dans Le Point un membre de la chambre basse(2). La première question au gouvernement de la nouvelle élue de l’Essonne n’arrange rien à sa réputation. Fébrile, chahutée par ses voisins qui s’agglutinent autour d’elle, NKM s’adresse d’un ton sec à celle qui était encore sa supérieure quelques semaines plus tôt, Roselyne Bachelot, ministre de l’Écologie. Une tirade sentencieuse de deux minutes, apprise par coeur, à propos de la dernière conférence sur le climat. « Cette jeune femme est très stressée, elle a une attitude enfantine et puérile », se dit alors la ministre. Au bout de quelques mois, ses collègues la jugent « un peu bizarre », avec son cheveu sur la langue et ses tuniques sombres à mitaines qui la font parfois passer pour une adolescente gothique.

« Elle m’emmerde, elle veut aller trop vite »

La jeune député agace aussi à cause de son impatience à gravir les échelons. À peine élue, elle milite déjà auprès de Jacques Chirac pour obtenir un portefeuille ministériel. La vie est courte, inutile de laisser le poids des ans lui peser sur les épaules avant de pouvoir vraiment agir. À la veille des élections régionales de mars 2004, son nom circule pour entrer au gouvernement sur son domaine de spécialité : l’écologie. Roselyne Bachelot doit être débarquée au lendemain du scrutin et avec elle sa secrétaire d’État, Tokia Saïfi, censée rejoindre le Parlement européen à l’issue des européennes de juin. Il est prévu de nommer Serge Lepeltier ministre de plein exercice et de lui adjoindre les services de la jeune Kosciusko. Les cartons sont prêts de part et d’autre quand Lepeltier, conscient de la capacité de sa cadette à prendre la lumière, s’oppose in fine à sa nomination. Il avait senti le danger en la voyant demander à ce que son secrétariat d’État soit rattaché au Premier ministre. La député de l’Essonne frappe une nouvelle fois à la porte du gouvernement au lendemain du référendum perdu sur le traité constitutionnel européen de 2005. Jacques Chirac décide alors d’appeler à Matignon Dominique de Villepin, en remplacement de Jean-Pierre Raffarin. L’homme du Poitou a été usé jusqu’à la corde, il est temps d’ouvrir une nouvelle phase du quinquennat. C’est l’heure des grandes manoeuvres gouvernementales. Pendant plusieurs jours, le président de la République réunit autour de lui sa garde rapprochée à l’Élysée. Il décide finalement de remettre Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur comme ministre d’État, tout en lui laissant la présidence de l’UMP. Pendant cette période de latence, Kosciusko active ses réseaux. Son ami le sociologue Michel Maffesoli, proche de Dominique de Villepin, appuie sa candidature. L’insistance de la jeune députée finit presque par payer : le Premier ministre, avec le soutien de Claude Chirac, propose de nommer la jeune femme de 32 ans ministre de l’Écologie. Il se heurte au refus catégorique du président de la République.

« C’est parce que je suis enceinte, c’est ça ? », se plaint NKM auprès de l’écrivain corrézien Denis Tillinac. L’ami de trente ans de Jacques Chirac tente d’intercéder en faveur de la jeune femme. « Elle m’emmerde, elle veut aller trop vite », lui répond le chef de l’État. Venant de Chirac le « bulldozer », ministre à 34 ans, Premier ministre à 41 et maire de Paris à 44, le reproche a de quoi surprendre. Mais celui qui n’est devenu président qu’à 62 ans, après deux tentatives avortées, a souffert de sa trop rapide exposition. Il fait siennes, sur le tard, les vertus de la patience. « Il faut qu’ils prennent leur temps », répète-t-il désormais à propos des jeunes pousses, Pécresse, Wauquiez et Kosciusko-Morizet.

Une femme enceinte à la tribune du Congrès

La jeune femme doit tout d’abord faire ses preuves au palais Bourbon. Elle obtient de devenir rappor- 40 NKM, la femme du premier rangteuse d’un des textes les plus importants de la législature : la Charte de l’environnement. Le président de la République a décidé de faire de l’écologie un des axes majeurs de son mandat, poussé par sa fille Claude et l’animateur de télévision Nicolas Hulot. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », déclare-til lors du sommet de la Terre à Johannesburg, en septembre 2002. Son conseiller pour l’écologie, Stéphane Dupré la Tour, lui soumet l’idée de constitutionnaliser les droits de chacun en matière environnementale. Une commission est montée sous l’égide du paléontologue Yves Coppens, qui remet en 2004 un texte de douze articles axé autour de trois principes majeurs : la précaution, la prévention et le principe du pollueur-payeur. Kosciusko travaille alors à convaincre une majorité UMP rétive notamment face au principe de précaution, vu comme un frein à l’innovation. L’Élysée fait confiance à la jeune femme, qui s’est vite taillée une réputation de compétence en matière d’écologie à l’Assemblée. En compagnie de Valérie Pécresse, porte-parole du groupe UMP sur le texte, elle convainc de nombreux députés du bienfondé du projet. Elle s’attire aussi l’inimitié de quelques élus de droite, plus conservateurs sur le sujet. L’adhésion du Parlement est finalement apportée à l’issue d’un vote en Congrès à Versailles, le 28 février 2005, par 531 voix contre 23. Elle espérait l’unanimité, mais quelques récalcitrants sont venus troubler la fête. Pour parvenir à ce résultat, le président de la République a pesé de tout son poids politique. « Je l’ai fait pour Jacques », assurent de nombreux parlementaires. Nathalie Kosciusko-Morizet monte à la tribune du Congrès, enceinte de six mois et fière de son premier fait d’armes politique : « Cette charte qui traite de l’environnement, c’est-à-dire rien moins que la question de notre survie, va s’imposer comme une référence mondiale ». Une future maman pour un texte censé protéger les prochaines générations : son amie du Gref, Marie-Claire Daveu, présente dans le public, applaudit le symbole.

Grâce à ce texte, NKM commence à capter l’attention des médias. Les lecteurs de Paris Match découvrent, deux semaines plus tard, la jeune femme couchée sur un tapis de feuilles mortes sur une doublepage du magazine. Deux bibles du XVIIe siècle ouvertes à ses pieds, une harpe en arrière-plan, elle pose la main sur son ventre rond et fixe le photographe de ses grands yeux noisette. Le rayon de soleil qui traverse la photo ferait presque passer la jeune femme pour une apparition mystique. Le journal titre : « Son premier bébé, c’est la politique ». Nathalie Kosciusko-Morizet inaugure ici une série « décalée » de portraits d’élus imaginée par l’hebdomadaire. Mais la séquence ne connaît pas de suites. Face aux railleries soulevées par ce premier cliché, tous les responsables politiques prévus préfèrent se décommander. La députée de l’Essonne, elle, est satisfaite du portrait. La photo renforce sa notoriété et contribue à imposer l’image d’une femme politique atypique. Elle offre aussi à la presse l’occasion de tester son dictionnaire des synonymes : nymphe, diaphane, botticellienne, séraphique, seront désormais les qualificatifs accolés à l’acronyme NKM.

Extrait de "NKM, la femme de premier rang", Olivier Faye et Gaspard Dhellemmes (Editions Jacob-Duvernet), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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